Quand on oublie le Ranucci du procès ("Négatif !" à propos du couteau, et les accusations de torture), on a parfois des paroles qui semblent sincères :
"Si j'ai reconnu les faits, c'est parce que j'y étais forcé. En effet, à Marseille où on m'a transporté, on m'a dit qu'il y avait des témoins et des charges matérielles contre moi. Forcé par la logique, et ne me souvenant de rien, j'ai tout reconnu."
Et si c'était vrai ? Et s'il avait vraiment presque tout oublié ?
Avant d'exposer ma théorie, je voudrais tout d'abord rappeler deux hypothèses que j'avais avancées pour expliquer pourquoi, selon moi, la théorie de Gihel me semblait remplacer une scène qu'il juge absurde par une scène encore plus absurde, et qui n'est là, comme le disait Antoroma, que pour tout faire coïncider tout en excluant toute implication de Ranucci.
Premièrement, je disais à Carmencita l'autre jour :
"Pas une seule théorie innocentiste ne tient la route à mes yeux. Par exemple, dans celle qu'Antoroma jugeait la plus aboutie, celle de Gihel, je ne comprends pas une seconde pourquoi homme au pull over-rouge tue la fillette. Une fois qu'elle a rejoint la route et qu'elle s'approche d'une voiture, même si homme au pull over-rouge ne voit personne dans la voiture, il peut y avoir un homme non loin, donc la seule chose qu'il a à faire, c'est de revenir sur ses pas, de remonter dans sa voiture et partir. La fillette l'a vu ? Et alors ? D'autres enfants l'ont vu, de toute façon, et il a chaque fois préféré fuir. Là, il peut s'en aller discrètement. Pourquoi fait-il tout pour se faire surprendre ? Essayer de faire porter le chapeau à Ranucci est inutile, car le mieux, c'est de ne pas tuer la petite pour commencer. De plus, laisser des indices (le pull [et le couteau]) qui pourraient très bien être utilisés pour innocenter Ranucci et remonter jusqu'à lui, c'est profondément débile."
Malgré cela, j'avais bien voulu supposer qu'homme au pull over-rouge rattrapait et tuait la fillette (ayant éventuellement été vu avec elle par les Aubert, même si cela n'avait pas d'incidence sur la suite). Il pouvait avoir une bonne raison : par exemple, avant de s'enfuir, elle lui avait volé sa carte grise dans sa boîte à gants, ou tout autre objet qui aurait pu permettre de l'identifier (un courrier posé en face de la place passager, par exemple). Voici donc ce qu'il me semblait que l'assassin aurait fait de plus logique et de plus facile dans les circonstances où il se trouvait :
"En admettant que l'homme ait poursuivi et tué la petite à 22 mètres de la voiture de Ranucci, qu'il a vu endormi, il n'a pas besoin de cacher le corps. Il le laisse où il est, puis il retire les clés du contact de la 304 et part avec. Arrivé dans un village quelconque, il appelle les gendarmes d'une cabine à pièces pour dire qu'il a vu une scène très grave [un homme entraînant de force une fillette dans les bois] en passant en voiture à 700 mètres de La Pomme en direction de Marseille, et qu'il faudrait s'y rendre de toute urgence. Si Ranucci se réveille et qu'il veut partir, il est bien obligé de laisser sa voiture sur place. De toute façon, il n'a rien vu, puisqu'il dormait, donc il ne se doute pas que les gendarmes vont lui tomber sur le dos d'une minute à l'autre, et il cherche sa clé partout. Après, quand les gendarmes arrivent, il aura beau leur dire qu'il cherche sa clé de contact, eux ils penseront surtout qu'il vient de se changer et qu'il a caché ses vêtements tachés quelque part. Après, il va leur dire qu'il s'est endormi, et là ils vont se dire : "Toi, mon vieux, ton compte est bon." Avantage pour l'assassin : il ne reste que deux ou trois minutes sur les lieux, et ne laisse aucune trace de son passage, ni pull, ni couteau. Les gendarmes ne trouveront donc pas l'arme du crime, mais ce sont des choses qui arrivent. Même sans aveux, Ranucci passe un certain temps en prison dans cette situation. Pendant ce temps-là, les policiers passent moins de temps sur d'autres pistes, c'est toujours ça."
J'ai également étudié de très près les différentes affaires impliquant un homme au pull-over rouge dans les jours qui précèdent l'enlèvement de Marie-Dolorès, et je n'y vois pas exactement ce que l'on veut bien nous raconter le plus souvent sans nous laisser juge (comme l'implacable répétition par Gilles Perrault de "une Simca 1100, un pull-over rouge" après son résumé de chaque témoignage). Je reviendrai plus tard sur toute cette affaire, mais je préfère la mettre de côté pour l'instant.
