Dany Leprince -
Rebondissement dans l’affaire du quadruple meurtre
Quatorze ans après la tuerie, l’ADN mêlé au sang d’Audrey, une des quatre victimes, vient d’être identifié. Il est « compatible » avec celui de Martine, accusatrice du condamné Dany Leprince, son ex-mari.
Le remarquable travail de la Commission de révision des condamnations pénales, chargée de réexaminer point par point le dossier Leprince, remet du baume au cœur de Dany, accusé d’avoir tué quatre membres de sa famille en septembre 1994 à Thorigné-sur-Dué (Sarthe). Depuis bientôt quatorze ans, Dany hurle son innocence : non, il n’a pas massacré à la feuille de boucher son frère Christian, sa belle-sœur Brigitte, ses nièces Sandra et Audrey, 6 et 10 ans, n’épargnant que la petite dernière, Solène.
Depuis que le magistrat Martine Anzani, présidente de la commission de révision, a repris l’affaire pour en éclaircir les multiples zones d’ombre, les avancées rassurantes se succèdent. Le mois dernier déjà, elle avait reçu une lettre confession d’un policier à la retraite. Il y rapportait les déclarations d’Yves Compain, oncle de l’ex-épouse de Dany Leprince : « S’il le faut, je parlerai parce que je sais beaucoup de choses sur l’affaire de Thorigné. C’est Martine qui a fait le coup. » Révélation saisissante qui, à elle seule, justifiait de nouvelles auditions.
L’ADN inconnu « parle » enfin
Et voici que le mois d’avril apporte un nouvel élément stupéfiant. Juste après les crimes, les gendarmes avaient saisi un couteau à manche jaune dans un tiroir de Martine Leprince (*). L’arme était remisée dans son placard à outils. Sur la lame, on remarquait des traces de sang. L’analyse biologique avait révélé la présence de l’ADN d’Audrey, l’une des deux fillettes massacrées. Mais l’expert avait été incapable d’identifier l’autre tache sanguine, mêlée à celle laissée par l’enfant. A l’époque, il n’avait pas semblé utile de pousser plus avant l’expertise. Une erreur parmi d’autres, dans une instruction qui laisse pantois.
La pugnacité de Mme Anzani et l’évolution des techniques viennent de résoudre l’énigme. Roland Agret et Nicolas Poincaré, auteurs du livre Condamné à tort, l’affaire Leprince (éd. Michel Lafon), ont dévoilé hier les conclusions de la récente analyse : « L’ADN mêlé à celui d’Audrey est compatible avec celui de Martine Leprince. »
« Ma nièce a dû jouer avec »
En septembre 1994, pour expliquer la découverte du sang de sa nièce sur l’un de ses couteaux, qu’elle seule utilisait pour tuer des bêtes, Martine avait imaginé une bêtise commise par l’enfant. « Audrey venait souvent chez nous. Elle a dû aller dans le garage, prendre mon couteau, jouer avec et se blesser », avait-elle dit aux enquêteurs. Ils s’étaient contentés de cette interprétation simpliste, alors qu’on était en pleine tragédie, qu’un village entier pleurait la fin monstrueuse de deux fillettes et de leurs parents, victimes d’une boucherie.
Aujourd’hui, il lui va être plus difficile de justifier le mélange – l’association des deux ADN. Surtout après l’accusation qu’a proférée son oncle. Yves Baudelot et Jean-Denis Bredin, les avocats de Dany, ont demandé que Martine soit rapidement entendue. Il ne fait aucun doute que la présidente Anzani accédera à leur légitime requête.
(*) Par souci de clarté dans la narration des faits passés, nous désignons Martine sous son patronyme d’alors. Mais elle a divorcé et repris son nom de jeune fille.
Roland Agret, président d’Action Justice : “A l’époque, on n’a pas beaucoup cherché…”
Depuis cinq ans, Roland Agret, pourfendeur d’injustices dont il fut lui-même la victime, s’épuise sur l’affaire Leprince. Avec Nicolas Poincaré, le journaliste de RTL, il a repris l’intégralité du dossier et en a décortiqué chaque détail. Le 17 mars, ils ont été reçus à l’Elysée pour évoquer la révision en cours et la demande de grâce présidentielle du condamné. Ce lundi-là, à la sortie, ils se disaient déjà « confiants ».
Aujourd’hui, ils ont le sentiment d’avoir franchi un grand pas vers la remise en liberté de Dany : « Nous avons eu accès au travail de la Commission de révision. Et on peut dire que Mme Anzani a mis un sacré coup d’accélérateur ! Que l’ADN inconnu en 1994 soit compatible avec celui de Martine Leprince est une formidable avancée. Mais cela démontre aussi qu’à l’époque on n’avait pas beaucoup cherché… » Pas même à comprendre comment Dany avait pu tuer, seul, quatre personnes en trois minutes et six secondes, l’unique délai libéré par son alibi.
Les scellés disparus
Roland Agret n’est pas homme à crier victoire avant que s’ouvrent les portes de la prison. « La Commission de révision est la petite fille pauvre de la justice. Ses moyens ne lui permettent pas de travailler en un temps record. Mais nous savons que Mme Anzani est déterminée. Plusieurs personnes devraient être interrogées, notamment Martine Leprince, sa fille Célia, et l’oncle Yves Compain qui accuse l’ex-femme de Dany.
Ce qui me fait le plus mal, c’est de constater que, quatorze ans après les faits, on parvient encore à exploiter des pièces à conviction. Si des dizaines de scellés n’avaient pas été détruits après la condamnation de Dany, on aurait pu les faire parler. Quand vous pensez que 24 d’entre eux n’ont même pas été analysés ! » Enième bizarrerie
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