Philippe,
Pour vous aider à comprendre, peut-être - car rien n'est simple, et qu'il est bien difficile de sonder au fond de la pensée des différents acteurs de cette affaire - voici ce que rapporta Mathieu Fratacci d'un entretien avec Me Fraticelli:(j'ai choisi de mettre en gras certaines phrases)
Citation :
Je suis allé voir plusieurs fois Ranucci aux Baumettes. Mais, quand la défense a décidé de plaider non coupable, j'ai refusé de m’y associer. C'était une hérésie, en l'état du dossier. On ne pouvait pas plaider non coupable, c'est-à-dire l'acquittement, et réclamer, en même temps, les circonstances atténuantes. " Tu sais, André, m'a dit un jour un vieux Corse, quand la maison brûle, on prend les sous et on s'en va. " Ce qui signifie qu'on sauve les meubles. Tant qu'on n'est pas condamné à mort, on a toujours le temps de revenir pour des révisions. »
Vingt ans après, Me Fraticelli est-il toujours convaincu de la culpabilité de Christian Ranucci (c'est Fratacci qui parle ici; en toute rigueur, je n'ai jamais lu Me Fraticelli dire "Ranucci était coupable"). ou son appréciation s'est-elle modifiée en raison de tout ce qui est intervenu depuis ? La position qu'il adopta à l'époque confère une grande importance à la réponse qu'il apporte aujourd'hui.« Les choses sont beaucoup plus complexes que cela. Un homme peut être sujet à des pulsions sexuelles ou meurtriè¬res. On peut être fou et redevenir plus ou moins équilibré. On peut aussi devenir fou pour le restant de ses jours. Ou avoir une alternance, voire des périodes de rémission. L'homme qui a été jugé était convaincu qu'il n'avait rien fait. Il avait occulté de bonne foi cette phase de sa vie. Au cours de nos entretiens, il ne m'a jamais rien avoué. Mais, je le répète, il fallait plaider coupable avec les circonstan¬ces atténuantes. Il y en avait largement. Il fallait à tout prix éviter l'irréversible, la peine de mort, et, ensuite, renégocier, reprendre la procédure. C'était une question de temps. Mais, une fois que le couperet est tombé, quoi qu'il ad¬vienne, c'est terminé. »
« Après la condamnation à mort, on a cru à la cassation. Même M. Viala y a fait plusieurs fois allusion. Nous pensions qu'il y avait eu une erreur de procédure de sa part, dès lors qu'il était intervenu après les plaidoiries de la défense. Viala me disait: "Si je me suis trompé, c'est peut ¬être le doigt de Dieu qui a voulu cela ". Lorsque je l'ai revu, plus tard, à la Cour d Appel de Douai, il m'a répé¬té: " C'était le doigt de Dieu. J'espérais bien que, si j'avais commis cette erreur, la Cour de Cassation la retiendrait comme motif. Mais cela n'a, hélas, pas été le cas ". Je suis sûr qu'il le pensait réellement. C'était un homme profon¬dément honnête, loyal et indépendant. »
Après de tels propos, il paraît légitime de s'interroger au sujet de la position actuelle de Me Fraticelli quant à la révision, du procès et à la réhabilitation que Christian Ranucci a demandé à ses avocats avant de mourir. Car, même s'il n'a pas plaidé, il comptait au nombre des défenseurs.
« La révision me semble relever d'une entreprise publi¬citaire pour certains, pour d'autres, dans la mesure où ils n'ont même pas connu Ranucci, il s'agit d'une simple question d'éthique personnelle.
Alors je ne prétendrai pas savoir absolument ce qu'à l'époque pensait Me Fraticelli. Mais il est clair qu'il reconnait que le dossier était en 1976 accablant - ceci, sans agressivité, pour tous ceux qui disent à longueur de forum que l'accusation était vide.
"Il avait oculté de toute bonne foi cette phase de sa vie" me rappelle l'affirmation de Me Le Forsonney: "Ranuccio se croyait innocent". ces deux phrases, dans la bouche de deux de ses avocats, ne suffisent pas bien sûr à prouver la culpabilité; mais elles montrent que, pour ceux qui l'ont connu (ce qui n''est pas notre cas), Ranucci est resté un mystère, et que l'hypothèse du déni a, clairement, effleuré aussi ses avocats.
Enfin, on voit aussi que Me Fraticelli,
qui lui a connu Me Vialla, en parle en des termes nettement plus élogieux que ceux utilisés souvent à son encontre sur ce forum.