J'ai lu le dernier livre de Maître Langlois. En préambule, et pour que mes propos ne risquent pas d'être mal interprétés, je dis que je suis totalement persuadé de la parfaite honnêteté de Maître Langlois (je ne me permettrais d'ailleurs pas de la mettre en doute) et que je le tiens pour un homme sensible sincère et généreux.
Pour le public, dont je fais partie, l'affaire Seznec présente deux aspects évidemment liés. Le sentiment unanimement partagé que l'affaire a été mal instruite, mal jugée et qu'il y a un doute qui aurait dû profiter à l'accusé. L'ouvrage de Maître Langlois répond à cette question. Le second aspect consiste en ce que nous espérons toujours connaître, aussi, la vérité (vraie !).
Le titre "Pour en finir avec l'affaire Seznec" faisait espérer quelques révélations qui permettraient d'approcher ce but et sur ce point, je suis un peu déçu.
Maître Langlois ne manifeste pas une très grande sympathie, et il le dit, pour Guillaume Seznec mais il ne le croit pas capable de commettre un meurtre (tout ce que l'on a dit du personnage va dans ce sens). En revanche, il est persuadé que c'est un faussaire et il dit, page 228 "Et là, on aborde un élément primordial : les promesses de vente de la propriété de Plourivo". Ces documents sont des faux, Seznec prétend qu'ils sont authentiques, il reconnaît comme siennes, sa signature et les mentions "prendra" et "en l'état".
Maître Langlois, certainement moins vicieux que moi, n'envisage pas que Quéméneur, ami de Seznec, ait pu vouloir l'escroquer. Donc, si les promesses sont des faux qui apparaissent après la disparition de Quéméneur, c'est Seznec qui les a réalisés, peut-être après avoir décalqué les vrais signés le 22 mai et avoir détruits ceux-ci.
Moi je dis que dans le domaine de l'escroquerie, il n'y a de limites que celles de l'ingéniosité de celui qui la conçoit et de la naïveté de celui qui en est victime. Je ne vous citerai pas toutes les escroqueries célèbres mais seulement, à titre d'exemple, Victor Lustig qui a vendu la tour Eiffel à un ferrailleur nommé Poisson et Denis Vrain-Lucas qui à vendu, au mathématicien Michel Chasles, 27.320 lettres, écrites en un pseudo vieux français, dont une de Marie-Madeleine à Jésus, un laissez-passer accordé par Vercingétorix à Pompée et même une lettre de menace de Caïn à Abel !
Ma conviction (encore une fois, je n'affirme rien, je suggère) est que le but de Quéméneur était peut-être de s'approprier les dollars-or de Seznec pour émigrer (hypothèse de Frédéric Pottecher) et de laisser ensuite sa famille se débrouiller pour récupérer l'héritage. Rien ne prouve également que les choses se soient passées comme prévu mais je ne m'aventurerai pas sur ce terrain. J'ai récemment comparé les différentes hypothèses de la disparition de Quéméneur au jeu du Cluedo et me suis attiré les foudres d'une intervenante qui a sans doute pensé que je voulais ridiculiser le livre de Maître Langlois (ce n'était pas mon but).
Je comprends aussi l'attitude de Denis Seznec. Intimement persuadé de l'innocence complète de son grand-père, il lui est certainement difficile d'accepter qu'il soit exonéré du meurtre pour être confirmé comme faussaire et complice. Cela est d'autant plus paradoxal que c'est précisément parce qu'il a été reconnu faussaire qu'il a été condamné pour meurtre.
Pour terminer, je dirai que si la démarche de Maître Langlois permet d'obtenir la révision du procès de 1924 et la semi-réhabilitation de Guillaume Seznec, cela constituera un premier pas tout comme celle d'Alfred Dreyfus en 1899 (il est vrai que Dreyfus, lui, était vivant et avait accepté de demander sa grâce, ce que Seznec n'a jamais fait) mais il ne faudra pas s'arrêter là.
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