La Simca 1100 d'Alex Panzani : je l'appelle ainsi, car ce journaliste de "La Marseillaise" est le seul à avoir donné le modèle de la Simca qu'aurait vu le petit Jean Rambla. Je souhaitais savoir pourquoi. Et je me suis aperçu qu'en mettant bout à bout des passages de deux émissions différentes, on avait peut-être une explication.
Voici tout d'abord un extrait du "Droit de savoir", qui suit l'évocation du témoignage de Spinelli :
Citation :
Charles Villeneuve : Un autre témoignage jette le trouble : celui de Jean Rambla, 6 ans, le petit frère de Marie-Dolorès. Au pied de la cité, des journalistes l'assaillent de questions, et lui demandent de raconter ce qu'il a vu.
Roger Arduin : A force de lui poser des questions, il a fini par, euh... bâtir, euh, euh... un dialogue qui se tenait bien.
On entend alors une bande magnétique professionnelle conservée par Roger Arduin, qui est celle de l'interview du petit Jean le 3 juin 1974 :
Citation :
Jean Rambla : Il m'a appelé avecques ma soeur. Après il a dit que, il a dit que je cherche le chien.
Roger Arduin : Il avait perdu son chien ?
Jean Rambla : Oui. Après il a dit que je passe par là-bas et ma soeur elle reste là.
Roger Arduin : Et ta soeur est restée avec le monsieur ?
Jean Rambla : Oui.
Roger Arduin : Et quand tu es revenu, le monsieur n'était plus là, et ta grande soeur non plus ?
Jean Rambla : Non.
Suit un ping pong entre les témoignages de Gérard Bouladou et Roger Arduin (qui sont bien évidemment en deux endroits différents), conclu par une affirmation émue de Pierre Rambla :
Citation :
Gérard Bouladou : Un journaliste va commettre une erreur en... en interrogeant le petit Jean Rambla...
Roger Arduin : Je lui ai demandé : "Qu'est-ce que c'était comme voiture ?" Le petit garçon a dit : "C'était une Simca."
Gérard Bouladou : Il va lui suggérer... Comme il sait que... on parle d'une Simca 1100, il va demander à l'enfant si c'était pas une Simca 1100...
Roger Arduin : Peut-être qu'effectivement, dans nos questions, on a dit : "Quel type de voiture ? Est-ce que tu connais les voitures ?" - "Oui, je connais les voitures." - "Alors, est-ce que c'était une Renault, une Simca, une Citroën ?" Et le petit garçon a dit : "C'était une Simca."
Gérard Bouladou : C'est repris dans les journaux le lendemain, alors qu'on est certain, mais sûr et certain que Jean Rambla n'a jamais parlé d'une Simca 1100. Il ne l'a jamais dit aux policiers. Il y a simplement : "une voiture grise".
Pierre Rambla : La voiture est grise, il n'a pas précisé... eh ben, une marque de voiture, aucune marque de voiture, et ça je vous le jure pour toute ma famille, pour tous mes enfants. Moi-même j'avais pas de voiture. Mon fils, il avait six ans et demi : il était pas un expert ni connaisseur de voitures.
Bouladou a bien entendu tort d'affirmer que Jean n'a jamais parlé (tout court) de Simca 1100. Ce dont on est sûr, c'est que les policiers n'ont jamais noté autre chose ce 3 juin que "une voiture grise", et que Pierre Rambla soutient (à tort ou à raison) que son fils ne lui a jamais donné ni marque, ni modèle de voiture. Le fait qu'on mette ça dans sa bouche dans un journal ne veut rien dire, car je constate en comparant les articles que certains éléments obtenus auprès des policiers sont attribués à tort à monsieur Rambla, par exemple. On a même les Aubert qui s'expriment dans les journaux le 6 juin, dans des articles écrits donc le 5 juin, avant même que les journalistes ne les rencontrent, ce qui prouve que leurs paroles ne sont connues au mieux qu'en seconde main, par l'intermédiaire d'Alessandra et/ou d'autres policiers.
Enfin, voici un extrait de l'émission "Faites entrer l'accusé" :
Citation :
Christophe Hondelatte : A Marseille pendant ce temps-là, les journalistes poursuivent leur interview du petit frère de Marie-Dolorès. Ils le pressent de questions, et très vite Jean leur livre un autre détail.
