Arrivé à ce point, il me semble pouvoir acquérir deux certitudes:
- l'élément qui fait le lien entre Ranucci et le lieu de l'enlèvement est un faux.
- l'élément qui fait le lien avec le lieu où l'on retrouve le cadavre n'existe pas. Personne n'a jamais demandé aux Aubert si c'était l'endroit et Ranucci n'a que vaguement répondu par l'affirmative aux questions de la juge.
Comme Ranucci fut condamné sur la base qu'il ne faisait aucun doute qu'il était présent sur les deux lieux, je pense être légitimement en droit de dire que cette condamnation est une erreur judiciaire. Ranucci revient, dans la vision que j'ai de l'affaire, au rang de suspect au même titre que d'autres. Même moins que les autres puisque les déclarations des Aubert laissent penser que Ranucci s'est arrêté près de la barrière et non pas à l'aplomb du lieu du cadavre et que le chien montre une piste qui va de la galerie au lieu du cadavre, que Ranucci n'a pas pu laisser. Entre ces autres suspects, il y a un satyre opérant dans les cités du nord de Marseille.
J'en suis arrivé donc, au point de tenter de construire une hypothèse permettant de cerner un hypothétique profil de cet homme. Je vais l'exposer à continuation. Elle est partielle, je la compléterai et la modifierai peu à peu. Il y a pas mal de copié et collé dans le texte. Excusez la fainéantise, j'arrangerai le texte peu à peu si quelqu'un s'y intérresse.
Le Ravisseur.
Dans un premier temps, il était clair pour les policiers que l'homme avait parlé en français avec l'accent de Marseille. Une fois Ranucci arrêté, il n'y avait plus aucun intérêt à entendre l'enfant puisque rien ne correspondait. C'est bien ce qui s'est passé à l'exception d'un essai de tapissage. La juge aussi, le savait puisqu'elle ne l'a jamais interrogé.
Il parlait français comme les gens d'ici, c'est-à-dire avec l'accent marseillais. Et c'était une piste primordiale en effet.
En fait pour lui, il parlait sans accent, c'est le parler pointu qui est un accent pour un petit marseillais. C'est de là que vient la phrase, quand l'enquêteur lui a demandé si le ravisseur avait un accent. Non, il parlait comme les gens d'ici. Pour dire français, tout le monde dit français, petits et grands, fils d'immigrés ou fils de français.
Cubaynes parle de satyre en Simca. La piste importante c'est celle-là.
Les Fouilles du 5 juin
Comment ce ratissage a pu être réalisé dans la pratique?
Suivant ce qui est écrit dans les PV de Gras, il n'y a pas beaucoup à inventer:
- la première ligne droite à partir du carrefour se fouille vite fait en longeant la route, au cas où le fuyard aurait lancé quelque chose
- après le premier virage impossible de continuer de cette manière. Il faut déployer les gendarmes le long de la route avec un intervalle de 4 ou 5 m entre chacun, puis les faire avancer perpendiculairement à la route dans le maquis une centaine de mètres, puis marche arrière, retour à la route et on recommence plus loin, vers Marseille, à partir du dernier homme.
En calculant une vingtaine de gendarmes, ils couvrent une centaine de mètres à chaque fois, donc ils recommenceront l'opération 6 ou 7 fois pour arriver au lieu de la découverte du corps. A un quart d'heure par phase on a les deux heures approximativement qu'ils ont tardé à arriver sur le lieu exact.
Par contre s'il vont directement sur le lieu ou même 100 ou 200 m avant, plus rien ne colle. Ils ne peuvent par tarder deux heures à trouver la chaussure et le cadavre.
Le crime
Je pense qu'il y eu poursuite, courte ou longue, que la victime, rattrapée et ayant perdu un soulier, est prise par les cheveux pendant que son agresseur prend une pierre. Se débattant, la victime est difficilement contrôlable à cause de la prise par les cheveux et de l'autre main cherchant la pierre puis à la frapper. Elle est frappée deux fois. Le premier coup porte à faux, le deuxième fait tomber la victime. L'agresseur la chevauche, elle se défend nettement plus mollement au bord de la perte totale de conscience. L'agresseur sort un couteau maintenant la victime prise par les cheveux ou la reprenant par ceux-ci. Il est complètement paniqué, il sait qu'il doit tuer mais il ne l'a jamais fait et n'est pas suffisamment étranger à lui-même pour cela. Les premiers coups, portés de haut en bas, le couteau en prise poignard de droitier et visant le cou ne franchissent à peine les avant-bras et mains de la victime se défendant vaguement. 13 coups de faible puissance cherchant un espace entre les bras de sa victime pour atteindre le cou. Pendant cette courte lutte la tête de la victime a percuté et fut pressée contre le sol plusieurs fois. Quand la victime baisse définitivement la sorte de garde qui la protégeait, les deux coups mortels sont portés.
