Mesrine rêvait d'être l'ennemi public n°1»

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Photo non datée du gangster et "ennemi public n°1" Jacques Mesrine.
Michel Ardouin, dit «Porte-Avions», ancienne figure du grand banditisme français. Auteur de «Mesrine, mon associé» (Ed. Toucan) répond à 20minutes à l'occasion de la sortie du film sur la vie du truand.
Dans votre livre, vous faites de Mesrine un portrait peu flatteur?
Il y a en réalité trois Mesrine. Celui des débuts, petit-fils de la bourgeoisie moyenne qui fait un tas de conneries minables en France, petits vols lamentables, un gamin de 12 ans aurait mieux fait. Puis il y a le Mesrine incarcéré au Québec, qui bluffe et se construit une légende de gros dur et s’invente un passé de tueur. Enfin, il y a le Mesrine qui revient en France, s’évade et se fait le porte-parole des taulards, alors qu’il y a jamais eu plus individualiste que lui.
Mesrine a donc été totalement surestimé?
C’était un très bon braqueur de banques, avec des réflexes et une grande vivacité de réaction. Mais comme voyou, Mesrine n’était pas fiable, c’était un surexcité qui rêvait d’être l’ennemi public n°1. Il a été son propre impresario. Mais dans le Milieu, il n’était pas respecté parce qu’il faisait n’importe quoi, et sous prétexte de provoquer, faisait prendre des risques à tout le monde, à commencer par ses partenaires.
C’est-à-dire?
Il a kidnappé le magistrat Petit qui nous avait condamnés, quelle connerie! Dans le vrai Milieu, on respectait les décisions de justice, on savait qu’il ne fallait rien en attendre, que les juges étaient formés pour nous casser. Il a torturé un journaliste, Tillier, qui lui déplaisait, alors que les vrais voyous se foutent des médias. Mesrine, quand je l’ai croisé, je pensais que c’était pour deux ou trois mois, j’étais en cavale depuis quatre ans et j’avais besoin d’un gars pour braquer des banques et me refaire. Au final, ça a duré un an et demi et plus de 80 braquos, plus l’évasion du tribunal de Compiègne en 1973.
Pourquoi alors ce mythe Mesrine?
La presse est toujours à l’affût de grands bandits, ça fait vendre. En plus, à l’époque, ça arrangeait les politiques de fabriquer des ennemis publics n°1 pour durcir les lois sociales. Mesrine s’est embarqué dans cette surenchère dingue parce que ça le faisait triquer. Il voulait la vedette, et faut reconnaître qu’il avait du magnétisme, il séduisait toutes les femmes qu’il voulait.
Sans vous, Mesrine aurait-il eu la même trajectoire?
Pour la police, je n’étais pas un «Porte-Avions» mais un «sous-marin» du Milieu: les faux-papiers, les armes, les appartements, les voitures, c’était moi. Sans moi, Mesrine aurait existé à la sauvage et il aurait fini beaucoup plus tôt.
On risque de vous accuser de jalousie…
Mais j’en ai rien à foutre de Mesrine! Si ce que je dis déplaît à certains, qu’ils viennent me voir, ils seront reçus. Le seul truc qui me gonfle, c’est que depuis 30 ans, on me présente comme le «lieutenant» de Mesrine. Moi, j’ai jamais été le lieutenant de personne!
Actuellement est jugé Antonio Ferrara. Est-il un héritier de Mesrine, selon vous?
Ah non, Ferrara est l’héritier de notre Milieu! C’est un gars qui prépare ses coups, qui a des hommes à lui, qui est discret, et qui en plus a de l’humour, ce qui ne gâche rien. Rien à voir avec ce fou de Mesrine. A choisir, j’aurais préféré monter avec «le Petit» Ferrara qu’avec «le Grand» Mesrine.