Oui bien sûr, on peut s'en tenir au fait que quelqu'un avoue sous la pression après 19 heures de garde-à-vue n'a rien d'étonnant.
C'est ce qu'on appelle le système inquisitoire et c'est pourquoi on a institué l'"habeas-corpus" dans le système anglais et qu'on l'a vaguement transposé il y a dix ans dans le droit français par la présence d'un avocat lors de la garde-à-vue. (décidément, en matière de droit de l'homme la France est à la pointe du progrès, c'est sûr...)
Mais les choses sont peut-être un peu plus compliquées dans le cas de Christian Ranucci et dans tous les autres cas.
On peut étudier effectivement le mécanisme qui permet la bascule.
Pour exemple Dils explique très bien que ce qui le fait basculer, c'est le fait que son père a dit aux policiers qu'il s'était absenté dix minutes quand sa mère disait 5... 5, il n'y a pas le temps mais là on lui dit que c'est son propre père qui l'affirme... Donc il faut les croire...
Il y a un trou de dix minutes dans lequel les policiers vont loger une "histoire", des "suppositions" dont ils vont faire une réalité.
Mais Dils a 16 ans, il est comme un oiseau tombé du nid. Ce n'est pas le cas de Ranucci, qui a fait un an d'armée, qui a tenu le "Rio-Bravo" quand sa mère s'absentait... qui a connu beaucoup de choses...
L'administration judiciaire ou la police ne peut planter ses banderilles que lorsqu'elle sent la faille, et qu'elle l'exploite.
Or là, il y a trois failles, et c'est ça qui est intéressant d'analyser. Il y a la visite à son père dont il ne veut parler à aucun prix. Sans doute vis-à-vis de sa mère, peut-être pense-t-il que cela briserait la complicité qu'il a avec elle...
C'est une mère formidable qui laisse du champ et qui en même temps fait preuve d'attention, qui a le don de la générosité et de l'ouverture, qui accueille tout le monde sans rien demander, avec une foi inébranlable...
Mais il y a juste ce jeu qui n'en est pas un : fuir le père qui l'a blessé gravement...
Il y a le trou noir, le fait de s'être endormi au bord de la route et de ne plus se souvenir de tous les détails du week-end...
Et puis il y a les bizarreries du réveil : comment suis-je arrivé jusqu'ici ?
et puis ce qu'il a peut-être trouvé dans la voiture, le type ayant abandonné précipitamment un pull et vraisemblablement un couteau, et vraisemblablement un paquet de biscuit.
Depuis 1984 de Orwell, on sait par quels mécanismes on finit par aimer Big Brother...
Tiens, je vais aller déposer un post au sujet du paquet de biscuit qui permet de faire encore une déduction.
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