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 Sujet du message : Détenus oubliés
MessagePosté :30 oct. 2008, 08:56 
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Près d’un détenu sur deux oublié derrière les barreaux


Environ la moitié des personnes incarcérées en France ne reçoivent aucune visite durant leur détention. Médecins, aumôniers et visiteurs de prison s’avouent démunis face à un isolement affectif aussi massif


Le parloir, c’était pour les autres. Eduardo n’a pas reçu une seule visite durant ses quatre ans et demi de détention à Fleury-Mérogis. « Ma famille avait des moyens, elle aurait pu venir d’Uruguay une ou deux fois pour me voir, elle aurait pu m’écrire… au moins m’envoyer une photo de ma fille. » Rien.

Banni des siens pour avoir participé à un trafic de drogue, le trentenaire a pourtant tout essayé. « J’ai envoyé des dizaines de lettres, j’ai donné de l’argent aux détenus en fin de peine en leur faisant promettre d’appeler ma femme pour lui dire ce qui m’était arrivé. » Sans succès. Issu d’un clan de notables respectés, Eduardo a dû se faire une raison : il était devenu infréquentable.

Sur les 63 000 détenus actuellement en prison, des milliers vivent, comme lui, totalement coupés des leurs. Il leur faut affronter l’isolement carcéral autant que l’isolement affectif. Selon une étude publiée dans les Cahiers de démographie pénitentiaire, en 1998, 47 % des personnes incarcérées n’avaient pas été appelées à un seul parloir durant toute leur détention.
47% des détenus n'ont jamais été appelés au parloir

L’enquête n’a jamais été rééditée, mais, selon le personnel intervenant en prison, la proportion n’a pas varié. La rupture de ces liens familiaux a plusieurs origines. « Certaines familles vivent à des centaines, voire des milliers de kilomètres et sont trop démunies pour venir en visite. D’autres sont dans le déni et choisissent de ne plus donner signe de vie », constate Frédérique Clément, à la Fédération des associations réflexion action prison et justice (Farapej).

Les prisonniers oubliés de leur famille ont souvent depuis longtemps coupé les ponts avec les leurs. Que ce soit de leur fait ou pas. On compte parmi eux une très large proportion de personnes étrangères, mais aussi de sans-domicile-fixe, de malades mentaux et parfois de grands criminels sexuels.

Certains refusent de donner signe de vie à leur famille. C’est notamment le cas des étrangers en situation irrégulière. « Ils font tout pour cacher leur nationalité afin de ne pas être renvoyés dans leur pays, précise Jean-Marc Dupeux, pasteur et aumônier national des prisons. Ils refusent d’écrire à leurs proches, parfois d’ailleurs installés en France, afin d’empêcher l’administration d’en déduire leur lieu de naissance et de renvoyer tout le monde au pays. »

Autre population particulièrement esseulée : les criminels sexuels. « Vu la gravité des actes commis, ils sont souvent mis au ban de leur famille, a fortiori si les crimes s’y sont déroulés », affirme Michel Jouannot, représentant de l’Association nationale des visiteurs de prison (ANVP).
"Ne pas pouvoir voir ma fille grandir a été la pire des tortures"

Il arrive même que la rupture totale des liens familiaux touche des individus bien insérés avant leur détention. Un isolement affectif d’autant plus douloureux que les détenus ne s’y étaient pas préparés.

« Dans un cas sur dix environ, les couples se séparent après le premier mois de détention », rappelle Jean Caël, responsable adjoint du département « prison et justice » au Secours catholique, en charge des 2 000 bénévoles de l’organisation intervenant auprès des prisonniers isolés.

La séparation brutale d’avec les enfants constitue l’une des souffrances les plus aiguës. « Ne pas pouvoir voir ma fille grandir a été la pire des tortures, confirme Eduardo. Je me demandais toujours ce que les autres pouvaient bien lui raconter sur moi. Est-ce que seulement ils lui parlaient de moi ? »
Les familles peuvent donner l'alerte

L’absence de liens familiaux a des répercussions systématiques sur l’état de santé des détenus, aux dires des médecins. On l’ignore souvent, mais les familles jouent un rôle central dans la détection du mal-être des prisonniers. Ce sont souvent elles qui, à la suite d’un parloir, préviennent les surveillants des tendances suicidaires des personnes incarcérées.

Par-delà ce rôle de détection, la famille aide surtout les détenus à remonter la pente en cas de dépression. Catherine Paulet, psychiatre à la prison des Baumettes à Marseille, avoue ses difficultés à venir en aide aux prisonniers privés de liens affectifs.

