Patrick Dils aide les élèves en difficulté
C'est un petit pavillon au coeur du village de Méziré (Territoire de Belfort). Près de la sonnette, une étiquette « Dils Patrick ». Ce nom incarne l’une des plus grandes erreurs judiciaires du XX e siècle. Le 20 avril 1987, Patrick Dils, apprenti pâtissier de 16 ans, est inculpé puis condamné à la prison à perpétuité pour le meurtre de deux enfants, Cyril et Alexandre, à Montigny-lès-Metz (Moselle).
Pendant sa garde à vue très tendue , l’adolescent avait avoué le double meurtre avant de se rétracter. Il attendra quinze ans avant d’être entendu et disculpé. La présence sur les lieux du crime, au même moment, du tueur en série Francis Heaulme, et des impossibilités dans l’emploi du temps de Dils, ont permis à ses avocats d’obtenir gain de cause.
Aujourd’hui, Patrick Dils, 38 ans, a trouvé un travail dans une fabrique de casseroles en Franche-Comté. Son pavillon abrite sa collection de Tintin, ses CD, ses tableaux faits en prison ou cette photo en compagnie de Pascal Obispo qui lui dédia une chanson. Enfin, il vient de lancer Louve, une association pour venir en aide aux enfants en difficulté scolaire.
Quel est aujourd’hui l’emploi du temps de Patrick Dils ?
- Patrick Dils. C’est une vie assez banale. Le matin, je pars à pied au travail. Cela représente 3,5 km de marche, qu’il pleuve, qu’il vente. Le travail me convient bien. L’usine où je suis employé fabrique des casseroles de luxe, c’est une entreprise à taille humaine. Je suis à l’expédition. On envoie dans le monde entier. Je rentre en voiture avec une collègue. Mais souvent ma journée n’est pas finie. Je dois m’occuper de mes nombreuses conférences à travers la France pour parler de mon expérience. Je suis donc souvent sur la route le week-end. Et quand ce n’est pas le cas, je vais voir mes parents à Montigny-lès-Metz.
En plus de tout cela, vous venez de créer Louve, une association...
C’est un projet très ancien, j’y pensais déjà en prison, il y a plus de dix ans. L’association a été créée avec deux amis, Laurent Bouquin et Sophie Auger, je suis le président de Louve qui veut dire Livre ouvert d’une vie d’enfant*. L’idée est d’aider des enfants qui ont des difficultés scolaires en finançant, par exemple, des cours particuliers mais aussi, pourquoi pas, une aide à la cantine. Aider un enfant à grandir, c’est pour moi ce qu’il y a de plus beau.
Est-ce que ce choix découle de votre expérience personnelle ?
C’est un projet qui me tient à coeur. Mon parcours scolaire n’était pas très bon, je crois que j’ai redoublé deux fois, et pourtant j’aimais l’école. Mais j’étais très introverti, j’ai connu les quolibets des autres enfants, j’étais montré du doigt. J’aurais aimé qu’une voix extérieure dise « stop » et mette en route le petit déclic qui fait que parfois un enfant travaille mieux en classe. Pour l’association, j’ai pris conseil auprès de ma compagne qui travaille dans une ONG en Afrique. Louve compte une vingtaine d’adhérents, mais on veut grandir avec la bonne volonté de tous, un peu comme Coluche l’a fait avec les Restos du coeur.
« Il y a des choses qui ne se réparent pas »
Avec les indemnités reçues à l’issue de votre procès, vous auriez pu vivre de longues années sans travailler, y avez-vous pensé ?
J’ai reçu près d’un million d’euros ; 300 000 € ont été vers mes avocats et pour mes parents. J’ai eu 700 000 €, bien sûr ça m’a aidé, par exemple pour l’achat de cette maison. Mais la dernière chose à faire aurait été de ne pas travailler et de se contenter de cet argent. Si j’avais fait ça, c’est sûr, je serais clochard aujourd’hui. Je tiens à dire que j’échangerais bien volontiers tout cet argent contre les quinze ans de prison que j’ai vécus. Il y a des choses qui ne se réparent pas.
Etes-vous un homme heureux ?
Tous les matins, dès que je mets le pied par terre, je me dis que je suis heureux et libre. J’adore la vie. Je suis sans haine, sans rancune et ouvert sur les autres. Ce qui m’arrive aujourd’hui, c’est une revanche sur la vie. Le Patrick d’aujourd’hui, c’est celui qui a toujours existé.
* L’association Louve a une adresse mail : pat10x10/free.fr.
Source : Le Parisien
