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Message non luPosté :17 févr. 2004, 15:00 
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Mais même, on ne peut pas dire cela, il ne "part" pas de l'innocence de Christian Ranucci, ni y conduit d'ailleurs. Il reprend un à un les éléments de l'enquête et il démontre que certaines investigations n'ont pas été faites, que certaines démonstrations ne collent pas bien parce qu'elles se heurtent aux constatations.

Il fait remarquer que le comportement de Christian Ranucci n'est pas du tout en phase avec celui d'un homme qui vient d'assassiner une enfant de 14 coups de couteau, qui attend tranquillement chez lui l'arrivée des gendarmes etc...

Il évoque vers les trois quarts du livre la supposition de l'innocence de Ranucci, mais il ne va pas plus loin. Il ne tranche pas.

Je ne comprends pas bien votre attitude de dire qu'il faut que vous partiez, comme si le fait pour moi d'exposer des arguments constituait une énorme agression contre vous. J'espère que ce n'est pas le cas, car je ne sais pas où l'on va sinon.

Chacun ses arguments et à chacun de les défendre.


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Message non luPosté :08 avr. 2004, 18:10 
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plusieurs choses m'etonnent tout de même en lisant l'ouvrage de Fratacci:je ne donnerai ici que qq exemples...

Pour commencer, il reconnait lui même que le témoignage ne peut être réellement probant que s'il est immédiat, c'est à dire à chaud.
Or, le premier témoignage ( à chaud, si on peut dire, même si ce n'est pas totalement le cas) des epoux Aubert ne parle pas de CR et de la petite MDR...s'ils avaient vraiment vu une fillette , pourquoi ne pas l'avoir signalé tout de suite? je trouve cela étrange...d'autant que Fratacci parle d'"approfondissements de témoignages et non de changements de version"; pourtant entre voir un homme et un paquet et un homme et un enfant, il y a plus qu'une nuance et qu'un approfondissement de version... :!: mais bon....question de point de vue...je ne suis pas originale dans mon développement, je sais que ces points ont déjà été débattus en long en large et en travers dans les espaces consacrés aux Aubert...mais c'est suffisamment surprenant et contradictoire pour que j'eprouve le besoin de le relever. :shock:
en fait , les Aubert n'ont parlé d'un enfant que bien après ( les vrais spécialistes de l'affaire du forum me diront quand... :wink: je ne suis pas une spécialiste de l'affaire et je m'interroge avec mon regard de quasi profane)...

Autre chose me surprend mais sur ce point je parlerais plutôt des conceptions de Fratacci...
j'ai relevé (pages 50 et suivantes) que Fratacci semble considérer que la garde à vue se déroule toujours merveilleusement bien....je crois sincèrement rêver en le lisant...j'ai le sentiment que jamais un policier n'arrache des aveux par la force, les policiers sont toujours des saints...je grossis volontairement le trait, bien evidemment, mais Fratacci lui même ne laisse aucune place pour la possibilité que les dérapages puissent exister dans les faits...j'ai trouvé cela fort surprenant.le côté flic idéaliste à toute épreuve sans dérapages m'etonne...je ne veux pas dire que la garde à vue de CR se soit déroulée dans un climat musclé, je m'étonne simplement des justifications un peu trop appuyées de Fratacci...mais bon...

enfin, Fratacci reproche à SPINELLI de ne pas avoir relevé le numéro d'immatriculation de la voiture qu'il a vu le jour de l'enlèvement de MDR. je trouve son argument un peu léger...( page 21)
pour quelle raison l'aurait il fait? aucune raison particulière ne l'intimait au moment où il a aperçu la voiture à s'interesser à l'immatriculation de cette voiture...Le conducteur de la voiture semblait a priori normal,et Spinelli ne savait même pas alors qu'un enfant avait été enlevé...je trouve Fratacci de mauvaise foi sur ce point...mais encore une fois, question de point de vue personnel :wink:

qu'en pensez vous, vous qui êtes bien plus calés sur l'affaire que moi :( ?


