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La sortie du livre d'Etienne Sesmat sur l'affaire Villemin ne doit pas faire oublier qu'un autre ouvrage sur le même sujet est paru trois ans plus tôt: Le Secret de la Vologne, écrit par le second directeur d'enquête ayant travaillé sur l'enlèvement et l'assassinat du petit Grégory, le commissaire Jacques Corazzi, du SRPJ de Nancy. Le livre est présenté par son éditeur Gérard Louis, comme un récit chronologique des enquêtes successives rédigé à partir des "Souvenirs et notes personnelles, [de l'] analyse de la presse et [de] tous les documents officiels liés aux procès [relatifs à cette affaire]" (p. 9).
Particularité dudit ouvrage: il est écrit de façon plus ou moins romancée, un peu comme un polar des éditions Fleuve Noir, et comme certains articles du Nouveau Détective (je précise que je n'ai rien contre cet hebdomadaire, que je lis de temps à autre). Cela facilite la lecture, mais parfois on a du mal à distinguer les élements romancés de ceux qui ne le sont pas ! Ceci étant posé, le choix narratif de Jacques Corazzi est parfaitement compréhensible. Celui-ci ne peut présenter sa version de l'affaire ouvertement, sous la forme d'un plaidoyer pro domo ou d'un livre d'investigation: il risquerait des ennuis pour contestation de la chose jugée (arrêt de non-lieu du 3 février 1993). En effet, Jacques Corazzi est très sévère avec les premiers directeurs d'enquête - Etienne Sesmat en tête (qui, d'ailleurs, a écrit son livre en réaction à celui du commissaire) - et croit aujourd'hui encore en la culpabilité de Christine Villemin; les élements ayant amené à l'inculpation de la mère de Grégory sont bien sûr évoqués:
1/ Les expertises graphologiques la désignant comme "le corbeau" qui persécutait la famille Villemin depuis des années.2/ Les explications jugées peu convaincantes sur les factures téléphoniques. 3/ Les témoignages des collègues de Christine affirmant l'avoir vu poster une lettre en fin d'après-midi le jour du drame, lettre qui pourrait être celle de la revendication du crime. 4/ Les cordelettes retrouvées chez les Villemin présentées comme étant identiques à celles qui ont servi à ligoter le petit Grégory.
En dépit des réticences sur la forme du texte que j'évoquais plus haut, et du fait que, pour ma part, je crois en l'innocence de Christine Villemin, je pense que le livre du commissaire Corazzi mérite d'être lu, tout comme celui du colonel Sesmat. Peut-on esperer assister un jour à un débat contradictoire entre les deux "frères ennemis" (expression que j'emprunte à un chroniqueur judiciaire de France 2) de l'affaire Grégory? La brève conversation, plutôt tendue, entre les deux hommes lors du Salon du Livre de Nancy, qu'on a pu voir dans l'émission Complément d'enquête du 9 octobre dernier, laisse penser le contraire, même si on y entend à un moment l'ancien gendarme dire qu'il était prêt à débattre sur le sujet. Affaire à suivre!
Frédéric VALANDRE
PS: au cours d'un déjeuner à Paris avec un écrivain en novembre 2004, celui-ci m'a affirmé avoir reçu les confidences d'un gendarme: la mort de Grégory aurait été un accident domestique déguisé en assassinat. Certes, tout ceci n'est que ouïe-dire, mais cela confirme que la vérité judiciaire sur l'affaire Grégory ne plait pas à tout le monde...
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