Affaire de Bruay-en-Artois : les révélations d’un contre-enquêteur
Daniel Bourdon, ancien flic de la BAC à Paris, aujourd’hui auteur touquettois, a mené une contre-enquête sur le meurtre de Brigitte Dewèvre en 1972 à Bruay-en-Artois. Plus d’un an de recherches et une rencontre, « une pépite », qui relance l’affaire même si le meurtre est prescrit. Son livre sort lundi.
Brigitte Dewèvre, 16 ans à peine, a été assassinée à Bruay-en-Artois (aujourd’hui Bruay-La Buissière) en avril 1972. Son meurtrier n’a jamais été retrouvé. Plus de quarante ans plus tard, cette affaire passionne encore. Daniel Bourdon, Bruaysien de naissance, a été happé par ce fait divers il y a un an et demi.
L’ancien flic parisien, devenu auteur de polars, a mené une contre-enquête qui l’a porté jusqu’à une rencontre qui l’a bouleversé. Dans son ouvrage qui sort lundi, il affirme avoir retrouvé un personnage clé, un homme qui sait, qui parle et qui était là ce 6 avril 1972 pour transporter le corps sans vie de Brigitte Dewèvre. Cette révélation est « une pépite. Ma vie n’est plus la même après ça. Au départ, comme quelqu’un qui voit les extraterrestres, j’ai cru qu’on ne me croirait pas ».
Pour mener sa contre-enquête, le Bruaysien est reparti de zéro avec une piste inédite en tête et en écartant l’aspect politique qui, pour lui, a sacrifié Brigitte. Pour la première fois depuis 1972, cette contre-enquête a été menée par un enfant de Bruay. Sa connaissance du terrain et du caractère des gens du coron est infaillible. Ça l’a aidé.
« Quand j’ai commencé à m’intéresser à l’affaire, on m’a dit que j’allais avoir des ennuis »
Il le dit lui-même, « la moitié du livre est de notoriété publique ». Mais indéniablement, il intègre de nouveaux éléments, des témoins inédits qu’il a pris soin de protéger en leur garantissant l’anonymat : « Même quarante-cinq ans après, les gens ont peur de dire qui ils sont. » C’est aussi pour ça que Brigitte, histoire d’une contre-enquête est un roman. « Mais tout ce que je révèle est vrai. J’invente seulement les détails qui permettent de cacher les identités. »
Un bon moyen aussi de se protéger d’éventuels procès. Même si le meurtre est prescrit, le livre est passé entre les mains d’avocats. « Quand j’ai commencé à m’intéresser à l’affaire, on m’a dit que j’allais avoir des ennuis. » Mais ce gaillard né dans les corons et endurci par les nuits parisiennes s’est plongé jusqu’à l’enivrement dans cette contre-enquête.
Bonne piste
Deux moments forts ont marqué cette année de travail, deux rencontres. L’une après avoir répondu à l’invitation d’un inconnu. « Il m’a rassuré quand je suis rentré chez lui, mais je l’ai quand même laissé boire la première gorgée de café… »
Puis, il y a eu cette rencontre ultime avec cet homme qui déballe tout et qui confirme que Daniel Bourdon est sur la bonne piste, celle qui mène à un tueur qui n’a jamais été inquiété à l’époque et qui a étrangement disparu un an après les faits. L’ancien flic ne lâche pas l’affaire. « Le but est que certains sortent du bois » et que le tome 2 révèle de nouvelles surprises.
Chronologie des faits
5 avril 1972 : Bruay-en-Artois, Brigitte Dewèvre, 16 ans, est vue pour la dernière fois dans la soirée.
6 avril : son corps est découvert mutilé dans un terrain vague entre une villa bourgeoise et les corons.
7 avril : le juge Pascal se saisit de l’affaire.
13 avril : Pierre Leroy, notaire, est inculpé d’homicide involontaire.
Mai : naissance du Comité pour la vérité et la justice, groupe d’extrême gauche qui politisera l’affaire, symbole de la lutte des classes.
13 juillet : Monique Mayeur, maîtresse de Pierre Leroy et propriétaire de la villa, est inculpée pour complicité et homicide volontaire.
18 juillet : Pierre Leroy sort de prison, le juge Pascal est dessaisi deux jours plus tard.
29 juillet : Monique Mayeur est libérée.
18 avril 1973 : Jean-Pierre Flahaut, jeune voisin, s’accuse du meurtre. Emprisonné, il est relâché deux ans plus tard.
2005 : le crime est prescrit.