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Message non luPosté :10 avr. 2004, 12:01 
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bonjour isa
effectivement , la description par fratacci au sujet de l'interrogatoire de ranucci m'a frappé immédiatement et n'en déplaise à quiconque , je ne gobe pas , j'ai cru à un moment qu'il allait dire lui avoir offert un canapé moelleux avec un petit calva et le cigare .Ce que je dis n'est pas méchant mais simplement je m'explique :vous avez devant vous un type dont il y a de fortes présomptions qu'il ait massacré cette petite , dans les policiers il y en a bien un qui est père de famille et même sans ç'a , c'est révoltant et énervant à tout point , moi je dis qu'il lui ont foutu sur la figure , pour rester poli . Mais je n'ai pas de preuve car je crois savoir qu'il faut des preuves de ce qu'on avance .Mais qu'on ne me fasse pas croire ce qu' a dit fratacci , et puis son livre veut être le porte-parole de la grandeur et l'intégrité policière . Je pourrais presque comprendre(et je dis presque) un flic envoyant une torgnole à un type qui vient de faire des s.... à une petite . Mais ranucci était primo présumé je crois et je préfère entendre oui , en effet nous avons par moment perdu notre sang froid.. Bisous isa


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Message non luPosté :11 avr. 2004, 10:13 
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Voici comment décrivait PC Innocenzi, du Provençal, l'un des premiers interrogatoires du suspect dans l'affaire Cartland, qui a précédé celle de Christian Ranucci à Marseille et dont l'échec, pour la sûreté urbaine phocéenne, a selon certains été à l'origine du "zèle" des policiers à boucler rapidement la dernière.

La personnalité de Cartland et surtout sa situation n'est évidemment pas celle de Christian Ranucci, mais la description de cet interrogatoire en dit long sur les "motivations", légitimes peut-être, des enquêteurs à obtenir des aveux.
Citation :
-On va reprendre, point par point, les déclarations d'hier, décide le commissaire Gonzalvez. On va faire observer au témoin toutes les incohérences, toutes les invraisemblances de son récit.

- D'accord! Mais il sera difficile, objecte le commissaire Krikorian, d'opérer en présence des consuls.

En effet, de quels termes diplomatiques devront user les policiers pour formuler leur opinion à Jeremy devant les représentants de son pays? Un local de police n'est pas une ambassade. On y parle clair et net.

Les diplomates seraient d'ailleurs beaucoup plus gênés que les enquêteurs. Ils risqueraient de se trouver en position fausse, partagés entre le devoir de défendre les intérêts de leur compatriote et celui de ne pas s'immiscer dans la marche des affaires judiciaires d'un pays qui n'est pas le leur. Informé de ces difficultés, le parquet général dAix-en-Provence décide de retirer aux diplomates la faculté qui leur avait été consentie, la veille, d'assister à l'interrogatoire. Avisé, dès son arrivée, de cet décision de la magistrature, le vice-consul acquiesce sans mot dire.

Nous avons eu l'impression, dira plus tard un policier, que le consul a respiré d'aise à l'annonce de cette décision.

Il est cependant décidé que Sir Benham pourra rester durant toute la durée de l'interrogatoire dans un bureau voisin où l'on fera éventuellement appel à lui, en cas de nécessité.

Les enquêteurs se sont libérés d'un lourd handicap. Certains voudraient même aller plus loin.

- Ne pensez-vous pas, chef, que nous pourrions également nous passer des services de Mme Diamantidis, l'interprète ? A Marseille, un collègue parle un anglais parfait. Nous resterions ainsi entre nous.

- Pas question, répond le commissaire Gonzalvez. Gardons-nous-en bien. Mme Diamantidis constitue pour nous une précieuse caution. Elle garantit, par sa présence, le caractère irréprochable de l'audition qui sera prise. Ne commettons aucun impair....

... Les enquêteurs sont à pied d'oeuvre. On a installé une machine à écrire dans le plus grand des bureaux de l'étage. Un imprimé de procès-verbal est déjà engagé sur le chariot. On attend le top et en particulier l'arrivée du contrôleur général qui entend diriger lui-même les débats.

Dans les couloirs, tel un boxeur que ses managers soutiennent dans le coin du ring avant la reprise du round, Jeremy se réconforte auprès de sa soeur et du vice-consul.

Près d'eux, une dizaine de policiers de la section criminelle et des gendarmes attendent....

