Dany Leprince a-t-il été condamné à tort ?
Par Alexandra Guillet , le 17 mars 2011 à 06h00, mis à jour le 16 mars 2011 à 18:37
La Cour de révision va réexaminer jeudi la condamnation à la perpétuité de ce sarthois pour un quadruple meurtre commis en 1994.
L'heure tant attendue est enfin arrivée pour Dany Leprince. Ce jeudi, la Cour de révision va se pencher sur le quadruple meurtre qui l'a conduit en prison seize ans plus tôt. L'apparition d'éléments suffisamment troublants dans cette affaire avaient, en effet, conduit la commission de révision des condamnations pénales à réenquêter et à saisir la haute instance.
Le drame, qui avait scellé le sort de Dany Leprince, remonte au 5 septembre 1994, à Thorigné-sur-Dué, dans la Sarthe. Ce jour là, son frère Christian, 34 ans, sa belle-soeur Brigitte, 36 ans, et ses deux nièces Sandra, 10 ans, et Audrey, six ans, sont retrouvés sauvagement assassinés dans leur maison, distante de 20 mètres de la sienne. Seule Solène, le troisième enfant de son frère, âgée de deux ans, a miraculeusement échappé à la tuerie. Rapidement, Dany Leprince, est désigné comme le coupable. Au bout de 46 heures de garde à vue, il avoue le seul meurtre de son frère, avant de se rétracter. Depuis, il n'a cessé de clamer son innocence. En 1997, celui que l'on surnomme alors le "boucher de la Sarthe" est condamné à la perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans.
Quels éléments ont conduit Dany Leprince en prison ?
Le dossier d'accusation contre lui repose exclusivement sur trois dépositions à charge, celle de sa femme Martine Compain, de leur fille aînée Celia, et de la fillette survivante du crime. Les deux premières disent avoir vu le suspect tuer son frère mais pas les autres victimes. Après avoir avoué le seul meurtre de son frère lors de sa garde à vue, puis devant un juge, dans des déclarations contestées et aussitôt rétractées, Dany Leprince a ensuite toujours clamé son innocence.
Aucune preuve matérielle n'a pu être apportée à l'appui de ces déclarations. Les empreintes digitales et génétiques relevées sur les lieux du crime ne correspondant pas à celles de Dany Leprince. Les empreintes de pas correspondaient à celles d'une femme. Ce qui a été considéré comme étant l'arme du crime, une "feuille" de boucher, l'outil de travail de Dany Leprince, a été apporté aux gendarmes par un ami de la famille liée à l'épouse de l'accusé. Le mobile retenu était celui d'un litige financier entre les deux frères.
Quels éléments nouveaux pourraient l'innocenter ?
La commission de révision, pour saisir la Cour, a retenu plusieurs éléments nouveaux présentés par un comité de soutien. Elle a retenu que les dépositions de Martine Compain, l'épouse de Dany Leprince, ont été fluctuantes et qu'un couteau saisi à son domicile pourrait avoir servi au massacre. Lors d'une expertise psychiatrique nouvelle ordonnée sur Martine Compain, cette dernière a déclaré : "Je me demande si je n'ai pas fait quelque chose. J'ai peut-être tué quelqu'un, je l'ai dit à mon avocate".
La contre-enquête menée par la commission de révision a en outre montré qu'un des gendarmes enquêteurs et un auditeur de justice en poste chez le juge d'instruction avait des liens privés avec Martine Compain, jugés "incompatibles avec la procédure". Des doutes sont aussi apparus sur les dépositions à charge en raison de précisions horaires apportées au dossier grâce aux explications de Dany Leprince concernant une émission de télévision qu'il aurait vue le soir des faits.
Quelles suites pour Dany Leprince ?
En juillet dernier, la commission de révision des condamnations pénales a décidé de saisir la Cour de révision. Elle décide également de suspendre la peine de Dany Leprince, qui est libéré après 16 ans de détention. Cette décision atteste des doutes sérieux qui planent sur la culpabilité du Sarthois. Dany Leprince est depuis soumis à un strict contrôle judiciaire. Interdit dans la Sarthe, la Mayenne et le Maine-et-Loire, il a choisi de s'installer à Marmande, dans le Lot-et-Garonne, où réside sa nouvelle femme, Béatrice. Mais il reste sous le coup d'une condamnation à perpétuité avec une période de sûreté de 22 ans.
Si la Cour de révision rejetait sa requête en révision, Dany Leprince serait renvoyé en prison. Mais elle peut aussi décider, soit d'un nouveau procès, soit d'annuler purement et simplement sa condamnation.
La révision, une procédure rarissime
Malgré un assouplissement des règles de saisine, les révisions de condamnations pénales restent rares en France. Depuis 1945, six accusés ont bénéficié d'une révision, décrochant finalement l'acquittement après un nouveau procès. L'année dernière la Cour a décidé deux révisions coup sur coup, concernant Marc Machin, condamné à 18 ans de réclusion pour le meurtre d'une femme sous le pont de Neuilly en décembre 2001, et Loïc Sécher, frappé de 16 ans de réclusion pour viols sur mineure en 2000. Mais les deux hommes doivent encore être rejugés par une cour d'assises avant de pouvoir être définitivement blanchis.
Source : LCI _________________ Anne
" La peine irréparable suppose un juge infaillible" Victor Hugo
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