Une remarque pour commencer, la partie concernant Elizabeth est la plus dure et la plus difficile à approcher. Et Sébeille l'a bien compris qui a mis l'accent sur ce point crucial du dossier.
A la limite, dans beaucoup d'affaires concernant exclusivement des adultes on peut débattre sereinement. A partir du moment où un(e) enfant est agressé(e) (voir l'affaire Maddie MacCann, l'affaire Gregory , l'affaire Mouzin etc...) on est plongé dans l'aberrant, l'absurde et l'infamant.
Nous devons donc nous livrer à un exercice périlleux, celui du profiler.
Qui est vraiment Gustave ?
Ici pas grand mystère, Gustave, hyper gentil, n'aurait pas touché un cheveu à un(e) enfant. Contrairement à Clovis qui a dérouillé durant son enfance et son adolescence dans la période d'entre deux guerres, Gustave son cadet de 14 ans, protégé par son aîné des foudres du pariarche Gaston, a pu tracer son propre chemin. Il porte une admiration sans borne à Yvette sa femme, il a un enfant, Alain et il en attend un autre, que demander de plus.
Depuis le départ de Clovis il gère la ferme un peu à la va comme j'te pousse mais quoi il fait son travail et Gaston est toujours là pour veiller au grain, la preuve, la réaction immédiate à l'éboulement qui menaçait la voie ferrée.
En pleine confiance dans l'avenir qui s'annonce radieux dans une société en voie de modernisation - les Dominici, contrairement à ce qui a été montré, étaient en phase avec le progrès surtout sous l'influence des femmes et d'Yvette en particulier - Gustave nage en plein bonheur.
C'est peu dire que c'est comme un ouragan qui s'abat sur lui ce matin du 5 aoùt 1952. Il est tellement épouvanté par ce qu'il découvre qu'il va cafouiller dès le début, la polémique va commencer avec le dialogue avec le motard J-M. Olivier, puis ses "erreurs" de comportement quoique parfaitement normales, vont attirer sur lui l'attention de Sébeille qui va les exploiter au maximum.
Mais le timing tel qu'on le connaît n'induit aucun comportement suspect.
Un peu après six heures, Gustave se dirige vers l'éboulement. Il aperçoit Elizabeth, tellement défigurée et ensanglantée qu'il la considère comme morte. Vers six heures quinze, le motard Olivier passe, est interpellé par Gustave qui lui dit qu'il a vu une morte et de prévenir les gendarmes. Peu de temps après arrivent l'équipe de la S.N.C.F. Roure, Boyer et Clovis puis Drac, toujours pour constater l'évolution de l'éboulement.
Les sons qu'a perçu Gustave ne peuvent être relatés que par lui. Là seul un spécialiste de la médecine pourrait les interpréter, or les médecins consultés n'étaient pas d'accord entre eux. C'est pourquoi je maintiens "ça ne change rien, la petite est déjà morte (ou mourante), point final" les deux coups portés étaient mortels. Vous comprendrez que je ne puis pas épiloguer sur ce point.
Si on envisage que Gustave a participé, alors on replonge dans les contradictions inextricables, inexplicables et sans logiques aucunes, ni évènementielles ni psychologiques.
Quant à Gaston là aussi il faut bien noter la démarche. Gaston avoue, prend sur lui les crimes pour stopper la ruine de la famille. A cet égard, E. Guerrier montre très bien les deux phases distinctes des aveux.
a) "la feuille", qui est une garantie pour Gaston qu'il resterait propriétaire de sa ferme ("AD EDTCDL" p. 515), donnée par le commissaire Prudhomme, du moins le croit-il, alors que ce document n'a aucune valeur juridique.
b) le scénario officiel bâti par Sébeille, à partir de cette "feuille", et qui deviendra le premier acte d'accusation suivant des aveux des plus fantaisistes.
Les deux épisodes se succèdent rapidement, au début Gaston ne veut pas entendre parler de Sébeille, d'où le travail du commissaire Prudhomme qui connaît peu l'affaire et la rédaction de la fameuse "feuille", puis le procès verbal dressé par Sébeille toléré finalement par Gaston, écrit à la machine à écrire.
En résumé, Gaston avoue pour en finir, mais il n'accepte moralement aucune culpabilité et la rejette, faute de mieux sur sa famille. "ce que j'ai dit, je l'ai dit et je l'ai pas fait."
Toutes les accusations intra familiales reposent sur la croyance que si ce n'est pas l'un, c'est FORCEMENT l'autre ou les autres, dans la mesure où on a rejeté par avance toute hypothèse extérieure et qu'on enferme le clan dans une relation circulaire.
Alain
|