L'interrogatoire commence à 17 heures. M. Lagugné-Labarthet s'est installé à la place d'honneur, au bout de la grande table. Il présidera les débats. Jeremy Cartland s'est assis en vis-à-vis. Le commissaire Gonzalvez occupe la chaise voisine, près du jeune Anglais, comme pour mieux s'imprégner de son contact. Mme Diamantidis, le commissaire Krikorian, le commandant Cario, l'adjudant Salendre, les inspecteurs Ettori et Gal prennent place à leur tour. C'est un des policiers de la section criminelle, l'inspecteur Georges Roustan, qui officie au clavier de là machine.

Pour la troisième fois, Jeremy répète son histoire. Les policiers écoutent, attentifs. L'interprète n'a pratiquement pas à intervenir.

On prend des notes. On coupe le narrateur pour lui demander des explications complémentaires. Le commissaire Gonzalvez n'arrête pas de poser des questions. jeremy sent confusément que ce policier représente un danger pour lui. Ses questions, amenées de loin sont en effet consécutives, complémentaires et débouchent sur des' impasses où le témoin ne peut plus répondre que par oui ou par non. Presque à chaque fois, Jeremy réussit à éviter ces pièges. Un véritable duel s'est instauré entre le commissaire et lui. En même temps qu'il continue d'exposer le déroulement de son voyage et les circonstances de l'agression, les questions insidieuses se multiplient.

Jeremy se prend à haïr ce policier qui, littéralement penché sur lui, semble l'écraser de toute sa masse. Sourcil gauche dubitativement levé, commissures des lèvres ébauchant un sourire glacé, le commissaire ne lâche pas son interlocuteur des yeux, tandis que son regard est traversé par une série de nuances : éclair de sympathie presque amicale lorsque les premières questions fusent, anodines et banales; lueur noire et froide lorsqu'il pique sa question-piège, telle une banderille; ironie quand la dialectique de son partenaire est prise en défaut.

Ce policier le fait irrésistiblement penser à l'acteur de cinéma américain Jack Palance, spécialiste des rôles de mauvais génies. Jeremy retrouve le même visage triangulaire, les mêmes yeux sombres et cette même attentive immobilité du cobra qu'on sait prêt, à tout instant, à une détente aussi subite que foudroyante.

- Oui, confiera-t-il plus tard à la presse anglaise c'était Jack Palance... En plus affreux encore!

Il est 22 heures. La fumée des cigarettes a épaissi l'atmosphère du bureau. La répétition continuelle des questions et des réponses a mis les gorges en feu. Les chaises sont devenues poisseuses. La chaleur ambiante a jeté comme un manteau de plomb.

Le contrôleur général Lagugné-Labarthet commande une tournée de rafraîchissements. Jeremy, pour sa part, demande un jus d'orange.

C'est la pause. L'Anglais et Jack Palance, côte à côte, tels deux athlètes après l'effort, boivent à petites lampées, comme si rien ne s'était passé. Comme si rien n'avait été dit.

Aucune des onze anomalies constatées par les policiers n'a encore été évoquée. Autant dire qu'on est loin d'être entré dans le vif du sujet. L'interrogatoire reprend. Il va être beaucoup plus serré. Questions et réponses jaillissent et se croisent comme des épées.

- Pourquoi avez-vous choisi de camper à cet endroit ?

- Parce que mon père s'est trouvé subitement fatigué.

- Quelle importance puisque c'est vous qui conduisiez. Il ne vous restait d'ailleurs que quelques dizaines de kilomètres à accomplir pour toucher au but.

-Peut-être, mais c'est comme cela.

-Pourquoi avez-vous dételé votre caravane ? Ce n'était absolument pas nécessaire.

- J'ai pensé que c'était mieux ainsi.

- Comment expliquez-vous les anomalies constatées dans le domaine du verrouillage des portes ?

- Je ne me l'explique pas. Je n'ai d'ailleurs pas à me l'expliquer.

- Et l'anomalie dans l'allumage du plafonnier ?

- Je ne me l'explique pas non plus. Peut-être les rôdeurs ont-ils manipulé quelque chose.

- Que pensez-vous de cette dissémination systématique des armes et objets après le crime ?

- Je n'en pense rien. Les voleurs, eux, savent pourquoi.

- Et la dissimulation volontaire de la hache ?

- Je ne me l'explique pas non plus.

La hache vient de surgir. Comme par enchantement. Elle est maintenant sur la table, ostensiblement posée devant Jeremy Cartland. Il reste imperturbable, les traits immobiles comme ceux d'un professionnel de poker.

