Peines plancher: un syndicat dénonce des pressions «inacceptables» de Dati
Le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) a dénoncé ce mercredi les pressions «inacceptables» exercées, selon lui, sur l’autorité judiciaire par la garde des Sceaux Rachida Dati, qui a convoqué la semaine dernière cinq procureurs généraux aux statistiques décevantes sur l'application des peines plancher.
Rachida Dati «inaugure ainsi un système généralisé de surveillance de l’activité des juges», affirme dans un communiqué le SM, estimant que cette convocation s'est faite «au mépris, une nouvelle fois, de la séparation des pouvoirs». Alors que les prisons sont «au bord de l’asphyxie... la garde des Sceaux s’acharne à imposer le prononcer des peines plancher aux juridictions», ajoute-t-il, critiquant «l’énergie que déploie la Chancellerie pour une mise en oeuvre quasi obsessionnelle des peines plancher».
«Alors que la loi du 10 août 2007 prévoit des dérogations à l’application des peines plancher, le ministère de la Justice feint de l’ignorer en mettant en place une série d’outils statistiques tatillons pour contrôler les décisions des juges, avec un suivi en temps réel des audiences pénales correctionnelles», selon le SM.
«Lorsque les juridictions pénales dérogent à l’application des peines plancher, par des motivations souvent circonstanciées, c’est aussi parce qu’elles ont à l’esprit la situation calamiteuse des prisons françaises, régulièrement dénoncée par les instances européennes», souligne le syndicat.
Contacté par 20minutes.fr, le porte-parole de la Garde des Sceaux rappelle que cette convocation concernait des procureurs généraux, sous l'autorité du ministère, et non des juges, et que Rachida Dati ne faisait que «veiller à la cohérence de l'application de sa politique pénale sur le territoire», conformément à l'article 30 du Code de procédure pénale. Or, «la lutte contre la récidive est l'une des priorités de la ministre», souligne Guillaume Didier. Au cours de cette réunion, il a ainsi été rappelé aux procureurs «la nécessité de relever l'état de récidive d'un prévenu, de formuler des réquisitions adaptées et de faire appel si le jugement qui écarte la peine plancher est fondé sur des motifs qui ne semblent pas pertinents», ajoute le porte-parole.
Les principales dispositions du projet de loi sur la récidive
Quelles sont les principales dispositions du projet de loi de Rachida Dati de lutte contre la récidive, définitivement adopté jeudi par le Parlement?
- Peine plancher pour les délits :
En cas de récidive, la peine minimale est d'un an si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement, deux ans pour cinq ans, trois ans pour sept ans et quatre ans pour dix ans.
Le juge peut néanmoins prononcer une peine inférieure «par une décision spécialement motivée» et «en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou de ses garanties d'insertion ou de réinsertion».
Lorsque les circonstances de l'infraction ou la personnalité de l'auteur le justifient, le président de la juridiction avertit le condamné des conséquences qu'entraînerait une condamnation en état de récidive.
- Peine plancher pour les crimes :
La peine minimale en cas de récidive est de cinq ans si le crime est punissable de quinze ans de réclusion, sept ans pour vingt ans, dix ans pour trente ans et quinze ans pour les actes encourant la réclusion à perpétuité.
Comme pour les délits, la Cour d'assises peut cependant «prononcer une peine inférieure à ces seuils en reconsidération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou de ses garanties d'insertion ou de réinsertion».
- Excuse de minorité :
Les peines plancher s'appliquent aussi aux mineurs de plus de 16 ans dans les mêmes proportions que les peines encourues, à savoir la moitié de celles des majeurs.
Par ailleurs, le projet donne la possibilité d'écarter cette «excuse de minorité», et donc de juger les mineurs comme les majeurs, si «les circonstances de l'espèce et la personnalité du mineur le justifient», le tribunal pour enfants devant alors motiver sa décision.
En cas d'une deuxième récidive de certains crimes (comme le meurtre) ou délits (violences volontaires, agressions sexuelles, vol avec violences), l'excuse de minorité ne s'applique pas. La juridiction de jugement (tribunal ou Cour d'assises) peut toutefois la rétablir. Le tribunal pour enfants ne peut le faire que par décision spécialement motivée.
Source : 20 Minutes
|