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 Sujet du message : Visiteur de prison
MessagePosté :01 sept. 2008, 17:22 
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Enregistré le :31 janv. 2008, 14:52
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Bruits de parloir à la prison de Nantes


Une porte vitrée, une petite table en bois. Comme tous les samedis, c'est le jour des rencontres avec les visiteurs de prison nantais. Un monde à part où nous sommes entrés.

On est samedi. C'est jour de rendez-vous avec des individus incarcérés pour de longues peines au centre de détention de Nantes. Les portes électriques se referment sèchement derrière notre passage. Dans le hall, on passe devant des cellules minuscules. Le visiteur de prison les appelle « des cages ». On y place les futurs permissionnaires qui attendent l'heure de leur libération.

Accompagnés d'un surveillant, nous montons les marches vers le parloir des avocats, plus grand et mieux insonorisé que celui des familles. Xavier (prénom d'emprunt), un détenu, s'assoit à la petite table en bois. Il ferme la porte. Une vitre permettra au surveillant de vérifier que tout se passe bien.

« Quand tu arrives en prison, il faut des blocs-notes en quantité ! », sourit le détenu. « Chaque demande, même dérisoire, doit être écrite. C'est un fonctionnement extrêmement compliqué. Notamment quand les demandes concernent les soins », complète Jean-Yves Henry, visiteur de prison depuis dix ans (lire ci-dessous).

« On étouffe »

Pour ce qui est de la cuisine, il y a deux régimes. Celui des plats fournis par l'administration, « pas terribles ». Et celui de ceux qui ont assez de sous pour aller à l'épicerie. « Moi, j'aime cuisiner, raconte Xavier. Je fais beaucoup de pizzas et de gâteaux. Je n'ai pas de four mais je m'arrange avec ma plaque chauffante. »

« On peut presque acheter tous les aliments, ajoute-t-il. Récemment, ils ont supprimé les abricots secs car certains s'en servaient pour fabriquer de l'alcool. C'est dommage... » « Mais, de toute façon, ici, on fait de l'alcool avec tout ! », assure-t-il.

Pour s'occuper et assurer une rémunération, beaucoup de détenus travaillent. Heureusement, car « tout devient payant ». « Jusqu'à présent, les draps étaient prêtés. À partir d'octobre, on devra en acheter. » Après une heure de bavardage, Xavier repart. Il lève les bras, se fait fouiller et disparaît dans un couloir dont on ne voit pas la fin.

Le surveillant appelle le prochain rendez-vous. Quelques minutes plus tard, Jacques (prénom d'emprunt) apparaît, vêtu de ses plus beaux habits. « J'attendais ce moment avec impatience », lâche-t-il. Il veut dire « au monde extérieur » que les conditions de détention sont « dures ». « On étouffe. Nous sommes des détenus, mais nous ne sommes pas des chiens », répète-t-il trois fois de suite.

Il parle de la hiérarchie des individus incarcérés. Les pédophiles sont mal vus. Certains n'osent pas sortir de leur cellule. Il y a des vols et des viols. « On sait ce qui se passe. Mais si on balance, on peut avoir des problèmes. Se faire respecter est indispensable. »

Il y a quelques années, il appréhendait d'aller à l'infirmerie. On lui rackettait ses médicaments sur le chemin du retour. Malgré tout, quand il sortira, il gardera de « bons souvenirs » liés à des amitiés. « Les activités aussi sont comme ça ! », dit-il en pointant son pouce vers le haut.

Jean-Yves, le visiteur de prison, est aussi là pour préparer sa sortie. Jacques, par exemple, n'a jamais payé en euros. « Le monde a changé depuis ton incarcération. Des choses te surprendront. Ainsi, tu ne pourras plus fumer sur le quai de la gare. » Le détenu écoute attentivement. Il a conscience qu'il devra apprendre à redevenir libre dans un monde de lois.



Jean-Yves Henry visite « ses gars » en prison depuis dix ans


Jean-Yves Henry, délégué interrégional des visiteurs de prison, Comme lui, ils sont quarante à Nantes à rendre visite aux détenus.

« Il nous faut apprendre à dissocier le criminel de la personne. Et, pour les détenus, nous ne sommes ni de la famille, ni de la justice. C'est un avantage ! », indique d'emblée Jean-Yves Henry, visiteur de prison depuis dix ans. Les détenus auxquels il rend visite, il les appelle « mes gars ». Il n'est pas là pour les juger, c'est déjà fait. Il vient simplement leur raconter le monde extérieur. « C'est tout bête mais, parfois, je leur donne le prix du pain. »

Une heure à fredonner des chansons de Piaf

Il en emmène certains en fin de peine, passer une journée à la mer. « Pour eux, c'est comme si je les avais conduits en Polynésie! » C'est le début de la liberté retrouvée. Pas toujours facile à gérer. « Un jour, on est entrés dans un magasin avec mon gars. Dans la file d'attente pour payer, il a été pris de panique. Il n'était plus habitué au bruit, aux mouvements de foule et à l'attente. » Une fois sortis, les visiteurs gardent peu de contact avec les détenus. « Ils nous disent qu'ils nous écriront. Mais, dehors, ils font une coupure avec leur vie en détention. »

Pour le centre pénitentiaire de Nantes, il y a quarante visiteurs de prison. C'est un quota imposé par l'administration : un visiteur pour vingt détenus. Huit personnes sont sur liste d'attente. « On est assez nombreux à Nantes mais ce n'est pas le cas dans des villes comme Rennes ou Caen. »

Certains rencontrent plus particulièrement les détenus qui connaissent un deuil ou qui sont hospitalisés. « Quand on est mis au courant... nuance Michel, un autre visiteur de prison. Ici, c'est le lieu de la lenteur! » Albert, autre visiteur également membre d'Alcooliques anonymes, accompagne les individus incarcérés pour des raisons liées à l'alcool. « Uniquement ceux qui se portent volontaires. »

Pour « avoir » un visiteur, le prisonnier doit en faire la demande. « J'ai refusé le parloir avec ma famille depuis quelques années, explique ainsi un détenu. Ça me faisait plaisir de la voir mais, quand je revenais dans ma cellule, j'avais les boules. Avec Jean-Yves, c'est différent. Une fois, on a passé une heure à fredonner des chansons de Piaf ! »

Tous les visiteurs sont aussi là pour préparer la réinsertion. « La personne incarcérée a vocation à revenir parmi nous. Quand on a vécu plusieurs années enfermé, derrière l'envie de sortir, il y a la trouille. »

Source : Ouest France


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