L'assassin traine le cadavre par les pieds vers le haut de la pente en l'éloignant de la route à peine quelques mètres de plus. A la hauteur d'un buisson, il fait faire une sorte de virage au cadavre et le coince contre le buisson, le corps parallèle à la route, lâche les jambes de sa victime et s'empresse de couper et arracher des argeras pour compléter le buisson. Ce n'est pas une personne rurale, il ne se rend pas compte qu'en très peu de temps, le faux buisson se notera beaucoup plus.
Au petit bout de scénario, j'aimerais ajouter le sabot à lanières, son empreinte et les griffures derrière les jambes. L'empreinte du sabot sur le talus est nette et complète puisque le gendarme la mesure. Je pense que la fillette a voulu sauter le talus, s'est reçue sur toute la plante du pied et comme la pente est raide, elle est retombée en arrière, s'est griffée l'arrière des jambes en retombant contre le bord du talus, a réussi à repartir, à moitié déchaussée, et à perdu la chaussure complètement un peu avant ou après s'être fait rattrapée.
Je ne trouve pas naturel du tout cet fuite vers le haut de la montagne. Si la fillette s'échappe du Chemin de la Doria, comment penser qu'elle va fuir vers le haut, même attirée par la route ? Le plus naturel donc le plus probable est qu'elle dévale la vallée vers le village qui n'est pas si loin. Les fuites et surtout celles d'un enfant sont comme l'eau: elles suivent le chemin le plus facile généralement. Alors d'où venait-elle ? Pour l'instant je ne vois rien d'exploitable dans ce sens, sauf qu'elle courait en descendant la route et pour une raison impérieuse, il a fallu qu'elle l'abandonne et tente de se cacher dans la broussailles. Elle a donc essayé de sauter le fossé.
Pour continuer: une fillette de cet âge ne va pas courir très longtemps. La fuite a dû commencer assez près de l'endroit où elle fut rattrapée. Si elle vient d'un endroit proche et plus haut que l'aplomb, on a un chemin carrossable à droite avant le virage presqu'en face de celui de la Doria et qui va jusqu'à la champignonnière du Valon en contournant l'endroit du cadavre par le nord. Je trouve que c'est un endroit tout aussi valable que la Doria et même plus. Il est plus proche et ce n'est que descente pour arriver aux alentour de l'aplomb.
L'homme au pull over rouge.
Maintenant nous sommes au moment d'une bifurcation obligatoire des hypothèses à cause de la principale faille de ce dossier: il n'y a pas d'heure du décès ni même de fourchette horaire exploitable. Le meurtre est-il commis avant, pendant ou après le passage de Ranucci sur cette route ?
Si on prend la première possibilité, le télescopage entre Ranucci et l'assassin peut se produire plus bas, dans le chemin vers la galerie. L'assassin ayant descendu dans la galerie pour se remettre du coup, se laver, faire disparaitre des indices, a pu se voir bloqué par la voiture de Ranucci dans le chemin. Ce qui provoquerait le micmac qui fait tant rire aux dépens de Perrault et que je ne trouve pas du tout ridicule ou impossible.
Ce micmac à l'aplomb ne me semble pas possible car les déclarations des Aubert ne me semblent pas possibles. Par contre depuis le début si on ne lit que leurs déclarations concernant l'endroit et sans savoir où le cadavre fut retrouvé, on va directement au-delà de l'épingle près de la barrière de la champignonnière. Donc je le fais. L'aplomb n'a rien à voir avec ce qu'ils disent avoir vu.
Si le crime fut commis après le passage de Ranucci, l'assassin doit donc avoir besoin de descendre à la galerie comme dans le premier cas, mais le motif doit en être très fort pour préférer résoudre le problème de Ranucci dans le chemin au lieu de changer de plan.
Imaginons par exemple, et ce n'est qu'une spéculation pas une hypothèse, que Ranucci se soit arrêté au niveau de la barrière. On peut mettre un paquet pour Aubert en pensant qu'il a pu descendre pour redresser la carrosserie avec une couverture. Qu'il a fuit dans les fourrés pour ne pas avoir à s'expliquer de surcroit avec la cuite quil avait. Quand Aubert est parti, il remonte dans sa voiture et entre dans le chemin de la champignionière pour se reposer. Il s'arrête quelques mètres après en plein chemin et crevé, s'affale. Peut-être passe-t-il lui même à l'arrière par automatisme acquis les nuits où il l'a déjà fait.