« Face à un individu dépressif, mon premier réflexe est d’évoquer les gens qu’il aime et qui l’attendent au dehors. Que faire quand il n’a personne ? Comment voulez-vous inciter un prisonnier à tenir bon pour ses proches quand ils ne lui donnent plus signe de vie ? »

L’administration pénitentiaire connaît l’ampleur du problème et veille – avec des moyens limités – à soutenir les détenus isolés. C’est ainsi à eux qu’elle propose, en priorité, un travail durant la détention.
"Chacun reste digne de respect et d’amour"

Le personnel pénitentiaire aiguille, par ailleurs, les plus isolés vers les services d’aumônerie. À Fleury-Mérogis, Sœur Isabelle Le Bourgeois accueille, à leur demande, les détenus sans attache familiale.

« Je leur rappelle que chacun, quel que soit son passé, reste digne de respect et d’amour. Qu’ils soient croyants ou non, tous ont un immense besoin d’écoute et de réconfort affectif », explique la religieuse.

Les visiteurs de prison ont, eux aussi, pour principale mission d’accompagner sur le long cours les prisonniers les plus désocialisés. « Notre vocation est de les aider à tisser des ponts avec l’extérieur, précise Michel Jouannot. Nous ne sommes toutefois que 1 300 visiteurs en France. Pas de quoi répondre à l’ampleur des demandes. »

Marie BOËTON

Source : La Croix


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MessagePosté :30 oct. 2008, 09:02 
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Jean Marie Delarue : "Il faut aider financièrement les familles de prisonniers"


Le contrôleur général des lieux de privatisation de liberté, Jean Marie Delarue, présente ses mesures pour renforcer les liens entre les familles et leurs proches incarcérés

La Croix : Que préconisez-vous pour consolider les relations entre les détenus et leurs proches ?

Jean-Marie Delarue : La prison est close sur elle-même. Elle évolue, certes, et se réforme pour mieux accueillir les familles mais elle doit aller plus loin.

Le téléphone a fait son apparition dans certains centres de détention, il est désormais temps d’en généraliser l’accès. C’est d’ailleurs une exigence internationale puisque les règles pénitentiaires européennes l’imposent à la France.

Mon constat est identique concernant les unités de vie familiales, qui permettent l’accueil des familles durant plusieurs heures, voire plusieurs jours, au sein d’un studio prévu à cet effet. C’est un grand pas en faveur du renforcement des liens familiaux. Mais seuls sept établissements sont dotés d’un tel dispositif. Il est impératif de le systématiser.

Pour certaines familles, le coût du déplacement constitue un obstacle aux visites. Faut-il prévoir une aide financière spécifique à leur égard ?

On l’ignore souvent mais la détention représente un coût exorbitant pour les ménages. Ils perdent, par définition, le salaire du détenu mais doivent, en plus, le soutenir financièrement (vu l’ensemble des produits payants en détention).

À tout cela s’ajoute le coût des visites, qui peut atteindre plusieurs centaines d’euros pour les foyers domiciliés loin du lieu de détention. Autant de frais créant une très forte discrimination sociale entre les ménages.

Voilà pourquoi il faut réfléchir à la mise en place d’aides financières en direction des familles les plus démunies. Aucune d’elles ne doit être acculée à couper les ponts avec un détenu pour des raisons économiques. La prison doit se résumer à la privation de liberté. En aucun cas elle ne doit signer la fin des liens familiaux. Nous ne devons pas permettre qu’à la peine applicable au prisonnier s’ajoute la peine des familles tenues à l’écart de la prison par manque d’argent.

Nombre de familles se plaignent d’avoir été refusées au parloir pour être arrivées avec quelques minutes de retard. Ne faut-il pas mettre fin à cet arbitraire ?

Il n’est pas acceptable en effet que l’on renvoie des proches ayant fait plusieurs centaines de kilomètres sous prétexte qu’ils ont quelques minutes de retard. Les surveillants doivent prendre en compte le temps et la fatigue occasionnés par le voyage avant de prendre une telle décision.

À l’heure actuelle, le règlement interne veut qu’un détenu dont la famille n’est pas là à temps soit immédiatement remis en cellule. On pourrait envisager d’autres règles : pourquoi, par exemple, ne pas le laisser au parloir en attendant l’arrivée des siens, quitte à déduire d’autant le temps de la visite ?

Certains parents protestent de ne pas être informés de l’hospitalisation des détenus. Comment faire dialoguer les familles et l’institution pénitentiaire ?

Les prisons communiquent très peu autour des événements internes à la détention pour des raisons de sécurité. Ce que l’on peut comprendre. À l’avenir, il faudrait toutefois prévoir des dispositifs mettant en lien les services d’insertion et de probation, qui ont la charge des détenus, et les services sociaux suivant les familles.