On lui tend l'arme. Il s'en saisit. Son masque de pie ne bouge pas d'une ligne. Jeremy est maintenant blanc craie. Un déclic, quelque chose s'est produit. Le chef la Criminelle a flairé cet « événement intérieur ». Il pose sur le poignet du jeune homme une main amicale, presque fraternelle.

Jeremy n'en croit pas ses yeux. Aurait-il mal jugé le policier ?

- Cent vingt, annonce alors le commissaire d'une voix doucereuse.

Un petit sifflement de surprise et d'admiration monte quelque part dans l'assistance. « Le malin vient de prendre le pouls » se dit l'inspecteur Ettori. « Quel salaud », fulmine intérieurement Jeremy.

Il se sent subitement tout nu. Une vague de panique le submerge. Une sueur glacée perle sur son front. Sa gorge se serre. Sa pomme dAdam monte et descend comme un ascenseur fou dans sa cage. Les muscles de sa mâchoire se crispent. Ses mains sont moites. Tout le monde se tait. A la machine, le policier-dactylo est resté figé, mains immobiles au-dessus du clavier. Le silence est compact.

On n'entend plus, ouaté par la distance et par le filtrage des vitres, que le bourdonnement confus de l'essaim des journalistes toujours installés devant les grilles. De la pièce voisine, les tonalités métalliques et nasillardes du P.C. Radio, lointaines et incongrues, semblent venir d'une autre planète.

Les policiers sentent, comme dans leur propre chair, le malaise de l'homme. Le contrôleur général fixe le jeune Anglais, le regard bleu et froid comme une lame. L'inspecteur « Blouson » s'est avancé, dogue grondant et agressif. Gendarmes et policiers s'approchent. Le cercle se referme bientôt sur Jeremy.

Dans son coin, Jack PaIance contemple cette scène d'un air amusé.

- Ne vous troublez pas, monsieur Cartland, ronronne-t-il d'une voix suave et crispante à la fois, ne vous troublez pas. Reprenez vos esprits et dites-nous toute la vérité.

- Il était fou de haine et de peur, me confia plus tard un inspecteur. On sentait son être vaciller et craquer comme une méchante coquille de noix. J'ai cru qu'il allait sombrer.

Assis à sa table, épaules basses, tête baissée, regard fuyant, Jeremy perd manifestement pied. Il balbutie:

- Je ne sais pas. Je ne sais plus.

- Il faut faire un interrogatoire comme on fait l'amour, m'a expliqué un jour un policier. On sent monter l'aveu comme on sent venir l'orgasme.

- Voyons, calmez-vous monsieur Cartland. Dites ce que vous savez...

Les secondes du silence qui suit semblent aussi longues que des minutes...

- Je voudrais revenir sur une interprétation plus exacte d'un mot employé tout à l'heure par le témoin.

L'interprète vient d'intervenir. Faute d'expérience policière, elle n'a réalisé ni l'émoi du jeune Anglais ni l'enjeu de la partie.

Le piège s'est desserré. Jeremy s'est ressaisi. D'une main qui ne tremble plus, il prend son verre, le porte à ses lèvres et en finit le contenu. D'autres questions lui sont posées. Mais il ne bronche plus.

- Je ne sais rien. J'étais évanoui. Je ne sais ce qui a pu se passer. Un point c'est tout.

Il est 23 h 45. Les policiers décident de reporter au lendemain la suite de l'interrogatoire. Mettre Jeremy en garde à vue ? Ils n'y pensent pas un seul instant. A quoi bon ? Il faut ménager le temps aussi mesuré que précieux de cette garde à vue qu'il convient, pour l'instant, de garder en réserve. Un peu comme une botte secrète.

- On en reparlera après les résultats des premières analvses, dit le contrôleur général Lagugné-Labarthet. Il sera toujours temps de prendre une mesure contraignante plus précise.

Jeremy peut donc repartir. Il est libre. Pour le moment du moins...

_________________
Amicalement

Philippe


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Message non luPosté :23 oct. 2004, 03:07 
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Il existe une contradiction révélatrice dans le livre de Matthieu fratacci, ainsi l'on peut mettre côte à côte ces deux paragraphes pour mieux en percevoir le sel.

