De rapports gênants en témoignages accablants, la question de la condition humaine en prison n’a jamais tant été d’actualité. Médecins, journalistes, photographes, anciens détenus, tous s’unissent pour dénoncer l’univers carcéral, cet espace de non-droit en marge du monde, aux frontières de la vie. Les révélations choquent, les parlementaires s’indignent, nos consciences se troublent. Mais ces accès de bon sentiment suffiront-ils pour que change un système pernicieux qui bafoue la dignité et encourage la récidive ?

Pour qui souhaite approfondir la question, Paroles de détenus offre une véritable occasion de comprendre ce que vivent les hommes enfermés. Recueil de textes contemporains rédigés en détention et réunis à l’appel de Radio-France, cette anthologie s’enrichit de témoignages du patrimoine littéraire qui se glissent entre deux cris de désespoir anonymes. De Baudelaire à Sade, de Genet à Wilde, de Joël à Michel, tous ont éprouvé le besoin de confier leur solitude à l’écriture pour survivre aux murs hauts et sombres, aux barreaux qui entravent, au temps inutile, aux manies qui sauvent de la folie, aux pulsions suicidaires qui assaillent l’esprit. Vibrations de l’âme, ces écrits sont un défi à la solitude des hommes privés de liberté qui crient leur souffrance dans des images souvent sublimes.

Présenté par thèmes -de l’incarcération à la sortie-, ce livre épouse la structure d’une marelle, sorte d’allégorie de la vie humaine. Entre terre et ciel, chacune des cases regroupe de façon thématique ces paroles de détenus présentées et annotées par Jean-Pierre Guéno. Sont ainsi évoqués l’arrivée en prison, la haine et la violence, l’amour et le manque, la justice qui écrase, la solitude et la tentation du néant, mais aussi la rémission et la paix intérieure retrouvées dans "les mots de ceux que la prison transcende lorsqu’elle ne les a pas détruits". Certaines images et évocations reviennent, lancinantes, telle une complainte douloureuse : ainsi, le ciel, l’horizon bouché qui annihile la vue pour exalter l’odorat et l’ouïe, le claquement lourd et familier des portes, l’odeur perceptible de renfermé, le scintillement lointain d’une étoile pâle, affaiblie entre deux projecteurs ou encore l’amertume du soir quand la nuit tombe et que là-bas, dehors, les foyers se retrouvent…

Paroles de détenus est un ouvrage à lire lentement, par petites touches interrompues. Car de l’incarcération à la sortie, vous souffrirez avec le prisonnier. "Il faut savoir écouter la complainte des hommes enfermés, elle raconte la chute que vous auriez pu vivre si vous aviez trébuché", avertit d’ailleurs Jean-Pierre Guéno dans sa préface.

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