Alex Panzani : On lui a surtout demandé : "Quelle voiture avait ce monsieur ?" Et à ce moment-là, il nous a dit, euh : "Il avait une Simca..." euh... "gris métallisé." Et je lui ai demandé : "Tu connais la Simca ?" Il m'a dit, il m'a dit : "Oui... je la... je connais, je sais ce que c'est." Il m'a, il m'a d'ailleurs montré une voiture, qui était une Simca, effectivement, 1100, qui était, qui était celle avec laquelle l'équipe de police était arrivée sur place, puisqu'à l'époque les policiers étaient équipés de ce type de voiture.
Je crois que nous avons maintenant toutes les pièces du puzzle. Ajoutons peut-être l'appel à témoin lancé à la radio par la police le 4 juin :
Citation :
Nous recherchons les témoignages du passage d'une voiture automobile qui pourrait être une Simca grise à bord de laquelle se serait trouvé un homme d'une trentaine d'années et une fillette de 7 ou 8 ans.
Si Arduin a bien enregistré le récit de l'enlèvement par Jean, il n'en a pas fait de même à propos de l'évocation de la Simca, probablement parce que la question n'a pas été posée dans des conditions idéales côté son, c'est-à-dire sur le trottoir en bas de l'immeuble, semble-t-il. C'est ce qui ressort du témoignage de Panzani, en tout cas, car c'était près de la voiture des policiers, qui eux, n'étaient probablement pas devant leur voiture pour entendre l'enfant, mais plutôt avec les parents dans l'appartement, car ils n'ont apparemment connaissance de la marque de la voiture que le lendemain. En admettant qu'Arduin et Panzani ont bonne mémoire, qu'ils ont entendu l'enfant en même temps, et que quand ils parlent à la première personne, c'est bien d'eux qu'ils parlent, et quand Panzani dit "on", ça peut être un de ses collègues, et en oubliant cette histoire de "gris métallisé", qui est sûrement une extrapolation, on obtient les questions et réponses suivantes :
Roger Arduin : Quel type de voiture ? Est-ce que tu connais les voitures ?
Jean Rambla : Oui, je connais les voitures.
Roger Arduin : Alors, est-ce que c'était une Renault, une Simca, une Citroën ?
Jean Rambla : C'était une Simca.
Alex Panzani : Tu connais la Simca ?
Jean Rambla : Oui, je la connais, je sais ce que c'est.
Et à ce moment-là, Jean désigne une Simca 1100 de la police.
Alex Panzani se croit donc autorisé à conclure que l'enfant a vu une Simca 1100. Cela pose deux problèmes :
Premièrement, il ne nous dit pas que l'enfant a dit : "C'était une Simca comme celle-là ! Une 1100 !" L'enfant a (ou aurait) seulement cherché à lui montrer qu'il savait ce qu'était une Simca, et en effet, c'est bien une Simca qu'il désigne, et c'est une Simca (de type Chrysler) qu'il désignera aux policiers sur photo le lendemain... Seulement, il désignera aussi une Ford Capri le 6 juin, malgré la présence de plusieurs Simca dans la cour ; étrange pour le moins, s'il a bien remarqué la marque.
Deuxièmement, et c'est ça le plus important, Panzani est le seul à relater la désignation d'une Simca 1100 par l'enfant. Tous les autres journalistes se sont contentés de la réponse faite à Arduin ("Simca" tout court). C'est tout de même extraordinaire. Cette désignation se serait-elle faite en dehors de la présence d'Arduin et des autres journalistes ? Panzani serait-il arrivé en retard, et aurait-il recommencé l'interview du petit qui traînait tout seul devant l'immeuble ? Peu probable, puisque Panzani dit "on lui a surtout demandé..." et "il nous a répondu...", donc il était présent en même temps que les autres journalistes. Je crois donc qu'il a profité d'un moment où les autres journalistes s'étaient un peu éloignés (pour prendre des notes ou pour toute autre raison), pour poser sa question à part, sans que les autres l'entendent, et que c'est à lui seul que l'enfant a désigné une Simca 1100. Il n'a pas jugé bon de partager ce détail avec ses collègues, et surtout est allé droit à la conclusion que le ravisseur possédait une Simca 1100 lui aussi, ce qui n'est pas si clair que ça dans ce qu'il raconte.
En ce qui me concerne, j'en conclus que Jean Rambla n'a pas eu toute latitude pour donner la marque de la voiture aux journalistes (question fermée), ni pour désigner le modèle à Panzani (qui lui demande seulement s'il connait les Simca).
Je crois surtout que ces mêmes questions avaient déjà été posées à Jean Rambla par les policiers plus tôt ce jour-là à l'Évêché, sans qu'on ait pu obtenir de lui plus de précisions que "une voiture grise". Je ne crois pas qu'un attroupement de journalistes permette d'obtenir de meilleurs résultats.