Je dois dire en préliminaire que j'ai été subjugué par le travail de Michel 62 sur le pantalon et la démonstration qu'il fait de la position des taches par rapport au fait que cela s'explique à l'instant où Christian Ranucci s'assoit sur sa mobylette avec du sang sur le visage.
La démonstration est particulièrement éclairante à ce propos.
Citation :
Selon vous, le pantalon a été déposé dans le coffre de la voiture de C Ranucci quelques jours après les aveux. Il y a tout de même un gros hic à la lecture de l'audition chez la juge le 6/06/74 :
"Sans pouvoir être formel, je pense donc que, si une tache de sang a été découverte sur le pantalon trouvé dans ma voiture par les policiers, je pense qu'il s'agit de sang provenant de la fillette. Avant que l'enfant ne soit égorgée, mon pantalon était propre, il n'y avait aucune tache."
Cet élément ne figure pas dans les aveux faits aux policiers quelques heures auparavant. On peut donc penser que C Ranucci est parfaitement au courant qu'un pantalon a été découvert dans le coffre de sa voiture. Il le sait depuis la fouille effectuée le 5 juin et qui a fait l'objet du PV de 22h30. La ligne rajoutée concernant le pantalon l'a sûrement été quelques heures après, ce qui fait que la juge, lors de l'audition du 6 juin, avait sûrement ce PV du 5 juin de 22h30 avec la ligne concernant le pantalon.
Pour ce faire la juge reprend simplement l'audition précédente à celle des aveux et elle se contente de développer ces auditions et de les mettre à sa sauce en profitant du fait que Christian Ranucci n'a pas dormi depuis plus de 24 heures et qu'il n'est donc pas en état de faire des réponses censées à qui que ce soit. Il n'aurait pas eu des avocats en peau de lapin, ceux-ci auraient au moins demandé l'annulation de cette pièce.
Je ne nie pas que Ranucci soit au courant de ce qu'on affirme qu'un pantalon a été trouvé dans le coffre de sa voiture, mais ce que je pense c'est que ce pantalon, ils ne l'ont pas entre les mains. C'est un suspicion qui se fonde sur le fait que s'ils l'avaient entre les mains, il serait très simple de le présenter à Ranucci : je vous montre le pantalon et je vous fais remarquer qu'il s'agit bien de traces de sang.
C'est tout de même curieux. Pourquoi la juge ne le lui présente pas ?
Citation :
Elément important : C Ranucci n'a jamais contesté cet élément ni même dans son Récapitulatif : "...Il y avait que le pantalon taché que l'on retrouva dans mon coffre de voiture 3 jours plus tard (était taché de sang, du mien, à cause de l'accident)"
Il y a une chose terrible qui le perd, c'est qu'il n'a aucune mémoire. Gilles Perrault le trouve super-organisé, mais en fait ce n'est pas cela, c'est qu'il tente de pallier en mettant des notes partout sur tout, le fait qu'il oublie tout ce qu'il fait. Quand il dit cela c'est qu'il ne se souvient plus de l'accident de mobylette en avril. Il suffirait qu'il en parle à ses avocats et soudain les choses s'éclaireraient mais il a oublié, sa mère s'en souvient, mais on ne l'interroge pas et on n'enquête pas. Il est frappant que pour l'affaire Spineck, il ne se rappelle même pas qu'il était en Allemagne au service militaire. Or il en revient depuis un mois tout au plus. C'est une caractéristique très curieuse.
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je fais une parenthèse de mon expérience de président du comité de soutien à M. Deperrois. Dans l'affaire Deperrois, surgissent ce qu'il faut bien appeler des faux témoins et il y a des éléments pour dire qu'ils ont été subornés par les gendarmes - les Aubert de l'affaire de la josacine en quelque sorte - ce sont des voisins qui soudain un mois et demi après les faits, viennent dire que M. Deperrois est venu un samedi après-midi, le 29 mai 1994, jour de la fête des mères, tourner autour de la maison avec des gants précisent-ils. L'avocat vient voir M. Deperrois et lui lit le PV - M. Deperrois est déjà en prison. Et l'avocat lui dit : vous vous souvenez de ce que vous faisiez le 29 mai ? Du fond de sa prison M. Deperrois était absolument incapable de se rappeler qu'il vendait des tickets d'entrée à la Kermesse de l'école au moment où les témoins le voyaient chez les Tocqueville - mais absolument incapable. Il est une donnée fondamentale à connaître : les gens en prison perdent tous leurs repères. Le seul qu'ils gardent, c'est le jour où ils sont rentrés et ensuite le temps s'arrête et c'est comme si vous aviez affaire avec un drogué à l'opium. Et encore l'opium ce n'est rien à côté des effets de la prison sur les capacités mémo-techniques du prisonnier.)
