Citation :
J'ai voulu montrer que le livre de Gilles Perrault est un roman. Comme lorsque Gilles Perrault parle des faits. Si cela n'a pas d'importance, il n'avait qu'à ne pas en parler, cela ne m'aurait pas choqué.
Cela n'est pas un roman lorsque Perrault se contente de recopier les pièces de la procédure, or le livre fourmille de recopies.
Le livre expose dans tous ses détails la plaidoirie de l'avocat général Viala, et ce n'est pas du roman.
Donc résumer le livre de Perrault en disant qu'il s'agit d'un roman est fort réducteur et ne sert pas votre thèse.
Dans cette volonté de tenter de nous démontrer qu'il n'y a pas d'innocence possible et qu'il n'y a en fait rien à chercher, sinon trois ou quatre choses qui de toute façon, vont étayer l'accusation, vous touchez tout de suite à ce qui s'appelle de l'idéologie. Un enquêteur est tout, sauf un idéologue. Il ne doit pas avoir d'idée préconçue. Et vous c'est le contraire : j'ai une idée préconcue de ce dossier et tout ce que je ferai ne pourra que la confirmer. Ce n'est pas une méthode de travail ça.
Vous nous dites : au début je croyais à son innocence. Mais sur quelles bases vous y croyiez ? On ne saura pas. C'est bien dommage. Tout de suite vous nous dites : mes illusions sont tombées. Comment par quel biais ? On ne sait pas.
Ensuite, il y a une échelle dans les erreurs. Il y a les erreurs de plume qui se corrigent toutes seules, les erreurs sur des points de détail et des erreurs plus graves qui viennent entâcher le raisonnement. Elles n'ont pas la même valeur. Les mettre au même niveau, c'est faire de l'idéologie.
Je vais prendre un exemple, le chapitre concernant le récapitulatif de Christian Ranucci.
Vous nous dites, quand il dit qu'il a été transporté à Marseille, il confond une mercédès avec une Renault 12. Et à cet appui, vous nous montrez des photos de Nice-Matin. Très bien, vous avez parfaitement raison, c'est une Renault 12.
Qu'est-ce que cela change ?
Dans quelle condition Ranucci écrit-il cela ?
Il est dans la cellule des condamnés à mort des Baumettes. Il ne voit personne de toute la journée sauf le gardien qui ne le quitte jamais des yeux, jour et nuit, sa mère et ses avocats, et de temps en temps l'aumonier qui vers la fin joue les voyeurs. Il n'a plus ses fringues à lui mais une tenue impersonnelle, la nuit, la cellule est éclairée comme le jour et à la fin on installe une caméra pour le transformer en singe de laboratoire.
Et il écrit ce récapitulatif, deux ans après, sans avoir accès au dossier, aux pièces de procédure qu'il n'a jamais eu entre les mains parce qu'il fallait acheter son dossier naguère pour pouvoir le lire et qu'un dossier comme le sien cela vaut 4000 ou 6000 francs de l'époque. Et vous lui reprochez de ne plus se souvenir de la marque de la bagnole qui l'a embarqué de Nice à Marseille. Excusez-moi, vous ne croyez pas qu'il faut considérer, non pas seulement les paroles qui sont prononcées et les mots qui sont écrits, mais aussi les circonstances dans lesquels ils sont écrits ? N'est-ce pas un minimum pour comprendre un texte que de lui restituer tout son contexte, et non pas le prendre au pied de la lettre pour guetter la petite erreur qui foutrait tout par terre prétendumment alors qu'elle ne touche qu'un point de détail qui ne change rien au fond des choses ?