Interview - Bruno Mesrine a vu "L'instinct de mort", le premier des deux films où Vincent Cassel campe le rôle de son père gangster.
Parce que fils de voyou, il pense que si lui-même était devenu braqueur, il aurait été plus violent que son père. Il a finalement opté pour la magie.
Propos recueillis par Alexandra GUILLET -
Ce mercredi sort en salle "Mesrine : L'instinct de mort" de Jean-François Richet, avec Vincent Cassel, Cécile de France, Gérard Depardieu et Michel Duchaussoy. Basé sur le scénario d'Abdel Raouf Dafri qui a enquêté auprès des proches de Mesrine, accumulant témoignages et documents, ce film relate la jeunesse du gangster, auteur de spectaculaires braquages, qui fut désigné "Ennemi public numéro un" par la presse avant d'être abattu, porte de Clignancourt le 2 novembre 1979, après dix-huit mois d'une sanglante cavale. Le deuxième film sur Mesrine, "Mesrine: l'ennemi public n.1", sortira le 19 novembre. Bruno, le fils du célèbre braqueur, a vu le film en avant-première. Il nous livre ses impressions et nous relate ce que lui garde comme image de son père.
LCI.fr : Dans quelles conditions avez-vous connu votre père ?
Bruno Mesrine : Il est mort quand j'avais 15 ans. Je ne l'ai connu qu'au parloir, de l'âge de 8 ans à 15 ans. Avant, je ne savais pas que j'avais un père. Le pire souvenir de ces visites, c'est qu'il y avait trois épaisseurs de vitres blindées et que je ne pouvais pas le toucher ou me mettre dans ses bras. Nos discussions étaient ordinaires, c'était presque un père normal. Il surveillait si je travaillais bien à l'école, si j'étais sage avec ma grand-mère car c'est elle, sa mère donc, qui m'élevait. Il voulait que je fasse beaucoup de sports aussi.
LCI.fr : Comment grandit-on avec un modèle de père comme celui-là ?
B.M. : Je ne sais même pas si on grandit. On fait avec. A l'école, j'avais une autre identité. C'est ma grand-mère qui voulait cela, pour qu'on ne m'ennuie pas. C'est peut-être ce qui était le plus pénible pour moi.
LCI.fr : Votre père est mort violemment, abattu dans sa voiture. En 2006, la justice a définitivement conclu à la légitime défense des policiers. Restez-vous convaincu que les policiers ont reçu l'ordre d'abattre et non d'arrêter votre père ?
B.M. : Bien sûr. La justice a mis 27 ans à dire qu'il n'y avait pas eu ordre de tir mais légitime défense. Elle n'a retenu aucun des éléments à charge contenus dans le dossier. Avant ou après, on n'a jamais vu un dispositif policier comme celui tendu à mon père pour une arrestation. Une soixantaine de bonshommes contre un quand même !
LCI.fr : Comment décririez-vous votre père ?
B.M. : C'était un homme avec un grand sourire, tout le temps. Charmeur. Hyper intelligent. C'était un grand aventurier. Il a vécu sa vie comme une aventure et il est allé jusqu'au bout de son aventure.
LCI.fr : Avec du sang sur les mains quand même...
B.M. : Du sang, il n'y en a pas eu tant que ça. Il y en a eu beaucoup dans la légende qui entoure mon père, mais pas tellement dans la réalité. D'ailleurs il n'a jamais été inculpé pour meurtre. Il ne faut pas se baser sur le film qui sort aujourd'hui pour savoir combien de personnes mon père a tué. Dans les trois premières minutes du film, il tue un type en Algérie, alors qu'il n'a jamais tué personne là-bas durant la guerre d'Algérie. Ça commence mal...
LCI.fr : Avez-vous participé à l'élaboration du film ?
B.M. : Non, malheureusement. J'aurais bien aimé avoir mon mot à dire. Mieux, j'aurais adoré tenir un petit rôle de flic ou de maton, pour le clin d'œil. Par contre, je l'ai vu en exclusivité, rien qu'avec ma famille. Je trouve Vincent Cassel très bien. Il mérite clairement un Oscar pour son interprétation. En revanche, sur le fond, je trouve les deux films vraiment très violents. On ne voit pas assez le côté qui a fait sa légende, à savoir son attitude de Robin des Bois. Vous n'imaginez pas le nombre de banques qu'il a braqué en offrant des roses aux caissières ou en faisant asseoir les femmes enceintes pour qu'elles ne fassent pas de malaise. Au Canada, lors d'un braquage, une employée n'arrêtait pas de pleurer. Il lui avait dit gentiment d'arrêter de pleurer sinon il reviendrait dans trois jours. Qu'elle était prévenue. Elle n'a pas arrêté de pleurer et, trois jours après, il est revenu braquer ! On ne voit pas cette attitude dans le film.
LCI.fr : Pourquoi avoir décidé de rééditer sa biographie ?
B.M. : D'abord parce qu'elle est devenue introuvable. Ensuite, quand on la trouve sur internet, elle se vend entre 300 et 1600 euros. Il était temps de la ressortir à un prix normal et accessible à tous. Quant à la bonne occasion pour le rééditer, c'était évidement maintenant.
LCI.fr : Etes-vous surpris de l'intérêt que suscite encore votre père, trente ans après sa mort ?
B.M. : Non. Ca fait trente ans que ça dure et il n'y a pas de raison que cela s'arrête. Ce qui m'a surpris, en revanche, c'est ce que mon père a dit dans sa cassette dite testament. Il a dit qu'il était un mauvais exemple, qu'il ne voulait pas qu'on se souvienne de lui... Là-dessus, il s'est bien trompé !
LCI.fr : En tant que "fils de", avez-vous été approché pour reprendre le flambeau de votre père ?
B.M. : Houlala, plus d'une fois oui ! Le problème, c'est que j'aurais du faire mieux que mon père. Ça n'avait pas d'intérêt sinon. J'aurais forcément été plus violent que lui, notamment vis-à-vis de la police, parce qu'on ne partait pas avec le même CV. Lui, il était fils de brodeur, moi, je suis fils de voyou. En plus, j'ai toujours dit que si je devenais braqueur un jour je ne m'attaquerai qu'à la Banque de France, la vraie. Cela me ferait tellement plaisir que je serais prêt à aller déposer tous les billets devant l'Elysée et d'y mettre le feu. Juste pour dire : Voilà, je l'ai fait. Mais sinon, faire juste des petits coups pour me retrouver racaille à Fleury-Mérogis, je ne veux pas. En plus, ça foutrait la honte à mon père...
LCI.fr : Aujourd'hui, vous êtes magicien professionnel. A votre manière vous faites disparaître et réapparaître des billets de banque ?
B.M. : Justement non ! J'évite tous les tours où il y a de l'argent ou des évasions. Je n'y touche pas, sinon on va me le coller sur la peau. J'essaie surtout de faire rêver bien plus les gens que la vie ne m'a fait rêver. Je donne ce que je n'ai pas reçu. Avec la magie, j'ai trouvé un second papa : Merlin l'enchanteur.
Source : LCI
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