Les policiers s'en rendent compte très vite de cette amnésie permanente, donc ils s'en servent. Et à leur place on ferait pareil. Visiblement il est absolument incapable de se souvenir quel pantalon il portait.
Donc on lui dit - dans le brouillard de la garde-à-vue : on a saisi un pantalon dans votre coffre. Il ne s'en souvient pas, au milieu des objets, il ne sait déjà plus.
Cependant, il demeure ce fait très très curieux : on ne lui montrera jamais ce pantalon dans les premiers temps de l'enquête. On lui en parle certes, mais on ne le montre pas.
Citation :
Je reste convaincu que ce pantalon bleu lui a servi pour tenter de se désembourber dans la galerie. Il l'a enfilé à ce moment là et ensuite a remis son pantalon gris pour aller chercher de l'aide.
Le sang présent sur ce pantalon bleu peut provenir de l'accident de vélomoteur du 6 avril. Sang attesté par sa mère.
Simplement une petite remarque, quand la juge fait écrire par sa greffière : "Avant que l'enfant ne soit égorgée, mon pantalon était propre, il n'y avait aucune tache.", donc cette fois selon vous ce serait faux. Mais alors pourquoi elle écrit cela ? En fait elle se base sur sa propre conviction et sur le fait que Ranucci est incapable après le traitement qu'il vient de subir de protester.
Je dois dire qu'on pourrait effectivement imaginer qu'il ait pris ce pantalon dans le coffre pour faire du travail de désembourbage et sortir sa voiture du tunnel et puis qu'il l'ait remis, mais tout d'un coup je pense que de cela, qui résulte d'une organisation particulière de sa part, pour le coup il s'en souviendrait.
Et en fait entre les deux hypothèses que nous faisons, les conséquences n'en sont pas énormes. Je suis embêté parce que Mme Mathon dit : il était dans le garage. Certes elle ne le dit pas tout de suite, mais surtout, personne ne lui pose la question. Pareil, elle dit : il est sûrement allé voir son père, cela n'intéresse personne, ni les avocats en peau de lapin, ni les enquêteurs.
Je dois dire que je reste tout de même interloqué du fait qu'on rende la voiture à Mme Mathon avec un empressement particulièrement improbable et qu'on donne les clés à un journaliste. Les investigations ne sont pas terminées, il y a des résultats qui vont parvenir après ce rendu. On ne fait jamais cela, surtout dans une affaire de cette importance. On la garde précieusement la voiture et en plus, 15 jours après viendra la reconstitution. Et il faudra bien l'avoir sous la main.
Donc nous sommes face à une véritable absurdité. Quelque chose d'absolument incompréhensible.
On ne lui montre pas le pantalon, ni le 6, ni le 7. On lui montre le couteau à cran d'arrêt le 7, c'est sûr, dans le bureau du juge. Mais pas le pantalon. C'est bizarre, c'est tellement flagrant de le mettre nez à nez avec le sang, surtout que la veille il a dit donc : "avant de tuer la fillette, le pantalon était propre."
Deuxième chose incompréhensible, absurde, inhabituelle, bizarroïde.
Et ensuite s'ajoute à cela la comédie de la reprise de la voiture : Mme Mathon dit : quand on est arrivé dans le garage, la voiture n'était déjà plus là. C'est sûr, elle peut mentir, mais les PV aussi sont des faux.
Cela fait beaucoup de bizarreries, d'erreurs en tout genre. On se dit : que de bricolage, d'incompétence, d'impéritie là dedans. L'équipe de policiers de Marseille en 1974, ce sont vraiment des bras cassés.
A moins de supposer que ces gens là ont monté tout ce cirque, parce que le pantalon, ils ne l'avaient pas et qu'il fallait aller le chercher en douce. Alors là, on comprend mieux pourquoi on rend la voiture à Mme Mathon, pourquoi on vient la récupérer quand elle n'est pas là et pourquoi les PV se mélangent la queue.
Et dans ce cas on peut supposer que le pantalon n'a jamais quitté le garage.