Ce chapitre concernant "l'acte Le Verge" lequel aurait mérité une rubrique spécialement dédiée, se termine, comme beaucoup d'autres, en "eau de boudin". Les intervenants de ce forum ne savent toujours pas si cet acte a été établi en un ou deux exemplaires, s'il se trouvait dans la valise de Quémeneur trouvée en gare du Havre (comme le dit Denis Seznec) ou bien avait été remis aux enquêteurs par le meunier. S'il ne se trouvait pas dans la valise, je ne vois pas pourquoi Le Verge en aurait parlé spontanément à la police ou pourquoi cette dernière, si elle n'en avait pas connaissance, serait allé interroger le meunier. L'intérêt pour l'enquête, d'un fait ayant eu lieu avant la disparition de Quémeneur, étant vraiment secondaire. Cela est d'autant plus surprenant que l'acte d'accusation, lors du procès, attribuait à Seznec la paternité de cette histoire de trafic de cadillacs alors que l'épisode Le Verge aurait dû apporter la preuve du contraire !
Un autre détail m'intrigue : Bernez Rouz dans son livre confirme que Quémeneur et Seznec se rendent à Lesneven, l'après-midi du 22 mai, pour acheter une voiture chez Le Verge. Il précise que l'affaire est conclue rapidement puisque Quémeneur avait déjà approché Le Verge quelques mois auparavant. Nous savons que cet achat n'en est pas un puisque Quémeneur se réserve le droit d'option sur la voiture, d'ici la date de livraison et même le droit de ne pas la prendre si bon lui semble (subtil non ?). Cet acte ne comporte même pas la signature de Le Verge !
Comment interpréter cette action. Comme à l'habitude dans cette affaire, de deux façons :
- cela prouve que Quémeneur croyait vraiment à cette histoire de trafic et recherchait activement des cadillacs.
- Quémeneur n'avait pas du tout l'intention d'acheter cette voiture, son but était double, convaincre Seznec et permettre l'établissement de ce document qui permettra ultérieurement aux experts graphologues de dire que les mentions des fausses promesses de vente y ont été décalquées et sont le fait de Seznec (plus récemment, d'autres experts diront prudemment que le procédé par décalque, qui ne révèle pas la personnalité de l'auteur, ne permet pas de désigner celui-ci avec certitude).
Examinons les faits : le 22 mai à Lesneven, Quémeneur ne s'aventure pas en terre inconnue puisqu'il a déjà rencontré Le Verge quelques mois auparavant. Mais pas plus que la première fois l'affaire n'est conclue. Notons au passage que décidément les cadillacs ne se vendent pas bien. L'acte rédigé lors de cette dernière entrevue précise : fait double le 22 mai 1923, sans autre précision. Pourquoi douter qu'il ait été fait en deux exemplaires ? Il paraît logique que l'un soit remis à Le Verge et l'autre conservé par Quémeneur, non ?
Si on accepte l'idée que c'est bien Seznec qui a réalisé les fausses promesses de vente de Traou-Nez et a décalqué les mentions sur cet acte, il faut bien qu'il l'ait eu en sa possession et ce ne peut-être l'exemplaire Le Verge, donc il y a bien deux exemplaires. Plusieurs hypothèses : ce deuxième exemplaire était dans la valise de Quémeneur et puisque le prétendu but du voyage à Paris était le trafic de voitures, sa présence dans la valise est beaucoup moins invraisemblable que celle d'un exemplaire de la promesse de vente de Plourivo qui aurait dû rester dans le bureau de Quémeneur. Si cet exemplaire n'était pas dans la valise, il était dans la poche de Quémeneur ou Seznec l'aura trouvé (pour une fois, je me fais l'avocat du diable, à rendre jaloux Yargumo lui-même qui me semble parti pour bouder !). Mais ce que je ne comprendrais pas, c'est que Seznec aurait laissé ou placé dans la valise, cet acte qui dénonçait sa supercherie.
Alors, j'en reviens à ma première intuition, ce n'est pas Seznec qui détient la valise et la dépose le 20 juin en gare du Havre mais ceux qui ont ourdi la machination destinée à perdre Seznec. Dans la valise, il y a la fausse promesse de vente bien sûr mais aussi, comme l'indique Denis Seznec (ce qui n'a jamais été démenti par personne) un exemplaire de l'acte Le Verge, réalisé antérieurement au 22 mai, comme les fausses promesses de vente. L'épisode suivant sera la découverte de la machine à écrire dans la chaufferie, à la troisième perquisition, sur dénonciation de Georges de Hainault en déplacement à Vichy !
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