Du nouveau dans l'affaire ...
Dans l'affaire de la Josacine, la justice estime "plausible" l'hypothèse de l'accident camoufl?
LE MONDE | 22.11.05 | 15h19 ? Mis ? jour le 22.11.05 | 15h19
Le tribunal correctionnel du Havre a relax?, lundi 21 novembre, du délit de diffamation notre collaborateur Jean-Michel Dumay et le PDG des ?ditions Stock, Jean-Marc Roberts, qui étaient poursuivis pour un livre sur l'affaire de la Josacine paru en 2003 (Le Monde du 29 septembre). Dans cette contre-enquête intitul?e Affaire Josacine, le poison du doute, qui d?veloppe un article publi? dans Le Monde dat? 24-25 novembre 2002, Jean-Michel Dumay soutient qu'Emilie Tanay, décédée en 1994 d'une ingestion de cyanure, a pu ne pas avoir été victime d'un crime passionnel rat?, comme l'a conclu la cour d'assises de la Seine-Maritime en condamnant Jean-Marc Deperrois ? vingt ans de réclusion, en 1997, mais d'un accident domestique camoufl? a posteriori.
Dans ses attendus, le tribunal observe que "la mat?rialit? des diverses imputations" contenues dans le livre est "avérée" et "rend plausible l'hypothèse formul?e" par l'auteur et l'?diteur, même s'ils n'en rapportent pas "la preuve compl?te et absolue". Me Malka Kreizel-Debleds, avocat de Jean-Michel Tocqueville, qui poursuivait le livre, a fait appel.
D?MARCHE L?GITIME
Etay?e par une ?tude des 2 000 pi?ces du dossier que les juges qualifient de "minutieuse", et notamment par la révélation d'?coutes téléphoniques passées inaper?ues aux yeux des enquêteurs et des avocats du condamn?, l'hypothèse d?velopp?e dans le livre met en cause Jean-Michel Tocqueville, chez qui l'enfant était gardée le soir du drame, et l'un de ses amis, Denis Lecointre. Selon cette hypothèse, l'enfant aurait ingéré par erreur du cyanure, qui se trouvait au domicile de M. Tocqueville : un accident que ce dernier aurait tu ? l'?quipe médicale intervenue sur place, puis camoufl? en versant a posteriori le produit mortel dans le flacon de Josacine que l'h?pital allait r?clamer.
Reprenant une argumentation déjà d?velopp?e par la cour d'appel de Toulouse, en 2004, qui avait d?bout? M. Lecointre d'une plainte contre Le Monde, les juges du Havre ont accord? le b?n?fice de la bonne foi ? Jean-Michel Dumay en estimant que " (sa) volont? de tenter de r?parer ce qu'il estime être une erreur judiciaire (devait) être consid?r?e comme une d?marche l?gitime de la part d'une personne qui a vocation ? ?clairer l'opinion". Le journaliste, selon eux, "a apport? ? la r?daction de son livre des éléments sûrieux puis?s au cours de l'enquête, de l'information judiciaire et également tir?s des débats de la cour d'assises", qu'il avait suivis. " (Il) est rest? dans son rôle, ?crivent-ils, la sincérité de sa d?marche ne peut être suspect?e."
"Il a objectivement présent? les faits" et "n'a pas m?connu ses devoirs de prudence que lui impose son activit? professionnelle", ne faisant preuve d'"aucune animosit? ? l'encontre de M. Tocqueville". Le délit de diffamation n'est donc pas constitué.
Plus généralement, ?crivent les juges, "la liberté d'expression relative aux affaires judiciaires correspond ? une n?cessit? sociale fondamentale, (qui) vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou consid?r?es comme inoffensives ou indiff?rentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inqui?tent".
Sur le fond, ils rel?vent que l'auteur du Poison du doute et son ?diteur "établissent la possibilit?" pour les époux Tocqueville d'avoir d?tenu du cyanure chez eux et que "des incoh?rences existent dans les explications données (par les Tocqueville) sur les circonstances dans lesquelles l'enfant a pris son médicament", notamment au vu des témoignages du médecin et de l'infirmier anesth?siste intervenus le soir du drame.
Enfin, affirment-ils, "il est certain que les ?coutes entre MM. Tocqueville et Lecointre (intercept?es au tout début de l'enquête) présentent un caract?re troublant". Alors que, le 16 juin 1994, les journaux télévisés annoncent le retrait du march? de la Josacine, M. Lecointre s'inqui?te auprès de M. Tocqueville de ce que ce dernier risque de "passer ? la télé" : "Toi, avec ton produit qu't'a mis dans la Josacine."
S'appuyant sur les "éléments nouveaux" apport?s par la contre-enquête et de nouvelles expertises, qui rendent, selon lui, "vraisemblable" l'hypothèse de l'accident domestique camoufl?, Me Thierry L?vy a d?pos?, début septembre, une deuxi?me requête en révision du procès de M. Deperrois, qui a toujours clam? son innocence.
Pascale Robert-Diard
Article paru dans l'?dition du 23.11.05
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http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 091,0.html