INTERVIEW - Mort de Philippe de Dieuleveult, "les preuves qui manquaient"
Par Clément Daniez
L'enquête qui avait conclu à la mort accidentelle de Philippe de Dieuleveult pourrait être bientôt réouverte. L'animateur de télévision a disparu lors d'une expédition sur le fleuve Zaïre en 1985. Me Jacques Trémolet de Villers, qui représente son frère, Jean de Dieuleveult, compte déposer "dans les dix jours" au parquet de Paris, comme il l'a confié jeudi au point.fr, de nouvelles charges. Ces dernières proviennent de l'enquête réalisée par la Revue XXI .
L'animateur, par ailleurs "agent de la DGSE" selon les déclarations de son frère Jean au point.fr, aurait bien été arrêté par les renseignements zaïrois. La revue XXI se serait également procurée le procès-verbal de son interrogatoire, avec l'en-tête de la Division spéciale présidentielle (DSP) - la garde présidentielle du maréchal Mobutu. Ce document porte la signature de Jean de Dieuleveult, selon son frère Jean. Un témoignage anonyme d'un ancien membre de la DSP récueilli par XXI révèle qu'après un interrogatoire musclé, "l'unité qui s'occupait des exécutions a pris le relais".
Joint par lepoint.fr, Jean de Dieuleveult revient sur ces supposées révélations.
lepoint.fr : Pourquoi voulez-vous rouvrir le dossier qui concerne la mort de votre frère Philippe ?
Jean de Dieuleveult : La journaliste Anna Miquel, suite à ses différents séjours au Zaïre [aujourd'hui République démocratique du Congo, NDLR], a rapporté les preuves qui me manquaient. Je savais que Philippe n'avait jamais été noyé. Je savais qu'il avait été exécuté, mais je n'avais pas les preuves. En accord avec mon avocat Me Jacques Trémolet de Villers, nous avons décidé de saisir le procureur de la République pour ouvrir le dossier à nouveau. Et porter plainte, ce qui peut aller jusqu'à une complicité d'assassinat. Car beaucoup de Français, militaires et civils, sont complices de ces assassinats.
lepoint.fr : Vous pensez donc qu'un certain nombre de personnes sont impliquées dans cette affaire et peuvent être traduites devant un tribunal grâce à ces charges nouvelles...
JdeD : Tout à fait, puisqu'il y a eu manipulation par l'État français. M. Roland Dumas, alors ministre de Affaires étrangères, a fait pression auprès de Mobutu pour qu'il accepte l'envoi de troupes françaises [après l'annonce la disparition mystérieuse de son frère, NDLR]. J'étais au Zaïre à ce moment-là. En réalité, les troupes françaises composées de parachutistes avec deux avions transals, un hélicoptère Puma et une Gazelle, n'avaient pas du tout pour mission de rechercher la vérité ou ce qui s'était passé. La seule mission qu'ils avaient, c'était "retrouver un corps de noyé". Dès le départ, tout était faussé, et j'en ai les preuves et les témoignages.
lepoint.fr : Quel était l'intérêt de l'État français de faire croire à une mort accidentelle de votre frère ? Il vous avait d'ailleurs confié appartenir à la DGSE.
JdeD : En 1978, Philippe m'avait confié : "Jean, je suis au service action de la DGSE, je te promets que je ne tuerai jamais personne, je veux simplement servir les intérêts économiques de la France." Pour moi, les responsables sont des personnes ou des services qui ne voulaient pas que sa mission soit accomplie. Philippe et ses compagnons ont été dénoncés par un Français ou des Français ou un service français ou une officine de renseignement française. Tous les groupes industriels ont leurs agents de renseignement. À la hauteur du barrage électrique d'Inga, ils ont envoyé aux renseignements zaïrois un message disant : "Ce sont des mercenaires, ils vont attaquer le barrage d'Inga." Les Zaïrois, sachant que cela vient d'un service ami, les arrêtent. Ils réagissent en soldats, je ne peux pas leur en vouloir. Je leur en veux seulement dans la mesure où ils ont fait souffrir mon frère et ses compagnons. S'ils ont tué Philippe, ils ne sont pas responsables pour moi. C'est une affaire franco-française.
lepoint.fr : Est-ce que vous avez l'espoir, peut-être grâce à ces nouvelles charges, de retrouver le corps de votre frère ?
JdeD : Non, je ne le crois pas du tout. Vous savez, en Afrique noire, au royaume de Mobutu, les corps disparaissent. Je ne me fais aucune illusion.
Source : Le Point
|