Le crime a déjà eu lieu et l'assassin est avec sa voiture dans la galerie qu'il connait bien et lui sert de refuge et où il est descendu après le crime pour se nettoyer et éliminer des indices. Quand il veut sortir il se trouve face à la 304 qui le bloque. Pas question de sortir de l'autre côté, il faut passer devant chez les Rahou. la 304 est immatriculée 06, c'est pas du coin, le conducteur est bourré affalé sur la banquette arrière, clefs sur le contact. Même si la portière ne s'ouvre pas, il peut faire le tour et faire semblant de s'intéresser sur la santé du conducteur. Pas de réponse, il prend sa voiture et recule, trouve un coin pour la quitter du chemin peut-être même jusqu'à la plateforme. Il retourne à la 304 et se met au volant. Il ne risque pas grand chose si le conducteur se réveille il peut lui dire: et ben petit, t'en as pris un coup, tu peux pas rester là, tu bouches le chemin. Il conduit la voiture jusqu'à la plateforme et comme l'autre ne bronche pas, l'engouffre en marche arrière, c'est toujours ça de pris. Puis lui colle le couteau ou bien trouve celui de Ranucci et en fait ce que vous voulez sauf l'enterrer dans la tourbe. Il va ensuite à pied chercher sa voiture. Sort sans baisser la barrière.
D'ailleurs la piste du chien peut s'intégrer elle aussi dans une suite logique. dans la partie de l'hypothèse où le meurtre fut commis avant le passage de Ranucci. On a la piste depuis la galerie jusqu'à l'endroit ou Ranucci aurait bloqué le chemin. Pour le reste de la piste: il existe des gens qui ne peuvent abandonner un lieu sans vérifier avant que tout est comme ils le pensent. L'assassin ne peut pas remonter la voiture, c'est trop risqué. Où la garerait-il ? Il peut très bien la laisser dans le chemin qui part, plus ou moins en face de la barrière, de l'autre côté de la route et remonter à pied la route comme un promeneur. Il est propre, a pu se défaire des indices compromettants le risque n'est pas vraiment énorme. Ce n'est qu'une question de motivation. Comme tout a foiré, il a une belle motivation pour vérifier s'il n'a pas oublié quelque chose. Il ne va pas quand-même pas pousser l'audace jusqu'à retourner au pied du cadavre. Il dépasse l'aplomb 30 mètres en l'observant depuis la route puis fait demi-tour et redescend chercher sa voiture. Où est le problème ? Le chien sera perdu de chez perdu et s'arrêtera à l'endroit du demi-tour.
La piste du chien
Quels sont les éléments qui confortent l'existence d'une piste réelle suivie par le chien ?
- sur le PV il est écrit "chien mis en piste à partir de la galerie". Qu'en pense un maitre-chien ? Je n'ai lu que des opinions disant que mis en piste veut dire exactement ce que ça veut dire. C'est le début de la piste.
- le chien parcourt 400 m de chemin, ne se perd pas, ne s'arrête pas et débouche sur la route. Qu'en pense un maitre-chien ? J'ai tendance à croire qu'ils diront tous que c'est la continuation de la piste.
- le chien remonte la route dans le bon sens, ne part vers aucune bifurcation malgré que l'une d'elle soit un chemin évident dans le sens de sa piste, le Vallon, arrive à la hauteur de l'empreinte, la dépasse de trente mètres, est ramené en arrière pour reprendre la piste avec le même résultat. Qu'en pense un maitre-chien ? Que la piste s'interrompt. Qu'elle n'est pas un peu plus loin dans les buissons, le chien l'aurait trouvée, que le plus probable est que la personne recherchée soit montée en voiture.
J'aurais donc une question à poser à un maitre-chien. Quel effet peut avoir sur un chien que la personne recherchée rebrousse chemin, en tenant compte que la piste n'est pas fraiche et qu'elle est en bordure de route ?
Motivations de l'assassin
Il avait très probablement l'intention de tuer puisqu'il est difficile de relâcher la victime après l'enlèvement. Il n'a pas de pied-à-terre à Marseille pour pouvoir y amener la victime. Il connait le coin. C'est la première fois qu'il tue. Il ne prend pas un plaisir extrême à tuer la victime, il n'y a aucun raffinement cruel dans le mode opératoire. Avoir la victime sous son contrôle pendant un temps semble donc son mobile principal. La tuer n'est que la conséquence de ne pouvoir laisser la victime l'accuser.
A cette impression sur l'homme qui a laissé la piste du chien, j'ajouterais une réflexion de Gihel qui m'a paru très pertinente. Dans un post que je ne retrouves pas mais dont je me souvient très bien, il parlait de l'audace du cambrioleur. Je suis très d'accord avec cette impression, j'ai exactement la même. Pour éviter les railleries, je précise que non, je ne pense pas que l'homme au pull rouge soit un cambrioleur sinon qu'il en a le même genre d'audace. _________________ « Les malheurs particuliers font le bien général ; de sorte que plus il y a de malheurs particuliers, et plus tout va bien » Pangloss.
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