Bonjour à tous,
Ne sachant pas quel pourrait être le sujet de discussion le plus indiqué pour accueillir mes lignes, je les dirigent dans la Discussion générale, aux administrateurs, au cas où, de les aiguiller ultérieurement.
27 juillet 1976…le recours en grâce étant rejeté, le sort de Christian Ranucci est hélas fixé.
J’ai été frappé et troublé en lisant sur Marianne-en-ligne.fr du 23.3.06 un article de Patrick Girard ayant pour titre: “1974-1976 Chirac à Matignon: une saison en enfer”, où il est écrit que Jacques Chirac, alors premier ministre, signifie à Giscard D’Estaing, sa volonté de démissionner justemment le même jour: 27 juillet. J’y reviendrai plus bas.
Je me demande s’il ne s’agit là que d’une coïncidence, une parmi bien d’autres dans cette affaire, ou bien de deux faits qui n’étant pas directement liés entre eux, bien évidemment, ont néanmoins pu réciproquement s’influencer. Quelqu’un peut-il m’en dire plus ?
Je me présente au sujet du thème du site et de son forum. Le premier contact fut la couverture du “Pull-over rouge”: une guillotine rouge sur fond noir, c’était il y a bien des années, puis périodiquement j’y suis revenu. Récemment, en surfant, j’ai trouvé ce site que je trouve très bien fait et surtout très utile.
Mon opinion sur l’affaire Ranucci maintenant….coupable ou innocent ? en vérité, selon moi, la question devrait uniquement être: la justice a-t-elle été équitable envers Christian Ranucci ?
….et la réponse est sans appel: NON, Ranucci n’a pas bénéficié d’une justice équitable.
D’après ce qui est longuement exposé sur ce site, d’après les nombreuses interventions du forum on ne peut que constater un crescendo d’acharnements pour coincer un supposé coupable sans trop se poser de questions sur faits et circonstances qui souvent on bien du mal à s’enchainer avec cohérence.
L’enquète de police a été de toute évidence précipitée: aucun constat de l’heure présumée du meurtre de la pauvre Marie-Dolorès, même en 74 il était possible de l’établir avec précision; aucune trace de sang ni empreintes constatées sur la Peugeot de Ranucci; fréquentes maladresses dans les procès-verbaux des pièces à conviction; aucun témoin le reconnaissant, exception faite pour les Aubert mais discutable la circonstance; étonnant que l’on n’ait pas approfondi les raisons de la présence de Ranucci à Marseille. La sensation est donc que l’on s’est uniquement poser l’objectif d’avoir ses aveux coute que coute, aveux ensuite rétractés.
L’instruction a été baclée, c’est le moins que l’on puisse dire, significatif à cet égard les doutes du juge Michel au moment de succéder à la juge Di Marino.
Le procès n’a été qu’un procès sommaire où le prévenu était déjà condamné à l’instant même d’entrer dans la salle d’audience.
S’il n’y avait pas eu de dénouement tragique et définitif on pourrait dire que la victime de cette justice a été la justice elle-même, ce ne fut pas le cas et l’on ne peut que frissonner en constatant avec quelle légèreté on a livré une personne à des bourreaux ou plutôt….à des exécuteurs des sentences criminelles, rien que pour faire un peu plus juridique.
N’ayant rien à ajouter pour ce qui est de l’affaire en elle-même; l’énumération des faits, les doutes et les interventions étant très éloquents, je reviens au début de mon intervention, à cette même date et aux réflexions qu’elle a engendrées.
27juillet 76…
L’article est très clair: Valéry Giscard D’Estaing est un président fragilisé au sein même de sa propre majorité, en outre les municipales de mars 76 ont été remportée par l’opposition de gauche; la démission de Jacques Chirac, qui sera officialisée fin août, ajoute un élément de plus à cette faiblesse et dans le cas spécifique de la Vème République, pourrait provoquer une crise institutionnelle. Je crois ne rien ajouter, ni déformer
…parfois les faits divers viennent au secours du pouvoir quel qu’il soit; l’opinion publique est bien souvent plus friande de cette actualité que des luttes des factions au sommet de l’état (qui ne sont pas moins graves pour autant).
Affaire Ranucci: crime odieux; aveux; procès; affaire Patrick Henri en parallèle; recours en cassation rejeté; personnalité du condamné, frôlant l’autolésionisme, difficilement défendable; opinion publique bien attisée par les médias et désireuse de vengeance et pour conclure le 23 juillet la découverte du corps du petit Vincent Gallardo.
Si l’on se réfère au climat de l’époque, Ranucci avait très peu de chances de s’en sortir et il me semble que les sentiments de doutes et d’effroi au lendemain de l’exécution aient été bien minoritaires.
Le refus de la grâce de Giscard n’aurait-il pas été qu’un moyen (des plus pitoyables) pour tenter de réaffermir sa position chancellante au sein des institutions, un coup très fort pour s’ériger au-dessus des mêlëes et pour indiquer qui était vraiment maitre à bord dans cette conjoncture délicate ? Tel le Prince de Macchiavel, une semaine après l’exécution il accordera la grâce à Moussa Benzarha…le président se montrerait donc magnanime en principe mais impitoyable dès que l’horreur l’emporterait (ou que les sondages l’exigerait…). En se tenant à l’article en question on pourrait se demander si dans une situation politique moins fragile pour lui ou encore avec une personnalité plus forte et capable de s’opposer à certains de ses collaborateurs (Lecanuet, Poniatowski entre autres) vu qu’il se disait: ”opposé par principe à la peine de mort”, Giscard n’aurait pas accordé la grâce à Ranucci aussi. A cela je voudrais ajouter une considération que j’ai lue dans le forum mais dont l’auteur m’échappe et qui est à mon avis très pertinente. En accordant la grâce il n’était pas impossible, au vu de ce qu’avaient été l’enquête, l’instruction et le procès, que dans un délai plus ou moins bref un nouveau recours en cassation ou une demande de révision du procès auraient pu être déposés. Il aurait été alors très gênant au cas où l’innocence de Ranucci serait apparue, de justifier bien des couacs dans le fonctionnement de la police et de la justice. Un autre potentiel élément de fragilisation et de délégitimation dans l’ appareil institutionnel dont on se serait bien passé….
30 ans plus tard….
28 juillet 2006: dans ses éditions du matin France Inter consacre deux services avec interviews aux trente ans de l’exécution de Ranucci, un signe parmi bien d’autres que cette affaire est encore actuelle et soulève des interrogations.
La première considération serait de bien la rappeler quand, au gré des faits divers, certains personnages réclament à corps et è cris la peine de mort. La seconde, bien plus importante, serait sans plus tarder de rouvrir tout le dossier et faire en sorte que la justice cette fois-ci se prononce sans que la sentence soit déjà inscrite. Au cas de l’émergence d’une bavure, redonnerait-on la vie à Ranucci ? hélas non; quel que soit le verdict, la famille Rambla en serait-elle plus soulageée ? j’en doute fortement…La seule bénéficiaire ne serait que la Justice qui, étant humaine, n’est pas par définition infaillible mais qui cette fois-ci aurait eu le courage de se questionner sur elle-même et sur ses rouages, bien épouvantables au cas où l’innocence serait prouvée.
Avoir le courage d’affronter les blâmes si erreurs il y eut, c’est tout….et ce n’est pas peu !!!
Pablix
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