La peine de mort éprouve terriblement l'avocat. Philippe Lemaire ne s'est pas remis du supplice de Bontems : "rien de plus atroce que d'assister, impuissant, au meurtre de l'homme qu'on a, de toutes ses forces, tenter de sauver".
Quand les tueurs se sont emparés de lui, Bontems s'est tourné vers ses défenseurs. Ils ont reçu son dernier regard. Le regard du noyé dont le visage émerge avant de s'enfoncer pour toujours dans l'eau noire. La porte s'est ouverte, Bontems a disparu. On a entendu tomber le couperet. Un claquement sec, horrible, inoubliable...
Durant des semaines, je me suis réveillé tous les matins à 4h. Avec ce regard devant les yeux. Avec ce bruit dans les oreilles...Aujourd'hui encore, Bontems ne me quitte guère. Rien de plus vivant qu'un supplicié...(...) Dans un monde absolument hostile, où chacun désire ou accepte la mort du condamné, on est, avec l'aumônier, le délégué de la pitié, le seul représentant de la tendresse humaine...(...)
Chaque jour, Me Lemaire va faire sa visite. Comme on se rend au chevet d'un blessé :
"Vous ne pouvez pas savoir ce qu'est un tel calvaire".
Lui le sait. Il a joué les Simon de Cyrène durant 150 jours. Lorsqu'il quittait la santé, il est probable que la croix retombait plus lourdement sur l'épaule de Bontems. Mais son coeur à lui n'était pas soulagé pour autant. Au palais, au travail, au milieu d'amis ou de jolies femmes, son regard, à son tour, s'absentait : "Je voyais Bontems tourner en rond dans sa cellule".
Au moment de l'exécution :
"La honte jaunissait les visages et l'horreur sciait les genoux. J'ai eu l'impression qu'on me déracinait le coeur. Et quand quelques secondes plus tard, j'ai entendu tomber le couperet..."
Philippe Lemaire n'achève pas. Son regard explore les abîmes. Les abîmes où logent le désespoir, la honte et le dégoût...
Vous allez peut-être vous demander pouquoi j'ai mis ce long post ici. Il aurait éventuellement été mieux à sa place sur le forum-justice mais il concerne la peine de mort, alors je me suis décidée à le mettre ici.
A chacun ses centres d'intérêts, moi c'est le côté humain qui m'attire le plus. Je ne peux pas réprimer, à chaque fois que je vois témoigner Paul Lombard ou Jean-François Le Forsonney, un sentiment profond de compassion. Ils ont vécu la même chose que décrit ci-avant, Jean-François Le Forsonney d'autant plus puisque, comme Philippe Lemaire allait voir Bontems, il allait voir CR et avait la meilleure connaissance de ce dernier puisqu'il était le seul à part la mère et les autres avocats à lui rendre visite. Même si après tant d'années, tous ces sentiments s'atténuent, je me dis que si Jean-François Le Forsonney a baigné ou baigne encore dans tout ça, j'ai un profond respect pour son combat et c'est entre autres pour ça que chaque remarque concernant "les avocats qui n'ont pas été à la hauteur" me heurte sincèrement. La lecture de son livre m'a d'ailleurs confortée dans ce sentiment : je l'ai déjà dit : simple, humble, humain et émouvant.
Je voulais juste dire tout ceci, n'y voyez ni plus ni moins qu'une envie de le dire...
Je n'avais même pas enregistré cette phrase ! 
FRAT : voulais plaider l'aquittement pur et simple Lombard lui refuse !!
