VOICi LES AVEUX DE JEAN-LUC RIVIERE ENREGISTRES LE JOUR MEME DE SON ARRESTATION , procès-verbal du 6 février 1978 à 21 heures .
En effectuant des stages de formation professionelle à berck-sur-mer de juin 1977 à janvier 1978 , j'ai fait la connaissance d'un garçon nommé Chara Mohamed qui demeure comme moi à Sallaumines . Nous avons sympathisé pendant ces stages et sommes devenus amis .
Chara est venu il y a environ une semaine chez moi , simplement pour me rendre une visite amicale . Hier , dimanche 5 février , alors que je partais rendre visite à ma future belle-mère , vers 11 h du matin , j'ai rencontré Chara qui cheminait sur la route nationale , seul .
Je me suis arrêté et nous sommes allés boire un pot . Il m'a demandé ce que je faisais et comme je lui ai dit avoir trouvé du travail , il m'a demandé de le présenter à mon patron , pour le faire embaucher .
Il a été convenu qu'à mon départ pour le travail vers 6h , je passerais prendre Mohamed à son domicile pour essayer de le faire embaucher . Je devais pour le réveiller jeter un petit caillou dans la vitre de sa chambre . En effet , Mohamed ne voulait pas que ses parents soient au courant , et il m'avait dit que si sa mère le voyait sortir il dirait qu'il partait faire le marché , c'est à dire aider un de ses cousins qui est marchand ambulant .
Ce matin [ ... ] vers 6 heures , j'ai voulu partir de chez moi en cyclomoteur , mais celui-ci n'a pas démarré . J'ai donc démonté et nettoyé la bougie d'allumage . Puis le cyclo a démarré . J'ai pris mon sac de travail et suis parti chez Chara . Il était un peu plus tard que d'habitude , au moins 6h30 .
D'ordinaire , nous partons de chez mon patron [ ... ] vers 7 h . Comme convenu , j'ai jeté un caillou dans le volet en bois de la chambre de Mohamed , située au premier étage droite de la façade arrière de la maison . Il est immédiatement descendu et s'est installé à l'arrière de mon cyclomoteur .
J'ai emprunté la route de Méricourt . Chemin faisant , Mohamed Chara a commencé à me dire que dans les entreprises " il y avait beaucoup d'argent " , que son cousin et son frère ont fait des vols , et ont été pris mais libérés très rapidement . Puis il a dit que si il n'était pas embauché , nous devrions tuer la femme et prendre les sous .
Dans son esprit , il était déjà décidé à tuer et non à assommer ou à menacer cette femme . J'ai d'abord hésité , mais Chara était persuasif et il considérait que la femme devait être tuée car elle aurait pu nous reconnaître .
En arrivant à la maison des Sobon , j'ai vu que les ouvriers et les patrons étaient déjà partis . Il y avait un billet disant: " Je suis chez Henri " qui est un ouvrier de l'entreprise . J'ai alors déposé mon cyclomoteur sur le trottoir en face de la maison , la pédale coincée sur la bordure du trottoir afin de la faire tenir droite . Mes gants noirs en simili étaient tenus sur le porte-bagages par un sandow .
J'ai frappé à la porte , Chara étant à côté de moi . Mme Sobon est venue ouvrir en me reconnaissant . Nous sommes entrés dans la cuisine . Il devait être alors 7 h ou 6 h 45 . Mme Sobon était en chemise de nuit verte avec des dessins . Elle m'a dit que j'avais raté le départ. Le patron m'avait attendu jusque 6 h 15 .
Je lui ai demandé si elle embauchait encore des manoeuvres , mais elle a dit que non . A ce moment , Chara m'a fait un signe de tête , j'ai attrapé la dame à bras-le-corps , elle se débattait vivement en criant , alors je l'ai fait tomber et suis tombé sur elle . Je lui ai serré le cou et tout en l'étranglant je lui frappais la tête sur le sol de la salle à manger où nous étions.
La lutte a duré longtemps , il me semble au moins une heure . Entre-temps , une petite fille que nous avions vu dans la cuisine en arrivant et qui était en train de déjeuner d'un bol de café au lait , vêtue d'un pyjama dont je ne me remémore pas la couleur , est arrivée en criant et pleurant .
Mohamed , craignant que cela n'alerte les voisins , la emmené au premier étage en prenant un morceau de sucre dans le sucrier posé sur la table de la cuisine , et en lui disant: " Viens en haut , tu auras un sucre ! " il est resté longtemps en haut pendant que je me chargeais de la mère.
J'ai entendu un bruit d'eau , puis il est redescendu , le cheveux mouillés et une main tachée de sang . Il a dit: " Ca y est , c'est fini . Je l'ai tuée . "
A ce moment-là , la mère ne bougeait plus mais je l'entendais encore respirer . Elle avait du sang sur le visage et ses cheveux étaient mouillés . Je suis allé chercher une serviette dans la cuisine et lui ai frotté le visage , il s'agit de la serviette éponge de teinte claire que vous me montrez .
J'ai laissé la serviette sur son visage mais sans en faire un turban ; je n'ai pas non plus utilisé le torchon blanc avec un liseret et un carré noir que vous me montrez également . Mais comme je suis resté un moment dans la cuisine pour me nettoyer les mains que j'avais pleines de sang , ainsi que mon visage qui était griffé par Mme Sobon , il est possible que Mohamed qui était resté près de la femme lui ai enveloppé la tête dans ces linges .
SI : J'ai en effet deux griffes sur la joue gauche , elles ont été causées par Mme Sobon . Chara n'a pas frappé Mme Sobon , il s'est occupé de la fille dont nous ignorions la présence avant les faits , puis a fouillé les tiroirs du buffet de la cuisine . Il a trouvé un porte-monnaie de femme , beige avec un motif , assez grand , qui selon lui contenait 150 F .
Il m'a donné 75 F tout de suite , en 7 billets de 10 F et 5 pièces de 1 F . Ce porte-monnaie , Chara me l'a donné en rentrant en me disant de m'en débarrasser , il s'agit de celui que vous avez trouvé dans ma poubelle , car je n'ai pas eu le temps de m'en débarrasser .
Chara pensait trouver plus d'argent que cela car je lui avait dit que nous étions payé le 10 du mois . Chara et moi sommes repartis sur mon cyclomoteur , et je l'ai déposé près de chez lui . Il était plus de 8 H . Je ne l'ai pas revu depuis mon arrestation . Je me souviens que devant la maison , ou plutôt sur le trottoir de gauche , était stationnée une grande voiture marron .
Lors des faits , j'étais habillé comme maintenant , c'est-à-dire en survêtement vert . Je n'ai pas de tache de sang sur mes vêtements . Chara était également habillé comme maintenant : il avait sa canadienne et le même pantalon .
Je ne suis pas du tout monté à l'étage et n'ai pas vu le cadavre de la petite , j'ai tout de suite regretté mon geste . Pour sortir , la porte de derrière s'étant bloquée , nous sommes passés par la porte de devant qui était ouverte . Je ne vois rien d'autre à déclarer .
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