encor quelques informations: jugez vous mémes
L A R E A L I T E F R A N C A I S E
L'affaire TURQUIN - 22 Mars 1997 Nice
L'affaire
Jean-Louis Turquin, vétérinaire de 48 ans, a comparu du 18 au 22 mars 1997 devant la cour d'assise des Alpes-maritimes pour le meurtre, qu'il a toujours nié, de son fils Charles-Edouard, 8 ans, jamais retrouvé.
Selon l'accusation, les curieuses relations des époux Turquin, en instance de divorce au moment des faits, en mars 1991, pourraient être l'origine de la disparition de Charles-Edouard.
Le rapport des psychiatres ayant examiné les parents ne saurait être plus clair : pour eux, « tout se passe comme si leur relation était profondément viciée sur le plan sadomasochiste, et que l'enfant n'y avait aucune place, autre que de servir à des manipulations ». « Des gens tordus », résume un juriste.
Michèle Balanger et Jean-Louis Turquin se rencontrent à l'école vétérinaire de Maisons-Alfort en 1972 et se mettent en ménage en 1973. A Nice, où ils se retrouvent en 1981 après quatre ans de séparation professionnelle, ils habitent une grande maison, la Bastide Haute, qu'ils partagent avec les parents de la jeune femme, ceux qui évoqueront sans doute avec le plus d'affection le blondinet disparu.
Déjà, Michèle trouve son mari trop autoritaire et prend des amants. Enceinte de l'un d'eux, un Américain juif de 50 ans, elle veut avorter. Son mari, qui croit être le père, l'en dissuade, et Charles-Edouard naît le 7 avril 1983.
M. Turquin n'apprend son infortune qu'en décembre 1990. Michèle, qui a un nouvel amant, s'installe chez des amis, laissant son fils dans la maison familiale, et demande le divorce. Turquin lui envoie des lettres, puis, le 20 mars, un dernier télégramme pour qu'elle revienne.
Le lendemain, à 7H15, il signale à la police que son fils a disparu, alors qu'ils dormaient dans la même chambre. Une information est ouverte pour enlèvement d'enfant. Jean-Louis Turquin fait imprimer des affichettes, proposant 100.000 francs de récompense.
Pour sa part, Michèle est sûre que son mari a fait disparaître l'enfant. Elle lui téléphone, le rencontre, accepte même des relations sexuelles qu'ils n'avaient plus depuis des mois, pour le faire parler.
Le 6 mai 1991, elle obtient, enregistrée sur un magnétophone, ce qui sera la pièce maîtresse de l'accusation. On entend le vétérinaire reconnaître avoir étranglé Charles-Edouard, expliquer : « Si j'avais pris un canif, il y aurait eu du sang partout », demander à sa femme de « fermer cette parenthèse » et de revenir vivre avec lui. Le 13 mai, il est inculpé d'assassinat et écroué.
Il impute ses déclarations au curieux « jeu de rôle » qu'il pratiquait avec son épouse et conteste avoir tenu dans les jours précédents les propos effrayants consignés dans le journal de Michèle : « Ce n'était pas possible que tout mon héritage aille à un bâtard de juif, un parasite qui a profité de mon argent alors que ce n'était que ton fils et celui d'un clochard ».
M. Turquin persiste à nier le meurtre, tandis que les recherches du corps restent infructueuses.
Libéré au bout de neuf mois, le 14 février 1992, après une grève de la faim, il accuse à son tour sa femme d'avoir enlevé Charles-Edouard et engage un détective. Celui-ci dit avoir découvert la piste du garçonnet en Israël, où il aurait été vu avec sa mère : le président de la cour d'assises repousse le procès, fin 1993, pour ordonner des investigations supplémentaires, dont le résultat ne paraît finalement pas très probant.
Le proces
Dans ce procès énigmatique, à mi-chemin entre l'affaire Grégory - le meurtre froid d'un enfant - et l'affaire Simone Veber - ni aveu, ni cadavre -, les psychiatres se donnent un rôle important. Ils décrivent l'accusé comme un homme d'une intelligence supérieure « dominé par une ambition sociale fondée sur le pouvoir de l'argent et la soumission d'autrui ». Sa femme comme « vivant la relation à autrui sur un mode passif ».
Le procureur général, Didier Durand, a posé le problème en termes simples: 'C'est l'acquittement ou la condamnation à une peine très importante.' Il a exhorté la cour à juger 'avec la raison et beaucoup de coeur parce qu'il s'agit d'un enfant'. Il a également noté un des handicaps de l'accusation: 'C'est un meurtre sans cadavre et l'accusé est en liberté. Il y a des aveux, mais ils n'ont pas été faits devant un juge.' Son intime conviction, le représentant du ministère public l'a dite sans fard après avoir décortiqué le dossier: 'C'est un meurtre prémédité. La justice se hâte lentement, mais elle est tenace.' Il a requis la réclusion criminelle à perpétuité.
Les deux défenseurs de Jean-Louis Turquin se sont partagé les rôles. Le premier, Jean-Marc Varaut, s'est situé 'à un carrefour des incertitudes'. Et, s'adressant aux jurés: 'Vous ne le condamnerez que si, pour vous, c'est la vérité évidente.' Il s'est alors attaché à démontrer que seule la piste Turquin, 'la plus séduisante', a véritablement été explorée. Or, pour lui, 'la personnalité la plus névrotique n'est pas dans le boxe' et aucun mobile n'est avancé. Et Jean-Marc Varaut de conclure: 'Le doute, ce n'est pas l'ignorance mais le stade suprême d'une conscience éclairée qui cherche la vérité.'
C'est Jacques Peyrat, un rien hautain durant tout le procès, ce qui a profondément agacé le président de la cour d'assises, qui est chargé d'éclairer la personnalité de Jean-Louis Turquin sous un jour plus présentable. Procédant par contraste, il a décrit la mère du petit Charles-Edouard comme une personne ne s'occupant pas de son enfant, alors que l'accusé 'tournait comme un homme en cage pour trouver son fils'. Selon le défenseur, Michèle Balanger a fait 'le coup le plus horrible qui soit' en enregistrant son mari à son insu et en le forçant à parler. Jacques Peyrat conteste la validité des bandes magnétiques. Aux jurés: 'Vous n'avez rien entendu du tout sur les cassettes, mais on vous a présenté seulement une traduction.' Et pour finir, citant un certain nombre d'erreurs judiciaires à l'adresse du jury: 'Je n'aimerais pas être à votre place.' _________________ aimons-nous vivant n' attendons pas que la mort nous trouve du talent. (PIERRES DELANOË)
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