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MessagePosté :20 déc. 2008, 17:20 
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Un haut magistrat dénonce lesdérives des juges d'instruction


«La starisation du juge d'instruction a vécu», estime Jean-Claude Magendie.

INTERVIEW - Pour le premier président de la cour d'appel de Paris, les magistrats instructeurs exercent leur pouvoir de façon trop solitaire et sont coupés des réalités.

LE FIGARO. - L'interpellation de l'ex-directeur de la publication de Libération dans une affaire de diffamation a suscité un tollé. Quelles sont les explications du juge concerné ?

Jean-Claude MAGENDIE. - J'ai demandé au président de la chambre de l'instruction de me donner des éléments d'information. C'est mon rôle. Qui comprendrait que le premier président de la cour d'appel de Paris se contente de la lecture de la presse pour exercer ses responsabilités ? Nos concitoyens demandent de la clarté. La justice ne doit pas apparaître comme refusant de s'expliquer. C'est une attitude dangereuse que de s'enfermer dans ses certitudes. L'institution a au contraire besoin d'afficher de la transparence. Par ailleurs, je ne fais pas cette démarche dans un but disciplinaire. Il m'est arrivé à de nombreuses reprises de défendre des magistrats que je considérais avoir été injustement attaqués.

L'affaire Filippis n'hypothèque-t-elle pas l'avenir du juge d'instruction ?

Nicolas Sarkozy a rappelé qu'il comptait sur les travaux confiés à la commission présidée par Philippe Léger (1) pour remettre à plat l'ensemble de la procédure pénale.

Actuellement, certains suggèrent la suppression du juge d'instruction. On ne se poserait pas cette question si ce magistrat ne s'était pas autant isolé. Certains juges d'instruction ont conçu leur fonction de façon trop solitaire, coupés de l'institution, refusant d'échanger sur leurs pratiques. Je le dis depuis longtemps : la seule façon d'éviter la suppression du magistrat instructeur serait qu'il s'intègre dans un travail collectif. Trop souvent, la co-saisine ne se traduit pas par un véritable travail commun. Un juge d'instruction doit pouvoir parler à ses collègues et à sa hiérarchie sans aliéner son indépendance. En bref, ou bien il évoluera, ou bien il disparaîtra. Le débat est désormais sur la table. En tout cas, la starisation du juge d'instruction a vécu.

Quelles conclusions tirez-vous de la gestion de l'affaire Filippis ?

D'abord, je ne dispose pas encore toutes les informations. Bien sûr, il n'est pas question de critiquer la décision rendue par ce magistrat. La question est de savoir si le principe de proportionnalité a été respecté dans les modalités de mise en œuvre de cette décision. Il est un principe constitutionnel : aucune mesure de contrainte ne saurait être prise sans respecter le principe de proportionnalité, c'est-à-dire en trouvant un équilibre entre les nécessités de la procédure, la gravité de l'infraction reprochée d'une part et l'atteinte à la dignité des personnes d'autre part. Plus largement, et sans stigmatiser personne, je tire de cette affaire un enseignement : la nécessité pour les magistrats de réfléchir collectivement à la définition de bonnes pratiques.

Les syndicats, ainsi que de nombreux magistrats, font état d'un vif malaise dans le monde judiciaire. Y a-t-il une rupture entre la Chancellerie et les juges ?

Il ne serait pas sérieux de dire que les relations politique-justice sont au beau fixe. Il existe entre ces deux pouvoirs une suspicion historique ; une véritable coopération n'a jamais été possible. Toutefois, le monde change ; un mouvement de balancier s'est opéré. Les médias semblent aujourd'hui avoir déserté la cause des juges. En même temps, le droit et la justice n'ont jamais eu autant d'importance dans nos sociétés développées. Ce constat impose à notre démocratie de substituer la confiance et le dialogue à un antagonisme dangereux.

