http://fr.news.yahoo.com/06092006/290/m ... treau.html
PARIS (Reuters) - Une demande de Nicolas Sarkozy a amené mercredi une modification de dernière minute du projet de réforme partielle de la justice destiné à tirer les leçons du fiasco judiciaire d'Outreau, apprend-on de source proche du gouvernement.
Le ministère de la Justice a informé les syndicats de magistrats d'un nouveau projet prévoyant que l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires des juges d'instruction serait obligatoire et non plus facultatif, comme la place Vendôme l'avait pourtant annoncé mardi.
Il s'agit d'une victoire politique du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy contre le ministre de la Justice Pascal Clément, dont le cabinet défendait encore mercredi matin, dans un entretien avec Reuters, la version initiale.
L'Union syndicale de la magistrature (USM, majoritaire) a exprimé sa consternation. "C'est inacceptable, on atteint le grotesque. Tout cela fait l'objet d'un marchandage lamentable, tout le monde manipule tout le monde", a dit à Reuters Laurent Bédouet, secrétaire général du syndicat.
Pascal Clément et ses conseillers étaient injoignables en milieu d'après-midi pour commenter le revirement du ministre.
Dans une première mouture du texte envoyée mardi aux syndicats, la place Vendôme proposait que les juges d'instruction puissent faire un enregistrement audiovisuel des interrogatoires, confrontations, reconstitutions et auditions de témoins, soit de leur propre initiative, soit sur demande du parquet ou de la défense.
Il était aussi prévu que les juges d'instruction puissent refuser une telle demande. Le ministère de l'Intérieur souhaitait au contraire que cette procédure soit obligatoire et avait diffusé parallèlement mardi à certains médias sa version du projet.
EQUILIBRE ?
Confronté à l'hostilité à la réforme des syndicats de policiers, le ministre de l'Intérieur souhaitait obtenir cette modification car à ses yeux, l'enregistrement obligatoire des juges équilibrait l'enregistrement des gardes à vue policières, dont le caractère obligatoire était acquis depuis longtemps.
Le texte final doit encore être présenté en Conseil d'Etat, ce qui n'exclut pas d'ultimes modifications. A l'issue du conseil des ministres mercredi, le porte-parole du gouvernement Jean-François Copé a laissé entendre que le dossier n'était pas clos.
"Vous savez que le gouvernement travaille sur cette réforme. Le travail est conduit sous l'autorité du Premier ministre. Le garde des Sceaux a entamé des consultations syndicales, ce texte sera ensuite envoyé au Conseil d'Etat pour avis et ensuite examiné lors d'un prochain conseil des ministres", a-t-il dit.
Dans tous les cas, l'enregistrement audiovisuel obligatoire des interrogatoires en garde à vue pour la police sera très limité. Il ne concernera ni les délits, ni les affaires de terrorisme, ni le crime organisé.
Seules 30.000 des 400.000 gardes à vues annuelles sont concernées, précise-t-on. Chez les juges d'instruction, l'enregistrement, facultatif ou obligatoire, sera limité aux mêmes dossiers.
Le projet est censé empêcher de nouveaux fiascos judiciaires comme dans l'affaire de pédophilie d'Outreau, où 13 personnes accusées ont été innocentées et une 14e est morte en prison.
Il comprend aussi un volet sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et la discipline des magistrats dont le sort final n'était pas connu dans l'immédiat.