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Une fois de plus je suis d'accord à 99% avec Danou.
Le 1% est la sévérité envers Me Lombard. CR a choisi de plaider l'innocence, la mission devenait impossible.
J’ai déjà exposé plusieurs fois sur ce forum les raisons de ma sévérité envers Me Lombard.
Ce qui serait intéressant c'est d'exposer comment vous envisagez d'expliquer à Ranucci qu'il faut plaider le contraire de son honneur, alors qu'il vous dit que Mme Mattéi est un témoin important et qu'il faut absolument faire venir Mme Baracco qui dit la même chose qu'elle.
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Il a accepté de très mauvaise grâce d’assurer la défense de CR et n’a pas caché à Mme Mathon et au journaliste qui l’accompagnait qu’il aurait préféré plaider pour la partie adverse. On ne saurait lui reprocher sa réticence car le moins qu’on puisse dire est que cette affaire n’était pas un cadeau.
Donc vous n'êtes pas si sévère que cela alors... Mais je serais vous, je préciserais tout de même que cette impression, il la donne quand il ne connaît pas le dossier. Quand il connaîtra le dossier, il dira qu'il est convaincu de l'innoncence de Ranucci, comme je le suis puisqu'il y a un autre assassin qui laisse un pull dans une champignonnière.
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Il pouvait la refuser. Il ne l’a pas refusée mais, pour ménager son image, ne l’a pas franchement acceptée non plus. Il a opté pour une demi-mesure en refilant la patate chaude à un jeune assistant frais émoulu de la fac de droit et dont c’était la première affaire. Et ce, alors qu’il ne pouvait ignorer qu’il y allait de la tête d’un homme.
Il n’est entré que très tard dans l’affaire. Et encore, uniquement parce que Jean-François Le Forsonney a fini par le prévenir qu’il ne pouvait plus tenir tout seul et a menacé d’abandonner s’il ne s’engageait pas.
Vous simplifiez, vous télescopez et donc cela finit par devenir faux. Je suis désolé.
Quand le Forsonney dit qu'il ne tient plus, on en est encore au stade de l'instruction, donc fin 1974. Lombard prend le dossier en main réellement lorsque l'instruction est close (on peut à bon droit le lui reprocher).
Le Forsonney doit se justifier de ne pas avoir été présent lors de l'interrogatoire de dernière comparution où il est question finalement d'une seule chose : renforcer le couteau. - Mme Di Marino sait très bien que le couteau a été découvert le 5 (avec la poële à frire dont un PV des gendarme certifie que cet instrument avait été amené sur les lieux dès le 5. DES LE 5 - autrement dit un PV des gendarmes indique que la poële à frire est DEJA là le 5) et qu'il a été caché une seconde fois le lendemain pour faire croire qu'il appartenait à Ranucci. -
Vous ne pouvez plus être sans savoir qu'un avocat ne peut pas remettre en cause une enquête de police, fût-elle "rafistolée" ou "arrangée". Et donc il était fermement prescrit à Maître le Forsonney de ne pas être présent, mais il en aurait été de même d'un avocat expérimenté.
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Lombard est entré dans l’affaire trop tard pour connaître le dossier dans les moindres détails. Trop tard pour faire enquêter en sous-main (oui, je sais, nous ne sommes pas aux Etats-Unis et les avocats, en France, n’ont pas le droit de faire enquêter. Mais ça, c’est la théorie ..).
Ce n'est pas la théorie, c'est la loi. Je suis désolé. Ceci dit, il était possible effectivement à Maître Lombard de faire diligenter par le parquet un certain nombre d'investigations qu'il n'a pas faite.
Mais vous savez maintenant très bien qu'un avocat n'est pas indépendant, qu'il reçoit des ordres, des injonctions, voire des menaces. Une fois que vous avez compris cela, vous avez tout compris.
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Trop tard enfin et surtout pour pouvoir bien connaître la personnalité de l’accusé et bâtir avec lui cette relation de confiance sans laquelle on ne peut espérer gagner un procès.
On ne gagne pas un procès qui est joué d'avance, et celui là l'était.
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Si cette confiance avait existé, Lombard aurait tout d’abord peut-être eu une chance d’obliger CR à prendre conscience de ce qu’il se refusait à voir : le risque réel de la guillotine. Il ne fallait pas hésiter à lui mettre le nez dedans.