Celui du début lorsqu'il apprend l'exécution et en conçoit une nausée terrible qui ne laisse pas d'interroger sur sa propreconviction : "Je parcourus la chambre d'un air absent. Les fauteuils, les tableaux, le lit à baldaquin, tout me parut soudain dérisoire.
On avait tranché le cou d'un homme, à l'aube, dans la cour de sa prison. Cet homme, je le connaissais. Je l'avais interrogé pendant des heures. J'avais vécu avec lui des moments difficiles et pénibles au cours desquels se jouait son destin. Je le revoyais comme s'il était présent. Son souvenir emplissait la pièce. L'air était irrespirable.
"


Et ceci, plus loin : "A 1 h du matin, comme ils n'ont pas avancé dans l'enquête, les policiers décident de placer le suspect en garde à vue. A l'époque, la garde à vue était de vingt-quatre heures. Elle pouvait se prolonger de nouveau pendant vingt-quatre heures, après visite médicale obligatoire, et impérativement sur décision du procureur de la République. Dans le cas de Christian Ranucci, la garde à vue n'a pas excédé vingt-quatre heures.
Il bénéficiait de temps de repos durant lesquels personne ne l'interrogeait. Cette interruption s'étendait d'un quart d'heure à une demi-heure. Il pouvait aller aux W.C., se rafraîchir, se détendre. Ces pauses intervenaient toutes les deux heures environ. Dans la pratique, ces intervalles varient selon les affaires.
Pour sa sécurité, nous avions décidé de le loger dans une geôle individuelle et non collective. Nous voulions éviter que les autres détenus lui fassent du mal. Il était soupçonné d'avoir tué une petite fille. Les gens du Milieu n'aiment pas ça. Ils appellent avec mépris ce délit « le crime de la pointe ». Dans leur éthique de truands, ça ne pardonne pas.

Je travaille avec mon coéquipier Pierre Grivel, Daniel Pellegrin et le responsable d'enquête Jules Porte. Celui-ci est un vétéran de la police. Il a été abusivement dépeint comme « un colosse » capable de briser les plus durs, d'arracher des aveux aux plus récalcitrants. On a brossé de lui un portrait repoussant. En fait, il mesure 1 m 68, ce qui n'est pas la taille d'un colosse et il n'a rien d'une brute épaisse et, au contraire, il possède des qualités humaines peu communes.
Une deuxième équipe de la brigade criminelle, composée de Cannonge, Agdaian, Gonneau, Venys, Gomez et Baudouin, soutient la première. Nous nous relayons. Le commissaire principal Gérard Alessandra supervise les opérations.
Avant d'aller plus loin dans ma relation, je voudrais décrire dans quelle disposition d'esprit j'aborde cette affaire.
Un policier est un homme, pas une simple mécanique formée pour arracher des aveux. Le temps odieux de l'Inquisition est heureusement révolu et les interrogatoires musclés ne sont pas de mon goût. Je les laisse aux séries télévisées. Moi, je veux impérativement savoir la vérité, bien sûr. C'est inscrit dans ma nature. Je le dois par métier. Je ne me départis cependant pas de mon calme. Je sais que c'est dans le calme et la sérénité que nous parviendrons à faire avouer Ranucci s'il est coupable. C'est en avouant qu'il fournira les preuves matérielles qui corroboreront ses paroles.
"


Que doit-on penser ? Que cet interrogatoire qui met en jeu une bonne dizaine de policiers "qui se relaient" a "été pénible et difficile" selon les propres termes de Matthieu Fratacci, oubien alors qu'il s'agissait d'un camp de vacances où l'on pouvait "se détendre", "se rafraichir" ?

C'est l'un ou l'autre... C'est difficilement les deux.

Cela a-t-il "duré des heures" ou bien s'agissait-il de "périodes de moins de deux heures" entrecoupées de pauses durant lesquelles Ranucci n'était "pas interrogé" ? C'est l'un ou l'autre. C'est difficilement les deux à la fois.

Matthieu Fratacci veut bien reconnaître que le destin de Christian Ranucci s'est joué cette nuit là. C'est bien cette nuit là qu'il joue sa tête.

La policiers détestent que l'on puisse songer un instant à l'inquisition, mais, comme veut bien le dire Matthieu Fratacci : ils veulent savoir "impérativement" la vérité...