Avec JPasc, nous convenions avant-hier que le pull-over rouge retrouvé sur les lieux avait tout de même de grandes chances de n'avoir aucun rapport avec l'affaire, étant donné que le chien s'arrête tout de même à 37 mètres du corps, et que le trajet de l'assassin cachant ce pull serait assez inexplicable. J'ajouterai que ce pull ne serait qu'un indice inutile pour charger Ranucci, d'autant que celui-ci pourrait avoir un alibi pour les autres affaires, et les policiers pourraient peut-être remonter, grâce à une enquête poussée sur ce pull peu ordinaire, jusqu'à son propriétaire.
Ce que j'aimerais, donc, c'est qu'on sorte un peu des sentiers mille fois battus par d'autres, et qu'on reprenne à zéro, en écartant cette fois, ne serait-ce que dans un premier temps, tout ce qui est comme un boulet au pied des innocentistes cherchant une théorie crédible : à savoir l'homme au pull-over rouge, sa Simca 1100, et son pull laissé dans la champignonnière. Rien de tout ça n'a obligatoirement un lien avec l'affaire. Alors, pourquoi s'obliger à y avoir recours ? De même Spinelli n'étant pas un témoin sûr, il faut l'écarter dans un premier temps. S'obliger à utiliser son témoignage est un piège. Tirer des conclusions hâtivement a justement été l'erreur des policiers. Sans les Aubert et sans Guazzone, ils en seraient encore aujourd'hui à chercher un homme en Simca 1100, et n'auraient peut-être jamais fait le rapprochement avec l'accident de Ranucci si le corps avait été découvert des années plus tard (il aurait été en effet impossible de situer la mort de la petite dans le temps, et un accident à La Pomme le jour de la disparition de Marie-Dolorès n'aurait jamais fait de Ranucci le suspect numéro 1, d'autant qu'il n'y aurait eu probablement ni couteau, ni pantalon).
Que retenir du témoignage des Aubert ? Qu'ils ont vu, au moins, un homme entraîner ce qui ressemblait apparemment à un enfant, une forme en tout cas, dans les fourrés, là où on a retrouvé le corps, ou pas très loin. L'enfant n'a pas obligatoirement parlé. On peut se dire (sans que ça soit obligatoire) que, si les Aubert parlent d'un paquet, au début, c'est qu'ils ne sont pas sûrs d'avoir vu un enfant. Peu à peu, cette certitude leur vient, alors, comme on découvre un corps d'enfant et qu'on leur demande de venir témoigner, ils voient bien que c'était un enfant, et affirment que la petite a parlé calmement pour démontrer qu'ils ne sont pas coupables de non assistance à personne en danger (ils se mettent d'accord sur les détails avant, mais apparemment pas assez bien).
Je crois aussi qu'on peut admettre que la voiture était celle de Ranucci. Le contraire serait étonnant. Ils rapportent le modèle et le numéro, d'après Martinez. Croire à une confusion, c'est ajouter une coïncidence. Il y en a déjà une assez grande : le corps de la fillette est retrouvé plus ou moins à l'endroit indiqué par Aubert aux gendarmes.
On peut situer le meurtre le lendemain si on veut, ou dans la nuit. Si les Aubert n'ont pas vu la fillette, alors le meurtre peut avoir eu lieu plus tard.
Voici donc ma théorie innocentiste :
Juste après un accident à La Pomme, le lundi 3 juin 1974 vers 12h15, Christian Ranucci, ayant pris la fuite, se rend compte que son pneu va exploser, et s'arrête dans un premier temps pas très loin du lieu où on retrouvera le corps de Marie-Dolorès Rambla deux jours plus tard (pas la peine de situer ça près de l'entrée de la champignonnière ; à 100 ou 200 mètres du corps, ça passe encore, et Aubert se persuade à la reconstitution que le lieu du crime est le lieu où il a vu Ranucci, parce que ça lui semble logique). Entendant une voiture arriver, il s'enfuit avec un paquet assez volumineux (un objet précieux qu'il a volé, par exemple), de peur qu'on le voie avec ça sur son siège passager. Aubert voit la scène de loin, et trouve ça très louche (il n'a pas vraiment tort). En se cachant, Ranucci fait tomber le paquet et tombe ; il se retient à des branches d'argeras, se déchirant les mains, et pousse un cri. Aubert, qui se demande s'il n'a pas entendu crier, revient, s'arrête, note le numéro de la 304, constate qu'il n'y a personne dedans, puis interpelle Ranucci. Celui-ci lui dit qu'il arrive, et Aubert repart.
