Pour répondre complètement à la question, finalement je pense qu'il y a un maître mot qui manque : c'est la loyauté. On peut agir en justice, à condition de faire preuve, par delà tous les arguments qu'on s'échange, de loyauté.
Et dans cette affaire, tout le monde en manque. La seule personne qu'on pourrait peut-être sauver, c'est Madame Mathon, parce qu'elle agit avec tout sa naïveté et son bon sens.
Mais pour le reste, je vais prendre même Christian Ranucci. Il n'est pas loyal avec ses avocats, il ne leur dit pas qu'il a été voir son père. Donc comment peuvent-ils agir puisqu'il leur manque l'information principale qui explique tout : ses angoisses, le fait de se retrouver sur ces lieux précisément etc etc...
On peut l'expliquer, par sa jeunesse, par l'enfermement, le fait qu'il ne comprend pas la gravité des choses, mais pour moi, il manque d'une certaine loyauté, du coup sa défense est bancale. Bien sûr.
Les avocats, manque de loyauté parce qu'ils cachent la vérité à Ranucci, particulièrement après le procès, donc Ranucci ne peut plus réagir, parce qu'ils sont confrontés à un appareil judiciaire qui dans ce cas refuse tout bonnement d'instruire et qu'ils n'ont pas les moyens ou le courage, comme on veut, de l'affronter. C'est évident et Le Forsonney le reconnaît lui-même : aujourd'hui j'irais à l'affrontement. Lombard n'a pas voulu aller à l'affrontement non plus.
L'institution judiciaire en France est une mécanique très particulière qui peut déraper totalement, on l'a vu de façon splendide avec Outreau, où le juge s'embringue avec une mythomane et que la hierarchie couvre, sans chercher à savoir quoi que ce soit. Et on voit bien par quel mécanisme tout se grippe et comment il se fait qu'on ne peut plus revenir en arrière.
Il y a une sorte de principe non écrit : la justice ne peut pas se tromper. Ben si. Et alors ? Où est le problème ? Cela remet en cause l'autorité de la chose jugée ? Non, c'est le contraire qui le fait parce qu'on passe son temps à dire : ce n'est pas juste. La loi à ce titre est bien faite : dès qu'il y a un doute il faut refaire, ce que la cour de cassation traduit par : dès que le rapport de force s'inverse je suis obligé de laisser réviser. C'est une distorsion de la loi cette interprétation, qui ne sert finalement personne.
Les enquêteurs pareil, manque de loyauté parce qu'ils ont une hierarchie au-dessus d'eux qui les pousse à la faute par précipitation. Parce qu'on ne peut pas se tromper, qu'on ne peut pas revenir en arrière.
Il y a un principe qui devrait toujours s'imposer : il vaut mieux affronter la vérité. On vit mieux avec la vérité que dans le mensonge. Parce que le mensonge, c'est toujours très très compliqué à gérer.
La preuve ici.
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