Vous qui visitez quotidiennement des prisons, quelles sont les principales revendications des détenus ?

Leur première préoccupation concerne l’éloignement géographique d’avec leurs proches. Certains multiplient les demandes de transferts pendant des mois sans avoir gain de cause. D’autres sont désespérés d’avoir intégré un centre de détention très éloigné des transports en commun.

Aucun maire n’accepte en effet l’implantation de centres pénitentiaires au cœur de sa ville… Une bonne partie des détenus se disent, par ailleurs, très angoissés par la situation financière de leur conjoint.

Près d’un détenu sur deux ne reçoit aucune visite en détention. Que peut-on faire à leur égard ?

Peu de chose malheureusement. Ils peuvent bénéficier du soutien des aumôniers, des agents des services d’insertion et de probation de la prison et des visiteurs de prison. La surpopulation carcérale rend toutefois très difficile la prise en charge de chacun. Reste à souhaiter que davantage de citoyens se proposent pour devenir visiteurs de prison.

Propos recueillis par Marie BOËTON

Source : La Croix


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MessagePosté :30 oct. 2008, 09:04 
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Lucienne Mutterer : « Revoir les conditions d’accès au parloir »


Par Lucienne Mutterer, responsable de l’Association des parents de détenus

« La situation des familles de détenus n’est jamais abordée par les pouvoirs publics. Aucune prise en charge sociale ou psychologique n’est prévue au niveau étatique.

Notre quotidien est pourtant extrêmement difficile. En plus de la tristesse découlant de la sanction dont ont écopé nos proches, il nous faut redoubler d’efforts pour pouvoir rester en contact avec eux.

Nous militons pour que les conditions d’accès au parloir soient revues en profondeur. Il est impératif de prévoir des transports collectifs aux abords des prisons et d’allonger le temps de parloir. Qui peut prendre une journée par semaine pour rendre visite à un détenu incarcéré à des dizaines, voire des centaines de kilomètres, pour une petite demi-heure de parloir ? Seules les personnes aisées et inactives ont ce luxe. Nous dénonçons cette injustice. »


Propos recueillis par Marie BOËTON

Source : La Croix


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MessagePosté :01 nov. 2008, 09:03 
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Suicides de détenus - Le contrôleur des prisons parle

Taper du poing sur la table n’est pas dans la manière de Jean-Marie Delarue, contrôleur général des prisons depuis juin. Les établissements pénitentiaires sont bondés, les surveillants au bord de la crise de nerfs, les suicides se multiplient, il aurait pu sortir du silence.
Mais, respectueux des formes, ce haut fonctionnaire, qui fut jadis le collaborateur de Jacques Delors, préfère s’en tenir à sa mission. « Ce qui compte pour moi, ce sont les visites sur le terrain, l’écoute des personnels et des détenus ainsi que des aumôniers et des visiteurs de prisons . » Et pas les « visites Potemkine » où il se contenterait, avec sa vingtaine de collaborateurs à temps plein, d’un travail de façade. « Nous ne passons pas moins de huit heures dans les locaux de garde à vue », dit-il.

En cinq mois et une vingtaine de contrôles de « lieux de privation de liberté », des mesures permettant d’améliorer la vie carcérale ont été identifiées. A chaque visite, un rapport, assorti de recommandations, est rédigé à l’adresse de quatre ministres : de la Justice, de la Santé, de l’Intérieur et de l’Immigration. La loi leur donne un mois pour faire leurs observations. Delarue leur accorde un mois et demi.

Magistrats, avocats, personnels pénitentiaires accusent la politique de Rachida Dati d’avoir aggravé la situation carcérale. « Sa politique est, si je puis dire, riche de réformes », ironise le contrôleur, qui souligne qu’elle ne l’a pas « sollicité ».

Jean-Marie Delarue juge anormal que des familles ayant fait parfois 800 kilomètres pour rendre visite à leur parent incarcéré ne puissent pas avoir accès aux parloirs. « La surpopulation, ce n’est pas seulement le nombre de matelas par terre. » Même s’il lui est difficile d’évaluer la part du « facteur personnel et pénitentiaire » dans le suicide, Delarue s’alarme des tentatives de suicide dont on ne parle pas et de la « propension » des détenus à passer à l’acte. Ils sont quinze fois plus nombreux que les personnes libres. « Ce n’est pas une question de crédit mais de savoir-faire », souligne le contrôleur, qui, « sans nuire à la sécurité », plaide « pour une plus grande humanité ».

Source : Le Point


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