Ranucci, qui est ivre depuis le milieu de la nuit, revient en titubant vers sa voiture, met l'objet dans le coffre et redémarre. Seulement, impossible d'aller très loin, il faut réparer. Il voit un chemin. Sans trop savoir ce qu'il fait, il le suit, et atterrit devant une galerie. Il est lessivé. Il fait trop chaud. Il veut se reposer. Il entre sa voiture en marche arrière dans la galerie pour se mettre à l'ombre, et s'allonge sur la banquette arrière. Il est 12h30 environ. Il s'endort pour cuver son vin.
Un cauchemar le réveille vers 16 heures. Il se demande ce qu'il fout là. Il voit que sa portière est enfoncée. Il ne se souvient pratiquement de rien depuis la veille. Oublié, le chien embouti à 20h30 à Marseille. Presque totalement oubliée, la nuit passée à boire ; il se revoit, comme ça, un verre à la main, matant les fesses d'une serveuse, mais rien de continu, juste des bribes de souvenirs. Oubliées, les voitures siphonnées. Oublié, le vol. Oublié, le mec qui voulait le tabasser et à qui il a donné un ou deux coups de couteau, avant de se rouler par terre avec lui devant un bar ; le gars avait fini par détaler, n'étant pas gravement blessé, mais il avait perdu pas mal de sang. Oubliée, la visite à son père, le matin ; il n'était d'ailleurs resté qu'un instant, car on lui avait dit que son père n'était pas là. Oublié, Aubert qui s'arrête et l'interpelle.
Comme sa portière gauche est enfoncée, il se dit qu'on lui a sûrement refusé la priorité. Il n'était peut-être pas en tort. Ah, non, il se souvient : c'était à un "stop", et il n'avait rien vu venir ; c'est sûrement parce que l'autre roulait trop vite. Allez, il faut partir d'ici pour rentrer à Nice. Seulement, pas de bol, il s'embourbe en accélérant. Il fallait vraiment être bourré pour rentrer dans cette galerie ! Quelle poisse, décidément. Déjà que sa mère va le tuer en rentrant pour l'accident. A quatre pattes dans la terre, il glisse des branches sous ses roues, mais impossible de s'en sortir. Le pantalon bleu est plein de terre, maintenant. Il faut se changer pour demander de l'aide. En retirant son pantalon, il sort son couteau de sa poche, ouvre la lame machinalement, et s'aperçoit qu'elle est tachée de sang. Merde, qu'est-ce qu'il a pu faire avec ce couteau ? Si jamais il demandait de l'aide et qu'on appelait les gendarmes, il vaudrait mieux qu'on ne le trouve pas avec ce couteau interdit. Il l'enfonce dans un tas de fumier. De toute façon, il se disait depuis un certain temps que ce couteau ne lui apporterait que des problèmes, et comptait s'en débarrasser. Il achètera un poing américain.
Il se lave le visage avec la bouteille d'eau minérale qui traîne dans sa voiture, se change, se recoiffe. Il a tout le nécessaire de toilette avec lui, et se fait une tête présentable. Il jette son pantalon plein de terre dans le coffre, sans remarquer les taches de sang, qui ont bien séché depuis la nuit. A cette occasion, il découvre l'objet volé ; il se souvient un peu du vol, maintenant ; il se dit qu'il devra planquer l'objet dans une cave en arrivant à Nice, et le revendre ou s'en débarrasser rapidement. Il part demander de l'aide. Guazzone le sort avec son tracteur. Ranucci défroisse son aile, change sa roue, dit au revoir et quitte les lieux. Au bout du chemin, il voit une barrière rouge et blanche et se dit que c'est là qu'il a dû s'arrêter après l'accident. Quelle histoire, vraiment ! C'est son premier trou noir. Il ne boira plus jamais de sa vie, c'est juré.
En rentrant chez eux, les Aubert apprennent la disparition d'une fillette à Marseille. Ils repensent tout de suite à l'individu louche qu'ils ont brièvement vu s'enfuir dans les bois. Demain, ils appelleront la gendarmerie pour qu'ils fassent des recherches.