Vous pensez qu'il aurait fallu lui mettre le nez dans la lunette avant le procès ? Je ne comprends pas bien le sens de votre phrase. On rappelle tout le temps aux accusés la peine qu'ils encourent. Mais vous oubliez qu'il a 22 ans et deux ans à l'isolement. Vous vous imaginez vous, deux ans à l'isolement quand vous avez vingt ans ?
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Tu as raison de dire que Lombard ne pouvait faire autrement que de plaider l’innocence puisque CR (soit parce qu’il se savait soit parce qu’il se croyait innocent) se refusait à plaider coupable.
Mais il existait une manière de plaider l’innocence sans pour cela aller fatalement droit dans le mur.
Le procès Slansky en Tchécoslovaquie 1952 vous aurait sans doute comblé, les avocats commis par le gouvernement tchèque ont fini de persuader les accusés de plaider coupable, de réciter à l'audience des aveux prérédigés (on est pas loin de notre affaire) (quitte à remplacer leurs paroles par des bandes magnétiques quand ils ne se souvenaient pas de leur texte), et même lorsqu'ils ont été condamnés à mort pour 14 d'entre eux, à les persuader de ne pas faire appel, en prétendant que le parti n'avait pas besoin de tête.
Résultat du procès Slansky : 14 pendus. Et les cendres éparpillées dans un champ.
Comme qui dirait, Slansky n'a pas fait assez preuve de repentance. Il a eu une attitude suicidaire lors de son procès, il a eu une attitude indigne. L'un de ses coaccusés plus encore, il a perdu son pantalon, tellement il était amaigri par les privations de la détention.
Cela méritait bien la sentence démocratique des bons jurés tchèques.
Vous savez, avec Ranucci, on n'est pas si loin. L'idéologie en moins, mais la bureaucratie en égal. A la limite on préfèrerait presque l'idéologie. Au moins on comprend qu'il y a un espoir derrière. Tout de même.
Il existait tout d’abord déjà un certain nombre d’éléments connus (non-reconnaissance de CR et de la voiture par Jean Rambla et ES, satyre des cités au POR, témoignage abracadabrant des Aubert, et j’en oublie) qui, exploités avec talent et engagement, pouvaient, sinon renverser l’opinion, du moins semer suffisamment le doute pour enfoncer un coin dans le bloc des certitudes.
Et enfin et surtout, si cette relation de confiance entre CR et Lombard avait existé, Lombard aurait pu préparer l’accusé pour le procès. Il aurait dû lui dire en substance : « Ecoute, petit, tu veux plaider l’innocence et nous allons le faire. Mais dis-toi bien que, pour un certain nombre de raisons, cette innocence à toutes les chances de ne pas paraître
vraisemblable au public, aux jurés et aux juges. Nous allons faire le maximum pour plaider les faits dans un sens qui nous soient favorables et exploiter au mieux les éléments de doute dont nous disposons.
Mais l’autre partie, c’est à toi de la jouer. Il faut bien que tu te dises que tu vas te trouver confronté à un bloc de haine qui ne veut qu’une chose : te couper la tête. La seule chance que tu aies d’entamer ce bloc de haine est de donner de toi une
image sympathique. Proteste de ton innocence, mais de manière crédible ! Parle de ton fameux « trou noir » et de ton incapacité à te souvenir de tout mais parle surtout de ta certitude de n’avoir ni enlevé ni tué une petite fille ! Exprime de la compassion pour la petite et pour les parents de la petite, etc. ».
Je ne prétends pas qu’une telle démarche aurait renversé l’opinion publique ni convaincu beaucoup de gens de l’innocence de CR. Mais elle aurait probablement permis de donner de ce dernier l’image d’un très jeune gars, un peu paumé, peut-être coupable, peut-être innocent, peut-être inconscient de sa culpabilité. Mais dans tous les cas assassin d’occasion probable.
Sa jeunesse, son absence de casier judiciaire, l’absence de motifs crapuleux et de toute évidence l’absence de préméditation de meurtre auraient peut-être contribué à écarter l’échafaud.
Un procès se gagne par une bonne préparation et une connaissance en profondeur du dossier, par le talent du ou des plaideurs, mais également par l’attitude de l’accusé à la barre.
Je dis et répète que même l’immense talent et l’engagement d’un Robert Badinter auraient été impuissants à sauver Patrick Henri de la mort si ce dernier avait eu à son procès la même attitude que CR au sien.