La réforme que vous menez à la Cour suscite des inquiétudes.
Cette réorganisation fait partie de la nécessaire modernisation de la justice. Jusqu'à présent, l'organisation de la Cour était illisible, incompréhensible, incohérente pour le justiciable. La réforme consiste à créer de grands pôles, regroupant chacun des contentieux présentant d'évidentes affinités (famille, social, environnement, économie, grande criminalité organisée). Les justiciables réclament de la sécurité juridique : il n'est pas normal que, selon la chambre devant laquelle on plaide, la décision puisse être différente. Il n'est pas souhaitable non plus que des magistrats occupent trop longtemps les mêmes fonctions. Cela peut créer une proximité nuisible à leur indépendance.

Vous militez activement en faveur du développement de la médiation. Quels résultats cette politique permet-elle d'obtenir ?

Actuellement, on attend tout du juge. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant qu'il déçoive : la justice ne peut être le réceptacle de tous les maux de la société. L'excès de judiciarisation est le signe d'une pathologie de la société. La justice est utile s'il faut arbitrer un conflit mais il ne faut pas que chacun s'exonère de sa responsabilité. La médiation est une façon de responsabiliser les acteurs. Preuve de son utilité : à la cour d'appel de Paris, en deux ans, le recours à la médiation a augmenté de façon considérable en matière familiale.




Le nouveau système devrait donner plus de droits à la défense

Voulue par Nicolas Sarkozy, une commission est chargée de réfléchir à une réforme de la procédure pénale.

«Cette fois, le juge d'instruction est en mauvaise passe», explique un haut magistrat. L'affaire Fillipis, ex-directeur de la publication de Libération interpellé au petit matin dans une affaire de diffamation, a ravivé une question que le drame d'Outreau avait déjà soulevée avec acuité : le juge d'instruction est-il une bonne institution ? La semaine dernière, après le tollé suscité par cette affaire, Nicolas Sarkozy a rappelé qu'il comptait sur les travaux de la commission confiée à Philippe Léger, ancien avocat général à la Cour de justice des communautés européennes, pour «définir une procédure pénale modernisée et plus respectueuse des droits et de la dignité des personnes». Le rapport est attendu en juillet.

Une déclaration qui, en creux, montre que le système actuel ne satisfait pas. Dans un questionnaire qu'ils s'apprêtent à adresser aux acteurs judiciaires, les membres de la commission posent clairement la question du maintien ou non du juge d'instruction. «On sent une montée en puissance de tous ceux qui critiquent cette organisation de la procédure pénale», analyse un membre de la commission. Aujourd'hui, la commission doit auditionner Jean-Yves Leborgne, avocat pénaliste réputé, ainsi que l'association des magistrats instructeurs - preuve que l'on entre dans le vif du sujet.


La fin des «petits juges»

La critique ne date en effet pas d'hier. Beaucoup de parlementaires ont appelé de leurs vœux, après le fiasco judiciaire d'Outreau, la fin des «petits juges» : malgré lui, le jeune juge Burgaud a cristallisé les reproches faits à la fonction. Le magistrat est apparu comme un homme trop puissant et trop seul, ne parvenant pas assez à instruire «à charge et à décharge». Pour autant, s'il a adopté quelques réformes, le législateur n'a pas proposé de révolution en instaurant un système «accusatoire» à l'anglo-saxonne. Car ce système dans lequel le parquet joue le rôle de l'accusation tandis que les avocats assurent la défense - avec de larges pouvoirs d'enquête - présente un inconvénient majeur : il suppose que le justiciable ait les moyens financiers de s'offrir un bon avocat.

Toutefois, juristes et universitaires ont imaginé des systèmes alternatifs, qui semblent emporter l'adhésion de beaucoup. Notamment celui du «juge de l'instruction» : un autre juge arbitrerait chaque fois que l'instruction nécessiterait des actes portant atteinte aux libertés individuelles. Par ailleurs, «les avocats pourraient être présents dès la première heure, avec accès au dossier, et dans toutes enquêtes dirigées par le parquet - car seules 3 % des affaires font l'objet d'une instruction…», défend Thierry Herzog, avocat membre de la commission. Cette meilleure « intervention de l'avocat dès la garde à vue», Rachida Dati a également défendu cette idée. Et a aussi demandé d'envisager que la décision de placer un suspect en détention provisoire soit confiée à plusieurs juges. Une autre façon de mettre l'enquête sous surveillance.

Source : Le Figaro
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