Il y a une lettrre en date du 13 septembre 74 dans laquelle il n'est pas question de sa probable culpabilité :
"Il faut garder bon espoir, les médecins ne devraient plus tarder à venir, ils verront bien que je n'y suis pour rien.
Et puis, il y a aussi ces petits indices, qui nous permettront, à nous et aux enquêteurs, en espérant qu'ils poursuivent les recherches, de trouver les réponses aux questions que nous nous sommes posées. C'est capital. En réfléchissant, on voit beaucoup de choses. Et quand je pense à l'instruction, par exemple, je m'étonne et me révolte surtout, du fait que pendant cette instruction, il semble que l'objectif visé et prioritaire ait été de tirer profit du choc que j'ai reçu pour m'enfoncer.
J'ai admis que c'était peut-être moi, bien que je n'en sois pas sûr, ils devraient en être satisfaits, mais non, ils en rajoutent, comme si toute cette affaire n'était pas suffisamment pénible et triste. Quand je pense au coup des faux témoins et du scoubidou * ça me dépasse. Ça entre autres. Je n'ai rien à me reprocher, sauf peut-être que je vais pas voter aux élections.
C Ranucci découvre au fil des mois, au compte-gouttes les détails de l'affaire.
C'est cela qui fait qu'il a du mal à en avoir une vision globale et qui lui empêche de raisonner comme nous pouvons le faire nous aujourd'hui à froid avec tous les éléments. Lui ne les avait pas tous.
Et puis il semble que Jean-François LeForsonney ne soit pas très généreux avec lui pour l'informer.
Des lettres ont été retenues par la direction des Baumettes puisque dans son courrier du 21 juillet, il écrit que celle ci est la 9eme lettre qu'il envoie. Or, dans "Ecrits d'un condamné", cette lettre du 21 juillet est la 3eme. Il y a donc 6 lettres qui ont été écartées par l'autorité péntitentiaire probablement parce qu'elles parlaient de l'affaire en des termes qui ont du fortement lui déplaire.
Maintenant, est il sincère quand il prétend ne pas se souvenir de ce qui s'est passé exactement après l'accident ?
- soit il cache quelque chose ou préserve quelqu'un ? j'avoue ne toujours pas comprendre le pourquoi
- soit il commence à comprendre dans sa lettre du 13 septembre qu'il a subi un choc dont ont tiré profit les enquêteurs. Ca semble flou dans son esprit, en tout cas pas aussi clair que dans son Récapitulatif puisqu'il écrira qu'il s'est évanoui après sa fuite du carrefour.
Certains affirment que la version de l'évanouissement date d'après sa condamnation. L'éditeur de Ecrits d'un condamné signale que selon son agenda il a achevé de rédiger son Récapitulatif le 14 mai 1976. Rien n'indique quand il a commencé à le rédiger.
D'ailleurs, dans celui ci, C Ranucci rappelle qu'il avait déjà donné cette explication de l'évanouissement aux policiers avant la reconstitution du 24 juin.
Cela dit, on peut imaginer un scénario selon lequel C Ranucci se serait bien enfui dans la colline, aperçu de loin par les Aubert. Une fois ceux ci partis, il veut retourner à sa voiture mais là sans rien voir venir il reçoit un coup violent derrière la tête et perd connaissance.
Ensuite, soit il reprend ses esprits avant que M Martinez ne passe par la rn8bis et un peu perdu choisit de s'engager dans le chemin menant à la champignonnière, soit c'est le meurtrier qui a placé le niçois dans sa voiture et l'a amené là où l'on sait.
Je vous accorde que c'est compliqué comme scénario. Et puis, il reste toujours la même question : pourquoi n'a t-il pas raconté à ses avocats, à sa mère qu'il s'était enfui dans la colline ? aurait il pu oublier cet épisode ?
Pour ma part, j'ai du mal à le croire.
Je me souviens qu'étant gamin, en colline de vacances, j'avais pris un violent coup de balançoire derrière la tête. Et oui, vous pouvez rire autant que vous voulez, mais j'ai perdu connaissance pendant 1 heure ou 2 d'après ce que l'on m'a dit. Néanmoins, je me souviens très bien des circonstances juste quelques secondes avant le choc. Mais le choc lui-même, le coup de balançoire, je ne l'ai pas ressenti. Dans ces cas là, on ne se rend absolument pas compte que l'on perd connaissance. C'est au réveil que l'on finit par comprendre parce que l'on est allongé sur un lit à l'infirmerie et que l'on vous explique ce qui s'est passé.
C'est la raison pour laquelle je continue de croire que la version de l'évanouissement juste après la fuite au carrefour est crédible. Il s'arrête quelque part sur la rn8bis et perd connaissance. Quand il reprend ses esprits, il y a 2 scénarios possibles :
- le meurtrier est encore là et décide de conduire la voiture dans la champignonnière. La raison peut paraitre obscure. La seule qui pourrrait tenir la route, d'après moi, c'est la volonté de lui jouer un vilain tour en espérant qu'il sera suspecté du meurtre (cf POR déposé dans la galerie, témoins à proximité, couteau dans le fumier).
- Il panique, craint d'être éventuellement rattrapé par un témoin ou par l'accidenté (M Martinez), et dans une certaine confusion décide de s'engager, sans savoir où il va, dans un chemin où il pense pouvoir être à l'abri. Fatigué, il décide d'y rester pour se reposer et trouve un endroit frais dans la galerie.
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