Un impérativement qui laisse en fait fort peu de place à la "détente", aux "raffraichissements" sinon ceux de la mémoire...

L'insistance finit par perdre celui qui en use. Pourquoi se défendre à tout prix d'une accusation si incohérente ? Pourquoi se défendre avec autant de soin d'avoir pratiqué un "interrogatoire musclé" ?

C'est pourtant bien de cela qu'il s'agit, d'une chose "pénible", "difficile" et qui a décidé d'un destin...


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Message non luPosté :24 oct. 2004, 00:02 
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Il y a beaucoup de choses révélatrices dans le livre de Mathieu Fratacci, celle-là par exemple comme il est fait état dans la partie du site consacrée au pantalon :

"Le sept juin, Mme Héloïse Mathon reconnaîtra les objets présentés comme appartenant à son fils. Elle signera une décharge pour ceux qui lui seront restitués.
Les policiers procèdent à la saisie de la 304 Peugeot et l'amènent à Marseille pour les nécessités de l'enquête. Mme Mathon en prend acte. Elle signale qu'elle est la légitime propriétaire de cette voiture - c'est elle qui paie les traites au profit de son fils. Elle se réserve le droit d'en solliciter ultérieurement la restitution.
Selon nos détracteurs, la voiture aurait été saisie par effraction, d'une manière illégale et les déclarations de Mme Mathon seraient le fruit de pures inventions. Toujours la même volonté de propager des suppositions lourdes de soupçons mais dépourvues de réels fondements. Les inspecteurs étaient dûment mandatés. Il s'agissait, au demeurant d'une opération banale relative à une affaire simple quoique dramatique.
"


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Message non luPosté :24 oct. 2004, 00:05 
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On aurait aimé que la seconde saisie de la voiture fut simple... Mais ce n'est pas vraiment le cas.


Il ne manque pas grand chose à ce texte, juste deux petites choses qui lui donneraient tout de même plus de clarté. Il manque une date, et une précision :

Le sept juin, Mme Héloïse Mathon reconnaîtra les objets présentés comme appartenant à son fils. Elle signera une décharge pour ceux qui lui seront restitués.
Le 5 juin au soir, puis le dimanche 9 juin, Les policiers procèdent par deux fois à la saisie de la 304 Peugeot et l'amènent à Marseille pour les nécessités de l'enquête.


Ah voilà tout d'un coup que le texte colle mieux à la réalité, et que la simplicité de la saisie n'est plus aussi simple... Eh oui...


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Message non luPosté :24 oct. 2004, 00:16 
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Il manque aussi une petit chose à ce texte, ce qui lui donne par ailleurs tout son intérêt :

"Le sept juin, Mme Héloïse Mathon reconnaîtra les objets présentés comme appartenant à son fils. Elle signera une décharge pour ceux qui lui seront restitués."

Est-on certain que Mme Mathon a reconnu alors les objets présentés comme appartenant à son fils ? Il semble qu'il en manque un et qu'il se soit produit là une petite défaillance de mémoire qu'il conviendrait de corriger...

L'inspecteur Jules Porte ne lui a-t-il pas présenté un pull-over rouge en le brandissant à 10cm de son visage ? Qu'elle a refusé de le prendre en répondant qu'il n'appartenait certainement pas à son fils justement ?

C'est curieux, il est beaucoup question du livre de Gilles Perrault dans celui de Mathieu Fratacci, et au moment clé, celui où il faudrait parler justement de cette curieuse pièce à conviction, elle n'apparaît pas...


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Message non luPosté :24 oct. 2004, 00:23 
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"Selon nos détracteurs, la voiture aurait été saisie par effraction, d'une manière illégale et les déclarations de Mme Mathon seraient le fruit de pures inventions. Toujours la même volonté de propager des suppositions lourdes de soupçons mais dépourvues de réels fondements. Les inspecteurs étaient dûment mandatés. Il s'agissait, au demeurant d'une opération banale relative à une affaire simple quoique dramatique."


Que les inspecteurs de Marseille ou de Nice aient été dûment mandatés, on n'en doutera pas une seule seconde.

Le problème c'est que ce ne sont pas les détracteurs qui supposent, ce sont les PV qui se contredisent. Et là, ce n'est pas une volonté de propager une idéologie ou quoi ou qu'est-ce, c'est un constat que quelque chose ne colle pas du tout.

