J'AI TOUJOURS été convaincu que la thèse de "l'assassin au pull-over rouge" était du roman (excellent d'ailleurs). Le récent livre de G.Bouladou est bienvenu. Il y a cependant un point capital où je suis absolument en désaccord avec lui, et (partiellement) d'accord avec G.Perrault.
IL S'AGIT de la piste suivie par le chien (P.V.du capitaine Gras :"il est immédiatement mis en piste à partir de la galerie où le pull-over a été découvert" etc.). Ce qu'il conteste est que cette piste soit celle du pull-over rouge, thèse adoptée par Perrault. Il note ce qui semble etre des anomalies (mais j'y reviendrai) : la piste dépasse l'aplomb du lieu du crime de 30 mètres, et il n'y a pas de piste entre la route et l'endroit précis de ce crime.
CERTES, il n'est pas explicitement écrit que le gendarme fait sentir ce pull-over au chien, mais c'est fortement sous-entendu dans la rédaction du P.V.du capitaine Gras ; et c'est le seul indice utile qui est, à ce moment, sur place. Avancer que cette piste serait plutot celle d'un gendarme n'est pas sérieux (opinion personnelle). Notons que la présence de ce pull-over est déja étrange...à première vue.
ON COMPREND bien ce qui dérange G.Bouladou (à tort, on verra bientôt pourquoi).
-1- le pull-over n'appartient pas à Ranucci
-2- la piste suivie est selon toute vraisemblance celle de l'assassin lui-même
-3- il est hautement probable que cet assassin est Ranucci
...et ça ne colle pas...si on fait, comme G.Perrault, le raisonnement "évident"(sic) : les points 1 et 2 excluent Ranucci. C'est aller un peu vite. Je vais démontrer au contraire qu'il est possible (et selon moi très probable) que ces trois points soient parfaitement compatibles. Abracadabrant ? Pas du tout, simple comme bonjour.
IL FAUT d'abord faire sauter un verrou mental. L'expression monobloc "l'homme au pull-over rouge", c'est de la langue de bois, de celle qui paralyse la réflexion (c'est fait pour ça!). Il faut rejeter le schema réducteur de G.Perrault : à ma gauche "l'homme au pull-over rouge", à ma droite C.Ranucci. Non, il y a trois éléments : Ranucci, un pull-over, et le propriétaire de ce pull-over. C'est radicalement différent, car maintenant rien n'empêche de penser que Ranucci et ce pull-over aient été, pendant un certain laps de temps, étroitement associés. On avance.
SELON G.Perrault, le commissaire Alessandra s'est dit "persuadé que Ranucci connaissait l'homme au pull-over rouge". En termes plus neutres : le "propriétaire" de ce pull-over a croisé la route de Ranucci. Quand ? peut-être dans la nuit du 2 au 3 Juin. Cette nuit-là, Ranucci la passe à Marseille, à se "défoncer". La tournée des bars et des boites se fait avec un ou des compagnons de rencontre, et "en voiture Simone". C'est le départ de mon hypothèse : un des fêtards de cette virée nocturne va oublier son pull-over, disons sur la banquette arrière de la 3O4. Le pull-over rouge entre en scène (et non pas "l'homme au pull-over rouge", nuance).
QUELQUES HEURES plus tard, Ranucci entre dans la galerie, s'enlise. L'horreur absolue vient de se produire, il est k.o. Je vais faire une hypothèse très banale : il essaye d'abord de "récupérer" un peu. La banquette arrière est plus confortable (ou moins inconfortable) que les sièges avant. Dans cette galerie, il fait frais et humide. De plus, en état de choc, l'organisme réagit toujours par une hypothermie. Bref, recroquevillé plutôt qu'allongé, Ranucci est transi de froid. Il devine dans l'obscurité un pull-over à ses côtés, il l'enfile (c'est ici mon hypothèse). Pendant une demi-heure, une heure (estimation), les sueurs froides de Ranucci imprègnent le pull-over, l'odeur du pull-over imprègne Ranucci : c'est maintenant le même parfum. Fin de mon hypothèse.
RANUCCI dira aux policiers "j'ai fait quelques pas pour me dégourdir les jambes" (qui étaient donc engourdies ?). Tiens tiens ! Où ça ? La question n'est pas posée, mais peu importe : nous connaissons la réponse, nom d'un chien (si j'ose dire). A ce stade, Ranucci doit désembourber sa 304, mais il a une chose plus importante et urgente à faire. C'est d'aller vérifier que, depuis la route, rien de suspect n'est visible. Sa seule chance (illusoire) est que le corps ne soit pas découvert, ou le plus tard possible, c'est littéralement une question de vie ou de mort. Il part donc, à pied, de la champignonnière.
TOUT DEVIENT évident maintenant...à commencer par la présence (incongrue) de ce pull-over dans la galerie. Pourquoi diable son propriétaire aurait-il jeté ce pull-over "comme neuf" (Mlle Di Marino), et à cet endroit ? Mais non, c'est Ranucci qui, ne sachant plus quoi en faire, s'en débarrasse en le balançant là où on le trouvera plus tard. Il ne reconnaîtra pas ce pull-over pour la simple raison qu'il ne l'a pas vraiment "vu" : la galerie est sombre.
LE CHIEN a-t-il suivi l'odeur du pull-over rouge ou de Ranucci ? C'EST LA MEME CHOSE. Et pourquoi la piste dépasse de 30m l'aplomb de l'endroit du crime ? Parce qu'il doit regarder sous tous les angles possibles depuis la route. Et bien sûr, pas de piste entre la route et l'endroit précis du crime : inutile d'y retourner, le problème n'est pas là. Ranucci revient ensuite sur ses pas, etc.
UNE HYPOTHESE reste une hypothèse. Notez qu'elle ne prouve rien : Ranucci innocent peut fort bien avoir fait le même trajet à pied pour récupérer par exemple un enjoliveur ou une poignée de porte...mais je n'y crois guère.
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