Tenez, je vous envoie un autre extrait du très instructif mémoire d'Aline Ficheau. Peut-être comprendrez-vous enfin où sont les enjeux.
Citation :
Avec la loi de 1989, les révisions auraient dû progresser de façon incontestable, cependant, les chiffres prouvent le contraire. Comme nous l’avons déjà dit, de 1983 à 1988, la Cour de révision a été saisie dix neuf fois, de 1989 à 1995, soit après la nouvelle loi, elle n’a été saisie que vingt et une fois : une augmentation significative !
La révision est donc toujours aussi difficile. Pour un non-juriste, la loi de 1989 est une avancée considérable dans le domaine de la révision, cependant, le juriste remarquera que cette loi ne fait que consacrer la jurisprudence antérieure, comment aurait-elle pu alors augmenter les possibilités de révision ?
Dans sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation avait opéré une distinction astucieuse, elle estimait que lorsqu’elle pouvait casser l’arrêt avec renvoi de l’affaire, seul suffisait un fait nouveau produisant un doute sérieux. Ainsi dans l’arrêt Druaux de 1898, la Cour de cassation a annulé la condamnation prononcée et a renvoyé l’affaire devant une autre juridiction au motif que la preuve d’un fait nouveau faisant « douter de la culpabilité du prétendu criminel » était apportée. 62
Par contre, lorsqu’elle ne pouvait pas renvoyer l’affaire parce que le condamné était décédé par exemple, elle exigeait que le fait nouveau établisse l’innocence du condamné.
Ainsi les possibilités de révision étaient déjà facilitées bien avant 1989, que pouvait alors apporter de plus cette nouvelle loi, et ce d’autant plus que si la compétence de filtrage du ministre de la justice était critiquable en théorie, dans la pratique, il accomplissait sa tâche de façon tout à fait honnête et consciencieuse.
En effet, le ministre de la justice ne prenait sa décision qu’après avoir consulté une commission mi-judiciaire, mi-politique, composée des directeurs du ministère et de trois magistrats de la Cour de cassation qui lui confiaient leur avis.
Il était donc utopique de penser que la loi de 1989 améliorerait les chances de révision, dans la mesure où elle ne faisait que consacrer législativement ce qui existait déjà auparavant dans la pratique.
Cette loi était néanmoins nécessaire, car même si elle ne permet pas de lutter efficacement contre les erreurs judiciaires, elle a renforcé la confiance des citoyens dans la justice, car l’opinion publique est satisfaite de voir que le législateur adopte des garanties judiciaires en faveur de ses justiciables.
La révision du procès pénal est donc toujours très difficile, ce qui explique la faiblesse des erreurs judiciaires officiellement reconnues. C’est sans doute la raison pour laquelle le législateur est à nouveau intervenu pour assurer des garanties supplémentaires, mais cette fois ci, plus sur le plan de la révision.
62 Cass crim, 26 juin 1896, Sirey-I-425, DP 1897-I-54.
In Les Erreurs Judiciaires. Mémoire de D.E.A. Droit et Justice présenté par Aline Ficheau, Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales. Université de Lille II. 2002.