La nuit venue, le 3 ou 4 juin, l'homme qui a enlevé Marie-Dolorès, après l'avoir séquestrée et avoir abusé d'elle, sans aller jusqu'au viol tel qu'il est défini à l'époque (voir affaire Van Geloven, première condamnation), quitte Aix avec la fillette en direction de Marseille. Elle est terrifiée, et espère qu'il la ramène vraiment chez elle comme il l'a promis. Seulement, il s'arrête à la sortie d'un virage, sort, ouvre la portière arrière droite (il a mis la sécurité enfant), attrape la petite par les cheveux et la tire vers les bois. Là, il la poignarde au cou et elle s'écroule. Il essaye de la défigurer à coups de pierre, mais il ne voit presque rien dans la nuit (ses phares sont éteints), et ça n'a pas l'air très efficace. Il cache le corps rapidement, sous des branches d'argeras qu'il arrache grâce à ses gants en cuir épais. Il n'a pas remarqué qu'elle a perdu une chaussure à quelques pas de là. Il essuie le sang sur son blouson de cuir avec un grand mouchoir, et retourne à sa voiture, où il finit de s'essuyer avec une grande serviette prévue à cet effet. Il se débarrassera du mouchoir, de la serviette et du couteau plus loin. Il repart. Il n'est pas resté cinq minutes. Il fait demi-tour dans l'épingle à cheveux et reprend la route d'Aix. Ni vu, ni connu.
En rentrant chez lui, il s'aperçoit que les chaussettes de la petite sont restées chez lui.
Ranucci, le mardi et le mercredi, achète le journal, pour voir si on parle du vol ou de l'accident. Une petite fille a disparu à Marseille. Si ça se trouve, il a croisé l'assassin !
Quand les gendarmes viennent l'arrêter, mieux vaut ne pas parler de son taux d'alcoolémie très élevé au moment de l'accident. Il devine bien qu'il est en tort, et que le délit de fuite aggrave son cas. Il se souvient assez peu de ce moment, mais il essaye de fournir une version où il a une toute petite chance de sauver son permis.
Des policiers de Marseille viennent le chercher. Il se dit que ça devient grave cette affaire, et qu'il vaut mieux qu'il fasse attention à ce qu'il dit. On fouille sa voiture, et on trouve son attirail de parfait voyou dans le coffre, ainsi que son pantalon sale. Heureusement qu'il a caché l'objet volé, et s'est débarrassé du couteau à cran d'arrêt ! A 1h30, on lui dit qu'il est en garde à vue pour enlèvement de mineure de moins de quinze ans. Il se dit : "Quoi ?! Mieux vaut dire que je ne suis jamais allé à Marseille, parce qu'il vont me mettre cette histoire sur le dos, sinon. Je vais leur dire que j'ai dormi à Salernes. Je ne me souviens pas de grand-chose, mais par contre, je me rappelle bien que j'étais seul à bord, alors ça, je peux le dire haut et fort. Voilà qu'ils veulent absolument que ce pull-over rouge soit à moi, maintenant. Je ne porterais jamais un truc comme ça. Les taches sur mon pantalon ? C'est de la terre, pas du sang. Ils sont un peu dérangés, ces gars-là."
On laisse Ranucci dormir quelques heures. Puis on lui fait participer à toute une série de tapissages. Les policiers lui disent qu'il a agressé plusieurs enfants à Marseille ces derniers jours, et que son compte est bon. Il se dit : "De pire en pire : je n'étais même pas à Marseille ces derniers jours. Ils sont fous. Ce cauchemar va se terminer, je vais me réveiller."
On lui fait passer un examen devant un médecin, puis on recommence l'interrogatoire. Il a droit à des gifles, maintenant, et à des insultes. "Salaud, de toute façon, tu es cuit, plusieurs témoins t'ont reconnu, tout à l'heure, ils sont formels. Tu vas nous prendre pour des cons pendant combien de temps, avec tes histoires à dormir debout ?" On lui dit qu'un couple l'a poursuivi après l'accident, et l'a vu sortir de sa voiture en tirant un enfant par le bras. Il se dit qu'ils bluffent ; ça n'est pas possible, il était seul. Enfin, il croit qu'il était seul, il n'en est plus très sûr. Alors, quand on lui présente le couple, il voit que ça n'était pas du bluff. La femme se met à lui hurler dessus. Il craque. Il se dit : "Elle a peut-être raison, cette dame. Elle doit avoir raison. Il est vrai que je ne me souviens de rien. Le couteau taché de sang, et si c'était ça ? Et si j'avais tué cette petite ? Cette dame m'a vu avec elle. Je ne me souviens de rien, mais c'est logique, c'est moi, c'est obligatoire. Je suis forcé de reconnaître l'évidence. Qu'ai-je à opposer à des témoins et aux preuves qu'on dit avoir contre moi ? Je ne me souviens de rien."
