Pierre Bodein en liberté, c’est la souffrance et la mort pour d’autres »
L’avocat général a requis en appel la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période incompressible de 30 ans, déjà infligée en première instance au multirécidiviste.
Pierre Bodein a beaucoup fait «non» de la tête aujourd'hui devant la cour d’assises du Haut-Rhin, à Colmar, à l’avant-dernier jour de son procès en appel. C’était l’heure du réquisitoire, après plus de trois semaines d’audience qui n’ont apporté aucun élément nouveau sur les trois meurtres, dont deux précédés de viol, et les deux tentatives d’enlèvement reprochées à l’accusé, âgé de 60 ans et surnommé Pierrot le fou.
L’avocat général Philippe Vannier a demandé aux jurés de confirmer la «peine d’élimination» qui avait été requise et infligée en première instance, à Strasbourg: la perpétuité assortie d’une période incompressible de 30 ans. La peine maximale prévue par le code pénal, celle qui a été infligée au printemps dernier à Michel Fourniret.
Pour en arriver là, Philippe Vannier doit dérouler par ordre chronologique «le chemin criminel, la trace sanglante» qui a provoqué, en juin et juillet 2004, «stupeur et horreur, dégoût, après la découverte des trois corps, des cadavres mutilés, profanés».
Bodein nie depuis son arrestation
A l’adresse des jurés, il met des mots sur le calvaire enduré par les victimes. «Les médecins légistes, rappelle-t-il à propos de l’une d’elle, vous ont parlé d’hémorragie massive et de noyade vitale. En termes moins abstraits, plus brutaux, plus proches de la réalité, cette fillette a été éventrée, éviscérée puis noyée.»
Il faut en passer par là, dit-il, par cette chronologie macabre et ces détails «abominables», parce que Bodein nie depuis son arrestation: «Il faut lui reconnaître cette constance, il se proclame innocent», invoquant «une enquête mal intentionnée», «un complot ourdi par on ne sait qui». «Balivernes !», balaie-t-il: «Il n’y a pas le début de commencement d’une preuve» à l’encontre de ceux que Pierre Bodein met en cause.
Alors, pendant une heure et demie, l’avocat général égraine les charges «précises et concordantes» qui pèsent contre Bodein, particulièrement dans les enquêtes concernant les meurtres de Jeanne-Marie Kegelin, 10 ans, Hedwige Vallée, 38 ans, et Julie Scharch, 14 ans. La liste est longue, accablante: absence d’alibis, emploi du temps fluctuant et jamais vérifié, témoignages évoquant l’accusé ou une Ford Escort similaire à la sienne sur les lieux des enlèvements, relevés de téléphonie mobile situant Bodein près des victimes ou ailleurs que là où il affirme avoir été, traces génétiques multiples…
Verdict jeudi
Bodein reste une «énigme» que ni son passé ni les experts n’arrivent à véritablement éclairer, admet l’avocat général. Il retient deux certitudes: «Pierre Bodein est entièrement, pleinement responsable de ses actes» ; «il est extrêmement dangereux et cette dangerosité et persistante».
Conclusion, le risque de récidive est «énorme»: «Pierre Bodein en liberté, ça veut dire la souffrance et la mort pour d’autres».
Jeudi matin, les jurés entendront la plaidoirie de Me Renaud Bettcher, l’avocat de Pierre Bodein. Le verdict est attendu dans l’après-midi ou la soirée.
Source : Libération
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