L'opération était peut-être banale. Mais la réalité induite par les PV, c'est que l'inspecteur de Marseille est allé cherché au commissariat de Nice une voiture qui ne s'y trouvait pas encore.
Ou bien que les inspecteurs de Nice ont amené du garage de la corniche fleurie au commissariat de Nice une voiture qui ne s'y trouvait plus depuis la veille.

Alors on se dit tout de même ya comme un problème. Et la chose pour banale qu'elle soit devient pour le même assez rocambolesque et nécessite de mettre en place au moins deux mondes parallèles...


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Message non luPosté :24 oct. 2004, 00:28 
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La réalité sans doute, c'est que l'inspecteur de Marseille est bien venu le neuf non pas au commissariat de Nice mais directement au garage de Christian Ranucci et qu'il y avait là encore le pantalon qui traînait sur la mobylette, ce qui en fait l'intéressait pour faire correspondre avec les aveux.

Et que le lendemain les inspecteurs ont conduit Mme Mathon dans leur voiture au commissariat central de Nice pour signer un Pv qui relate des choses imaginaires : qu'on aurait saisi le coupé Peugeot en sa présence et qu'on l'aurait amené au commissariat de Nice en attendant la prise en charge par la sûreté de Marseille.

On peut toujours essayer de faire semblant, mais à un moment donné, il faut parfois parler clairement.

La chose la plus triste, c'est que Christian ranucci ne s'est jamais rendu compte de la manoeuvre. Il a cherché en vain de quoi il s'agissait.


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Message non luPosté :24 oct. 2004, 00:39 
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Pour la suite, voilà ce qui est dit : "Admettons un instant, pour les besoins de la démonstration, que les choses se soient déroulées ainsi. Outre le fait qu'on se demande bien pourquoi on aurait procédé à une saisie illégale alors qu'on avait toutes les autorisations nécessaires, on s'interroge sur l'absence de plainte contre ces agissements au cours du procès ? Si personne n'en a pris l'initiative, c'est probablement parce que cette plainte eût été sans objet. Les avocats n'eussent pas laissé passer l'occasion de placer ce grain de sable pour faire gripper la mécanique judiciaire au bénéfice de leur client."

Les avocats, face à de telles choses sont assez impuissants, parce qu'il s'agit d'attaquer la puissance publique et la rigueur d'une enquête. C'est une chose qu'il faut savoir, il est très rare qu'un avocat attaque les enquêteurs ou les juges pour les défaillances de leurs pratiques parvenues à ce point, ou alors il faut des arguments solides qu'ils ne possédaient pas, puisqu'ils ne connaissaient pas les raisons de ce mic mac. Ils sont sûrs de perdre.

Mais la plainte n'était pas sans objet, il s'agit d'un faux en écriture publique puni par la loi de façon assez sévère si mes souvenirs sont bons.
Là c'est prescrit donc, c'est plutôt cool.

Pourquoi on a procédé à une saisie illégale (tiens tiens, c'est lui qui nous invite à le supposer...) ? Voir la réponse plus haut : on avait dit sur les PV de garde-à-vue que le pantalon avait été saisi dans la voiture, on avait rajouté après coup la mention sur le PV de saisie du coffre de la voiture, alors il fallait le récupérer.

CQFD


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Message non luPosté :26 oct. 2004, 23:24 
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Autre petite chose amusante qui se trouve dans le livre de Mathieu Frataci : l'explication qu concerne le couteau.

"Les gendarmes, de leur côté, lorsqu'ils découvriront le couteau de Christian Ranucci, le 6 juin 1974, prendront comme toujours le numéro de procès-verbal du « démarrage » de l'affaire, diligentée par eux tout au début, avant que Mlle Di Marino les ait dessaisis, soit le numéro 610. Leurs numéros sont différents de ceux de la police, ce qui est normal, car il s'agit de deux services totalement différents mais cependant soumis à la même autorité, le juge d'instruction.
Au sujet du couteau, on veut faire croire qu'il y a eu manipulation quant à sa découverte, sous prétexte que ses caractéristiques figurent sur l'en-tête du procès-verbal dont la rédaction a commencé le 6 juin 1974 à 17 h 30, alors qu'à cet instant même, l'arme du crime n'avait pas encore été découverte:
"


Il faut dire que c'est assez curieux, et l'on s'étonne de l'étonnement de Mathieu Fratacci. Normalement un PV porte la date et l'heure de sa rédaction, c'est bien le moins !

