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MessagePosté :19 nov. 2008, 09:44 
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Enregistré le :29 août 2008, 09:55
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"La justice fait toujours des mécontents".
Le juge Gilbert Thiel se confie à l'occasion de son troisième ouvrage, "Solitudes et servitudes judiciaires".


Figure atypique de la justice Française, Gilbert Thiel est premier juge d’instruction au TGI de Paris, rattaché à la section antiterroriste. Après 30 ans de carrière, celui qui instruisit les affaires de Guy Georges, du Préfet Erignac, ou de Simone Weber publie un remarquable ouvrage de réflexion sur son métier. Du rôle du juge, en passant par les affaires politico judiciaire, ou celles liées au terrorisme, le juge bougon décrypte trois décennies d’avancées (ou de recul) judiciaires.

• Cela fait 30 ans cette année que vous exercez comme juge d’instruction. Souhaitez-vous prendre votre retraite ?

Je pourrais le faire, mais je pense que je vais continuer. Il est clair que certains apprécieraient que je prenne mes distances avec la section anti-terroriste. Mais, par pur esprit de contradiction, je vais rester car j’ai le sentiment d’avoir fait sérieusement mon travail, et d’avoir obtenu quelques bons résultats. Donc, il n’y a pas de raison que je parte, même si je n’ai pas obtenu la promotion à laquelle je pouvais légitimement prétendre.
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• Vous êtes réputé pour votre pugnacité, et vos coups de gueule. Cela à sans doute du jouer contre vous ?

Sans doute, il faudrait le demander aux décideurs eux-mêmes. Je ne suis pas du tout aigri, je constate la situation. Je n’ai jamais levé le pied, et je ne compte pas changer de cap aujourd’hui.

• Depuis vos débuts à Nancy en 1978 ; quels sont les domaines où la justice à selon vous, le plus évolué ?

Sans aucun doute, je parlerais du champ d’application de la justice. Bien que l’adage stipule que la justice s’applique à tous, je constate qu’il aura fallu attendre la fin des années 80, voir le début des années 90, pour que la justice ait enfin investi le champ des affaires politico financière. De plus, l’évolution même de la société, l’a amené à s’intéresser à d’autres problématiques telles que celles relatives à la santé publique comme l’amiante ou la vache folle. En revanche, ce qui n’a pas évolué, ce sont les moyens alloués à la justice pour faire son travail.

• A quels niveaux ?

Je pense notamment aux effectifs des magistrats et aux ressources humaines en personnel. Bien que tout ne soit pas une question de moyens, nous sommes débordés par la situation. A ce niveau, nous sommes classé avant-dernier parmi les pays de la communauté européenne. D’une certaine façon, c’est le législateur qui nous rend hommage, pensant qu’avec deux à trois fois moins de moyens en effectif de magistrats que des pays comme la Grande-Bretagne ou l’Allemagne, nous pourrions arriver aux mêmes résultats que ces pays-là. En Espagne, ils ont neuf fonctionnaires pour un magistrat, contre deux en France. Alors, continuons à écouter les discours plus ou moins lénifiants de la classe politique qui nous assure que ça ira mieux demain… Au bout de 30 ans, je ne suis ni désabusé, ni défaitiste mais je ne crois plus aux formules politiques.

• Quelles sont les qualités requises pour être juge d’instruction ?

C’est un métier difficile et très prenant. Il faut beaucoup de travail, un peu de mémoire, mais surtout de la méthode. Il faut avoir de l’humanité sans pour autant sombrer dans le laxisme, ni être non plus dans la répression totale. Mais plus que tout, il ne faut pas s’enfermer dans des certitudes de départ. Elles doivent toujours pouvoir être remises en cause.

• Les pressions politiques, elles existent ?

Le politique dispose de deux outils de premier choix. La Police judiciaire, car elle dépend du ministère de l’Intérieur, et le parquet qui est soumis aux instructions du Garde des Sceaux. Le pouvoir politique ne devrait pouvoir intervenir dans la gestion de la politique pénale, qu’aux titres des orientations générales, et non pas aux titres des affaires particulières. Lorsque je constate que des Procureurs généraux sont amenés à rendre des comptes de taux insuffisamment élevé d’applications des peines planchers, je trouve cela particulièrement absurde, et d’une certaine manière, c’est inquiétant.

• Vous avez beaucoup travaillé sur la question du nationalisme Corse. Quelles évolutions constatez-vous ?

La mouvance nationaliste, au niveau de sa composante activiste, n’a jamais été aussi affalblie. Mais ce n’est pas pour autant qu’ il faille baisser la garde, car c’est souvent dans ces moments-là, que peuvent évoluer discrètement des mouvements que l’on a du mal à cerner. Il faut rester vigilant.

• La justice n’a jamais été autant au centre du débat public, et pourtant, elle ne cesse de provoquer la défiance des Français. Comment l’expliquez-vous ?

C’est vrai, mais par définition, la justice fait toujours des mécontents. Mais contrairement à ce que disent certains, la justice n’est d’abord pas faite pour les victimes. Elle n’est pas davantage faite pour les victimes que pour les auteurs. Elle est faite pour prendre des décisions. Il est clair que la justice ne jouira jamais d’une grande popularité au sein de la population. Mais dans le même temps, la justice n’a jamais été autant saisie qu’aujourd’hui. Une preuve qu’on lui accorde malgré tout, un minimum de crédit.

• Que pensez-vous des récentes menaces des Talibans à l’encontre de la France ?

Comme beaucoup de démocraties occidentales, la France est dans l’œil du cyclone. La menace existe, et elle perdurera un certain nombre d’années. La position de la France sur la scène internationale, ses alliances et ses non-alliances peuvent faire l’objet de mesures de rétorsion de la part de groupes terroristes, qui veulent peser sur la politique des états démocratiques ; et c’est à cela qu’il ne faut pas céder. Mais on ne peut pas prédire une action.

• Quel message auriez-vous envie de donner aux jeunes juges d’instruction ?

Je ne voudrais pas me mettre dans la position du vieux con, mais j’aurais envie de leur dire que c’est un métier difficile. S’ils désirent faire de l’instruction, qu’ils se dépêchent, car la fonction de l’instruction, c’est la chronique d’une mort annoncée. Les Parquets ont fermé les robinets, nous sommes de moins en moins saisis. Je leur dirais d’être exigeant vis-à-vis de leur indépendance, car c’est leur statut. Et il faudra qu’ils en payent le prix, car il y a un prix à toute choses.

• Et vous, quel à été votre prix à payer ?

Un travail acharné qui ne laisse que trop peu d’espaces à d’autres choses. Me concernant, j’ai pu constater que ce métier avait tendance à me rendre parfois irascible. Et ce n’est pas très compatible avec le déroulement d’une carrière, comme elle est conçue à l’heure actuelle.
Adrien Cadorel.


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