Modélisation du refroidissement
Sous les climats tempérés, la température de la peau rejoint celle du milieu environnant en 8 à 12 heures en moyenne mais la température centrale du cadavre nécessite pour ce faire un délai deux à trois fois plus important. Ces constatations ont mené à un certain nombre de simplifications abusives selon lesquelles :
La température s’égaliserait avec celle du milieu ambiant en 24 heures.
La vitesse de refroidissement serait de 1 °C par heure pendant les 24 premières heures.
Ces simplifications reposaient sur l’idée que le refroidissement cadavérique pouvait être une fonction linéaire du temps. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien.
Une deuxième approche consiste à utiliser les lois de la conduction thermique et de supposer que le flux thermique est proportionnel à la différence de température entre le corps et l'air ambiant. Cette approche permet alors de modéliser la baisse de température par une fonction exponentielle:
Cependant cette modélisation n'apparait pas satisfaisante confrontée à la réalité de l'expérience. En effet, on note, sans pouvoir l'expliquer, que la baisse de température s'effectue en trois phases :
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Temperature_postmortem.png
Évolution de la température rectale en fonction du tempsUne phase dite de plateau thermique initial (durée de 0,5 à 3 heures, avec d’importantes variations interindividuelles) : pendant cette période et pour des raisons encore mal connues, la température du cadavre décroît très peu ; il en résulte une première limitation de la méthode thermométrique, car celle-ci se révèle inopérante pour dater un décès récent remontant à moins de trois heures.
Une phase intermédiaire de décroissance rapide , semi-linéaire, qui est celle où la méthode thermométrique se révèle la plus pertinente pour dater la mort.
Une phase terminale de décroissance lente où la température du corps finit par s’égaliser très progressivement avec celle du milieu ambiant. À partir de cette phase, la méthode thermométrique n'est plus utilisable.
Le docteur Claus Henssge, professeur de médecine légale à l'université de Essen (Allemagne) a cherché à modéliser la décroissance thermique sous la forme d'une fonction bi-exponentielle variable selon le poids de l'individu. Il propose alors la modélisation suivante :
où k est un paramètre dépendant de la masse M (en kg) de l'individu :
L'observation de ces deux fonctions permet de remarquer que
la dérivée au temps t = 0 de la température est nulle, ce qui permet bien de modéliser le palier initial.
La décroissance est d'autant plus lente que la masse de l'individu est élevée.
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Nomogramme_de_Henssge.png
Nomogramme de HenssgeComme un médecin légiste n'a pas toujours sous la main une calculatrice scientifique pour déterminer t en fonction de T, Claus Hengsse a créé un système d'abaque permettant de déterminer, en fonction de la température du corps, de la température ambiante et de la masse de l'individu, le temps probable de la mort. C'est le nomogramme de Henssge.
A la valeur trouvée par le nomogramme de Henssge, il faudra appliquer des facteurs correctifs en tenant compte du fait que l’évolution de la température dépend de nombreux facteurs tels que :
Des caractéristiques propres au corps : température initiale, âge, éventuellement présence de vêtements…
Des conditions dépendant du milieu extérieur : présence de vent ou de courants d'air, présence d'humidité, variabililté de la température extérieure.
Utilisation pratique
Sur une scène de décès il est essentiel de mesurer la température centrale du cadavre aussi bien que celle de l’environnement (c’est-à-dire la température de l’air ambiant). Les deux mesures doivent être réalisées au même moment avec le même instrument, et l’heure de la mesure doit être notée avec précision. Presque toujours, la température du cadavre sera mesurée au niveau rectal tout en sachant que ce site anatomique peut présenter des problèmes lorsque la victime a pu faire l’objet de violences sexuelles. La prise de température ne doit jamais être effectuée avec un thermomètre médical, car sa gamme de températures est trop restreinte, l’instrument de référence étant le thermomètre électronique à thermocouple, de grande précision et équipé d’une sonde de pénétration souple ou rigide. Cette dernière doit être introduite d’au moins 10 à 15 cm dans le rectum du cadavre pour obtenir une bonne estimation de la température centrale. Lorsqu'elle est mesurée dans des conditions appropriées, la température du corps doit être considérée comme l’un des meilleurs estimateurs du délai post-mortem pendant les 24 premières heures.