Fait à.... telle date, telle heure suivi d'une signature.

Et en début de PV, nous.... commandant ceci ou cela.... en tel lieu le tel jour de tel mois de telle année à telle heure disons que...

Donc là, il faut penser que la date et l'heure qui est indiquée au début ne concerne qu'une partie du PV, mais pas l'autre, alors qu'elle est sur la même feuille.
Et que la deuxième partie n'est pas datée.

Ya comme un blème !


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Message non luPosté :26 oct. 2004, 23:34 
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"L'inspecteur divisionnaire Porte n'a en réalité effectué aucune saisie. Ce procès-verbal n'est qu'un document qui rassemble les diverses saisies effectuées par le commissaire Alessandra et, d'autre part, par les gendarmes."

Oui effectivement, et d'ailleurs lorsque l'on regarde bien, on se dit qu'il n'avait pas devant les yeux les objets dont il retranscrit la description.

C'est plus qu'un document, d'abord parce qu'il est coté, donc cela veut dire qu'il est entré dans la procédure. Le greffier lui a attribué la cote D 31. C'est un procès-verbal, donc il a valeur officielle.

Et il établit deux listes :

1/ la fouille de la voiture,

et 2/ ce que les gendarmes ont retrouvé sur les lieux le 5 :

n°1 un pull-over,
n°2 une chaussure d'enfant,
n°3 une pierre,
n°4 une branche de pin,
n°5 une pierre à nouveau,
n°6 et 7 deux moulages de roue et ...
n°8 un couteau à cran d'arrêt de marque Virginia Inox...

Ben donc c'est qu'ils ont retrouvé le couteau le 5.


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Message non luPosté :26 oct. 2004, 23:40 
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"Le 6 juin 1974 à 17 h 30, il a détaillé dans le procès-verbal n° 828/SCN/cote 17, les premiers objets qui avaient été saisis par le commissaire Alessandra. Puis, le lendemain, il a mentionné sur le même procès-verbal : « De même suite, disons que nous déposerons au greffe du tribunal de grande instance de Marseille tel ou tel objet à nous remis par les gendarmes. »"


Le problème qui fait la fragilité de l'explication, c'est que : "de même suite", cela veut dire "au même moment"... à la suite...

Pour preuve cette formule qui se trouve sur le site, lorsque l'inspecteur Canonge interroge Mme Mathon le 7, avant de lui restituer la voiture :

"De même suite, procédons à la restitution du véhicule de marque Peugeot "304" immatriculé 1369SG06 à Mme Mathon Héloïse. Elle en reprend possession et nous donne acte en signant avec nous le présent procès-verbal ..."

Autrement dit : "de même suite" signifie : "dans la foulée", pas "le lendemain".

C'est cela le problème, nulle part il n'est fait mention d'une autre date, nulle part il n'est indiqué que la "suite" n'en serait pas une. Mieux encore, les deux listes ont été rédigée à la suite l'une de l'autre, sans enlever le papier de la machine. Mieux encore, la mention qui prècéde la signature : "l'inspecteur divisionnaire" a été rajoutée après la rédaction des deux listes, comme si l'on avait voulu séparer artificiellement les deux.

Il faut donc prendre l'expression : "de même suite" pour ce qu'elle veut dire : le même jour à la même heure...


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Message non luPosté :26 oct. 2004, 23:50 
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Et ce d'autant plus que la liste est suivie de cette indication :

"sous procès verbal n°610, de la brigade de Gendarmerie de Gréasque, du 5 juin 1974", ce qui signifie que l'ensemble des pièces saisies est rapportée à ce procès-verbal, qui date effectivement du 5 juin.

Car il faut remarquer que cette indication n'est pas mise à la suite du couteau mais qu'on a veillé à passer à la ligne et à démarrer en retrait par rapport à la gauche pour bien indiquer qu'elle se rapprote à la liste et non pas au couteau.

On essaie de dire que ce PV, c'est l'ouverture de l'enquête, mais est-ce si sûr ?

Il est vrai que la liste des objets placés sous scellés et provenant de la voiture ne fait pas référence au PV de saisie. Mais cela ne change rien au problème de la deuxième mention.


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