Le Livre de Jacques Vergès nous entraîne dans un dédale d?affaires judiciaires où la croyance en une justice équitable pour tout citoyen est mise à rude épreuve.
Pour qui se souvient en 1981 du Japonais cannibale, Issei Sagawa qui découpa en morceaux et mangea une jeune étudiante hollandaise et qui jouit depuis sa libération en 1984 des faveurs des milieux branchouillards et des vecteurs de communication en mal de sensations fortes, son jugement fut un bel exemple de la mansuétude de l'appareil judiciaire vis à vis de ce garçon dont le père influent était un éminent magnat des affaires au Japon.
Fait encore plus révoltant est le classement vertical que reçut le dossier du meurtre d'une jeune étudiante au Japon en 1992, découpée en morceaux par son bourreau et qui habitait à 10 minutes de chez Sagawa.. (simple coïncidence ? )
Parallèlement, Jacques Vergès met en exergue une instruction moins clémente dans le dossier de Christian Ranucci avec une enquête et procès expéditifs au détriment de la vérification de certains éléments à décharge de l'accusé. La justice a estimé Sagawa comme non responsable de ses actes, (malgré l'avis contraire de la majorité des experts psychiatriques) . Sagawa fut relaxé pour un crime dont il a à profusion donné des détails scabreux et vanté toute la lucidité de ses actes alors que Christian Ranucci, issu d'une famille modeste, qui s'est pourtant rétracté après ses aveux, et face à des témoins et éléments matériels troublants n'a pu jouir d'un tel traitement de faveur... ?
L'organisation par Christian Ranucci de l'enlèvement et du meurtre de Marie-Dolores ne b?ééficie pas en tout cas du même degré de certitude que le cadavre découpé retrouvé dans le frigo de Sagawa. Mais là encore, la justice a, sans aucun souci de la famille de la victime, semble avoir eu rapidement la certitude que le Japonais cannibale n'était pas un justiciable classique. Christian Ranucci, dont on ne saura jamais, en raison des lacunes de l'enquête, et malgré sa condamnation, s'il était coupable ou innocent, est mort. Le Japonais cannibale, dont on a toujours su qu'il était coupable, est aujourd'hui l'artiste undergroundé à Yokohama à Jacques Vergès, p 75/76
L'affaire Emile Louis est aussi un bel exemple de la négligence flagrante et choquante de cette justice à 2 vitesses, où il fallut attendre plus de 20 ans pour confondre l'assassin, malgré les coïncidences évidentes entre les crimes : négligences mais aussi pertes de dossiers compromettants pour Emile Louis lui ont permis de récidiver autant de fois qu'il l'a désiré.. contre des victimes pour lesquelles l'appareil policier et judiciaire n'ont montré qu'indifférence et mépris ! Les faits relatés par Vergès sont criants d'injustice par notre justice !
L'affaire des frégates à Taiwan durant laquelle d'éminents émissaires furent suspectés de corruption, n'a toujours pas révélé le "carnet de bal de ce gotha" et de leurs détournements astronomiques d'argent alors que la justice n'a aucune pitié, dans sa gestion routinière et expéditive des petits larcins, d'envoyer en prison ces malheureux dont le montant du butin dérobé est inversement proportionnel aux commissions reçues par ces hauts pontifes non inquiétés encore à ce jour ?
Et qui ne se souvient pas.. du meurtre de la jeune Audrey sauvagement assassinée et violée sur l'Ile de Ré en 2003. Une trace ADN très incomplète fut isolée, après des mois d'analyses vaines, sur une pièce textile et permit, enfin, après moultes identifications et vérifications des suspects potentiels, d'appréhender l'assassin de l'adolescente.. Ou du meurtre de Caroline Dickinson, sans aucun précédent dans l'histoire policière, avec plus de 3700 analyses ADN.
Mais que dire alors du dossier de Omar Raddad pour lequel la justice n'a finalement demandé aucune enquête comparative de l'ADN masculin retrouvé dans les inscriptions de sang sur les lieux du crime considérant que les manipulations faites par des tierces personnes pourraient expliquer la présence de ces traces génétiques.. Et en quelques lignes en 1992, la Cour de révision balaiera d'un revers de manche les expertises !!
Supposition quelque peu troublante et bien hâtive dans le meurtre de Mme Marchal alors que,comme le souligne justement Me Vergès "
dans la cave d'une ville cossue à Mougins , il passe moins de monde que sur une grand-route à L'Ile de Ré ou dans une auberge de jeunesse en Bretagne" Ibid, p 165
"Malheur Aux Pauvres" ne peut laisser indifférent : l'étrange gestion de certains dossiers par notre justice est révoltante et incommensurablement dénigrante et humiliante pour le "simple" citoyen (qui n'a pas le luxe ou les facultés) de pouvoir se "payer" les meilleurs avocats du barreau, tandis qu'elle s'avère si "peu regardante sur l'impunité des riches".