On lui demande s'il accepte de soulager sa conscience. On lui dit qu'on veut bien croire qu'il n'avait pas de mauvaises intentions, et qu'il n'est pas un salaud, mais il faut maintenant qu'il raconte tout, et après, on le laissera tranquille. Les jurés seront sûrement indulgents avec lui, car il n'a pas de casier, et il ne voulait pas vraiment la tuer, ni lui faire du mal. Il prendra le minimum.
Alors on lui fait reprendre son récit au début. Pour l'enlèvement, il se laisse guider, car il ne connaît pas les lieux. On lui fait refaire son dessin cinq fois, parce que ça n'est jamais assez bien dessiné. Il fait ce qu'il peut, il n'a pas l'habitude. Les rues ne sont pas suffisamment droites, parait-il, les immeubles pas au bon endroit. Aussi, il y avait un muret, il n'a pas pu l'oublier. "Où ça, le muret ? Dans le prolongement de l'immeuble ? Tiens, le voilà le muret. Trop gros ? Un peu de travers ? Désolé, je dessine mal." A force de dessiner les lieux, il finit par comprendre ce que les policiers voulaient dire : la voiture était en position pour rejoindre rapidement le boulevard, qui est parallèle. Il ne se souvient pas de l'enlèvement, mais il trouve tout ça assez logique.
"Alors, je suis monté avant la petite, côté passager, à cause de la portière, qui était coincée. Pas encore ? Ah oui, je confondais, pardon. C'est l'accident qui l'a coincée, c'est vrai. Désolé pour les erreurs sur le PV. J'essaie de me souvenir de tout, mais ça me revient un peu dans le désordre."
"Je me suis forcément arrêté quelque part ? Ah, oui, je crois bien me rappeler m'être arrêté quelque part pour me détendre et fumer une cigarette, alors c'était peut-être ce matin-là, ou la veille. Sûrement ce matin-là ? Oh oui, sûrement. Qu'a fait la petite ? Elle a dû s'asseoir sur le bord de la route. En repartant, elle est montée devant ? Oui, si vous dites que la dame de tout à l'heure l'a vue descendre par là après l'accident, c'est obligatoirement qu'elle est montée devant après l'arrêt, ça me semble évident."
Il avoue le meurtre, sans donner de détails, et pour cause. Il décrit l'endroit où il a enterré le couteau (il ne sait plus trop comment, d'ailleurs). Il nie à nouveau être le propriétaire du pull rouge (lui, porter cette horreur ?). Quelques petites phrases de conclusion pour bien insister sur le fait qu'il n'avait pas de mauvaises intentions, et voulait seulement emmener la petite en promenade (de toute façon, il n'a jamais fait de mal à un enfant, donc ça ne peut être que ça), et il signe.
Maintenant qu'il a pu reconstituer tous les événements de son voyage grâce à messieurs les policiers, il est en mesure de répéter cette histoire devant le juge d'instruction. Ça ne peut qu'être la vérité, puisque c'est d'une logique imparable. Par contre, la juge lui fait dire qu'il s'est servi de l'Opinel, la sotte. Heureusement qu'il est là pour corriger l'erreur ! Aussi, elle n'arrête pas de dire le mot "égorger", alors que les policiers parlaient de coups de couteau rapides. Décidément, elle n'y connaît rien.
A la reconstitution, Ranucci ne descend pas sur les lieux de l'enlèvement. Heureusement, car il serait bien embêté pour expliquer comment ça s'est passé. Il voit que les lieux correspondent assez bien à son dessin, et le boulevard, ça doit être par là. Comme le chauffeur du fourgon a l'air perdu, autant le lui dire.
L'accident, ça lui revient bien, alors il peut enfin participer à la conversation, et chipoter sur les détails.
Sur les lieux du meurtre, on lui fait porter une poupée de chiffon, la tirer, la maltraiter, et on veut qu'il la poignarde avec un couteau en carton. Il ne peut pas mimer la scène. Mademoiselle Di Marino lui crie dessus, lui agitant des photos du corps de l'enfant sous le nez, alors il s'effondre en larmes, à cause de tout le mal qu'il a fait, d'après tous ces gens qui ont l'air si sûrs de leur affaire. Le jeune avocat qu'on lui a désigné ne dit rien, et se contente d'observer ; tout est nouveau pour lui aussi. Il n'y a personne pour l'aider. Il voudrait voir sa maman ; elle seule pourrait le croire, s'il lui disait qu'il était innocent. Il ne se souvient de rien, mais il lui semble à présent qu'il est impossible qu'il ait tué un enfant.
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