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MessagePosté :01 oct. 2008, 12:12 
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Une magistrate mise en cause pour avoir libéré un criminel

Dix jours après avoir été remis en liberté par une juge, un mari violent avait tué sa femme. La sœur de la victime veut voir la responsabilité de la magistrate engagée.

La mort de sa sœur n'aurait jamais dû avoir lieu. Si seulement la magistrate n'avait pas remis en liberté cet homme dangereux qu'était le mari de sa sœur… Convaincue que le drame aurait pu être évité, Véronique Bernard a décidé de mettre en cause la responsabilité de la juge des libertés devant la justice. L'assignation rédigée en droit contre l'État pour «dysfonctionnement du service public de la justice» va être examinée pour la première fois le 8 octobre.

Le drame s'est déroulé dans la région de Poitiers, en juin 2007. Mireille Guibault, la sœur de Véronique, décide de quitter le domicile conjugal et d'entamer une procédure de divorce. Elle dénonce aux policiers les viols et les tortures dont elle fait l'objet depuis des années de la part de son mari. «Elle est venue me voir un soir de permanence, raconte un enquêteur, qui a gardé l'affaire précisément en mémoire. Les perquisitions menées au domicile ont tout de suite permis d'établir la réalité des faits.» Pascal Guibault, un ancien militaire, salarié de l'université de Poitiers, homme en apparence lisse et affable, avait en effet pour habitude de filmer les scènes de tortures qu'il infligeait à sa femme. Ces vidéos ainsi que divers objets sont saisis par les policiers.


Sous contrôle judiciaire

L'homme est interpellé, pendant que son épouse, enseignante, se réfugie loin du domicile avec ses trois enfants. Le 8 juin, après 48 heures de garde à vue, Pascal Guibault est mis en examen. Le parquet requiert son placement sous écrou. Mais la juge des libertés et de la détention - un magistrat volontairement distinct de celui en charge de l'instruction - estime que l'incarcération de l'homme n'est pas nécessaire et décide de le remettre en liberté sous contrôle judiciaire. Logiquement, le parquet fait appel, continuant de demander que le mari soit incarcéré immédiatement.

L'audience qui doit trancher sur cette question est fixée au 19 juin. Elle n'aura jamais lieu. Au petit matin du 19 juin, Pascal Guibault a abattu sa femme de onze balles de 22 long rifle, à la sortie de son hôtel, à Vannes, alors qu'elle s'apprêtait à participer à un jury de recrutement de professeurs. Il s'est suicidé immédiatement après, à l'aide d'une autre arme.

En principe, l'action de la justice aurait dû s'arrêter avec la mort dramatique des deux protagonistes. Mais la sœur de Mireille Guibault n'a pas voulu en rester là. Pour elle, la remise en liberté de son beau-frère constitue une faute lourde, car sa dangerosité était patente.

«Devant les enquêteurs, mais aussi devant le procureur de la République, Pascal Guibault avait avoué les faits, réitéré les menaces de mort sur sa femme et présentait un état psychique qualifié de dangereux», assure Me Sophie Dechaumet, conseil de Véronique Bernard, dans son assignation. «Le rapport de police mentionnait expressément que, malgré ses airs très comme il faut, cet homme était dangereux», témoigne un enquêteur de Poitiers. «Personnellement, j'étais convaincu que cet homme allait récidiver», confie aujourd'hui un magistrat du tribunal de Poitiers.

Pourtant, même si les faits lui ont donné tort après coup, la juge des libertés peut-elle être considérée comme fautive ? Rien n'est moins sûr. Au nom de l'indépendance des magistrats, ne sont qualifiés de fautes que les cas de «méconnaissance grave et inexcusable des devoirs essentiels du juge dans l'exercice de ses fonctions». «J'ai bien conscience que ce dossier est difficile à plaider», concède Sophie Dechaumet.

Jointe par Le Figaro, la magistrate Mme Marquis mise en cause n'a pas souhaité s'exprimer. Très éprouvée par l'affaire selon les témoignages de ses collègues, elle a désormais rejoint les affaires familiales.



Peu de sanctions sont prononcées contre les juges

.
Le nombre d'assignations a légèrement crû ces trois dernières années. Elles sont passées de 180 en 2004 à 239 en 2006.

Le juge devra «payer» pour sa «faute», avait lancé, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, à propos du magistrat qui avait remis en liberté Patrick Gateau, au lendemain du meurtre de Nelly Crémel.

Depuis ces déclarations, qui avaient suscité une vive polémique dans le monde judiciaire, la question de la responsabilité des magistrats a été plusieurs fois sur le devant de la scène politique, sans toutefois que le système ne soit réformé.

Les magistrats doivent répondre de leur comportement sur trois plans. Ils peuvent bien sûr être poursuivis pénalement comme n'importe quel justiciable. Ensuite, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) peut sanctionner des manquements à la discipline et à la déontologie de la profession. Toutefois, ces sanctions restent rares (une dizaine par an en moyenne), car les saisines de l'instance disciplinaire restent elle-même peu fréquentes - seul le garde des Sceaux, et les chefs de cour peuvent transmettre un dossier au CSM.

L'affaire Outreau elle-même n'a à l'heure actuelle donné lieu à aucune sanction disciplinaire. Sur le plan civil, enfin, les justiciables peuvent demander des comptes à l'État en cas de dysfonctionnement de la machine judiciaire. Et si la faute lourde d'un magistrat est prouvée, l'État peut en théorie se retourner contre celui-ci.

En pratique, l'État n'exerce pas cette faculté d'action récursoire. Peu de justiciables s'en prennent en réalité à la responsabilité des magistrats. Le nombre d'assignations a légèrement crû au cours des trois dernières années, passant de 180 en 2004 à 239 en 2006. Le plus souvent, estiment les professionnels, ces actions portent sur des questions matérielles. Mais là encore, les condamnations sont peu nombreuses : en 2004, seules 23 décisions condamnant l'État ont été prononcées.


Hypersensibilité de l'opinion

Les magistrats sont très attachés à ce que le contenu «juridictionnel» d'une décision reste inattaquable, considérant que la seule bonne voix de recours d'un justiciable qui ne serait pas content d'une décision reste l'appel. La simple erreur d'ap­préciation d'un magistrat qui aurait par ailleurs travaillé avec sérieux est délicate à mettre en cause.

La cour d'appel de Paris a toutefois considéré, en octobre 2000 comme une faute lourde la décision d'un juge aux affaires matrimoniales qui avait fixé le lieu de résidence habituel d'une fillette chez sa mère, alors que celle-ci avait été hospitalisée d'office pour meurtre hallucinatoire. La mère avait tué sa fille.

En mars 2007, le Conseil constitutionnel a toutefois annulé, au nom de l'indépendance de la magistrature, l'une des dispositions phare du projet de loi «post-Outreau» : une extension de la définition de la faute disciplinaire du magistrat. Les politiques avaient âprement défendu le texte en mettant en avant auprès des magistrats l'hypersensibilité de l'opinion publique.

Le législateur est tout récemment revenu sur le dossier : la réforme constitutionnelle prévoit que les justiciables pourront porter plainte directement devant le Conseil supérieur de la magistrature. Ne manquent plus que les textes qui organisent cette nouvelle faculté…


Source : Le Figaro


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