Cette technique présente cependant un certain nombre de limitations :
Elle n’est valide que pendant la phase intermédiaire de l'évolution du refroidissement, c'est-à-dire entre 3 et 18 heures.
La méthode thermométrique suppose que la température corporelle au moment du décès se trouvait dans les limites physiologiques (entre 36,8 et 37,6 °C) ; une hyperthermie (rencontrée par exemple dans le cas d'un décès dans un contexte infectieux) ou une hypothermie ante-mortem (par exemple quelqu'un retrouvé mort de froid) peuvent fausser considérablement les estimations, et doivent donc être étudiées chaque fois que des renseignements sur les circonstances de la mort seront disponibles.
Les équations du refroidissement supposent également que la température environnementale est restée sensiblement constante pendant toute la période post-mortem. Cela peut être le cas lorsque le décès survient dans des bâtiments chauffés ou climatisés, néanmoins des problèmes se posent dans le cas de corps retrouvés dans le milieu extérieur.
La détermination du délai post-mortem par la méthode thermométrique peut d’autre part être biaisée par un certain nombre de facteurs interférents d’origine endogène (cadavérique) ou exogène (environnementale). Les principaux de ces facteurs sont :
Les mouvements de l’air, qui accélèrent les pertes thermiques par convection. Pour cette raison, il est important de noter si le temps est venteux lorsque la scène de décès se situe en extérieur, ou s’il existe des courants d’air lorsque celle-ci se situe à l’intérieur d'une habitation.
L'humidité de l’air : les pertes thermiques sont d’autant plus importantes que le degré hygrométrique de l’air est élevé.
La présence de vêtements : les vêtements jouent le rôle d’isolant thermique et le refroidissement du corps sera d’autant plus retardé que leur épaisseur sera importante (même remarque pour tout autre « enrobage » du corps : draps, couette…).
Cas d'un corps immergé : la déperdition thermique du cadavre est beaucoup plus rapide dans l’eau que dans l’air, et se voit encore accélérée lorsque le corps se trouve plongé en eau courante.
La méthode la plus pratique pour estimer un délai post-mortem par la méthode thermométrique consiste à utiliser le normogramme de Henssge.
Mais la modélisation précédente ne joue que pour un corps nu dans un air calme. Il est donc souvent nécessaire de faire intervenir des éléments de corrections qui réduisent ou accélère le refroidissement d'un facteur Cf . Si Cf est supérieur à 1, le corps se refroidit plus lentement. Un facteur Cf inférieur à 1 indique que le corps se refroidira plus vite
Corps dans l'eau courante : Cf = 0,35
Corps dans l'eau stagnante : Cf = 0,5
Corps nu ou vêtements humides, air en mouvement : Cf = 0,7
Corps peu habillé, air calme : Cf = 1,1
Corps habillé, air sec et calme : Cf = 1,3 à 1,6
Corps très habillé, très couvert, lit : Cf = 2 à 2,4
Il faut cependant prendre conscience que ce calcul ne peut être qu'une estimation. le nomogramme de Hengsse ne propose pas une durée fixe mais une fourchette d'estimation.
De nombreux auteurs ont proposé des solutions alternatives pour améliorer la précision de cette technique :
Mesure répétée ou continue de la température post-mortem pendant plusieurs heures.
Mesure de la température centrale par des moyens invasifs (introduction de sondes au niveau intra-hépatique, intra-cérébral...).
Ces méthodes ont en commun d'être difficiles à mettre en œuvre en routine sur une scène de décès ; en outre aucune d'entre elles n'a véritablement fait la preuve de sa supériorité par rapport à la méthode thermométrique de référence.
Exemple
On retrouve un corps dans une mare. Celui-ci pèse 80 kg et sa température rectale est de 20 °C. À l'aide de données météorologiques, on détermine la température moyenne des quinze derniers jours : on obtient, pour la température de l'eau, Tmoy = 10. Sur le nomogramme, on lit 23 heures pour l'estimation, puis on applique le facteur correctif : étant donné que le corps a été retrouvé dans de l'eau stagnante, il faut multiplier le délai estimé par 0,5.
On obtient donc heures. La fourchette de fiabilité à 95% est, dans ce cas précis, de + ou - 4,5 h. ce qui place la date de la mort entre 7h et 16h plus tôt
vois se que tu peut en déduire j pasc
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