La reconstitution
Dernière mise à jour: 21 septembre 2011

 

 

 

Procès-verbal de transport sur les lieux:

Nous nous sommes ensuite engagés dans les fourrés où avait été trouvé le cadavre de Marie Dolorès. La reconstitution du crime d'homicide a été impossible, Ranucci prétendant ne plus se souvenir de cette partie des faits.


Selon les témoins, ce moment fut le plus pénible de la reconstitution.

"Durant les différentes phases de la reconstitution, pouvait-on lire dans La Marseillaise, Christian Ranucci conservant son plus grand calme n'aura cessé de répéter qu'il ne se rappelait de rien. Quand il fut transporté à l'endroit même où il s'enfonça dans le talus pour assassiner la petite Maria-Dolorès, une pâleur un peu plus accentuée et des difficultés plus grandes à articuler auront été les seules manifestations d'émotion réelle chez le meurtrier.

"Je ne sais pas", continuait-il de répondre aux questions que lui posait le magistrat instructeur ou le substitut du procureur. Quand enfin il était confronté à des éléments irréfutables, Christian Ranucci murmurait alors "c'est possible". Hier Christian Ranucci semblait avoir, comme nous l'a dit un témoin, un voile devant les yeux".

Un gendarme rejoua la scène décrite par les époux Aubert en emmenant dans les bois une poupée en chiffon.

A l'endroit de la découverte du corps, le juge tendit un couteau en bois à Ranucci en lui demandant de refaire les gestes. Jean-François Le Forsonney explique la suite: "Le couteau à la main, il a secoué la tête st s'est mis à pleurer comme un enfant en répétant: "je ne me souviens plus de rien". Mlle Di Marino a sorti de son dossier les photos prises lors de la découverte du corps, et qui n'étaient pas belles à voir. Elles les a brandies sous son nez en hurlant d'une voix suraïgue: "voilà ce que vous avez fait. Regardez, Ranucci, regardez ce que vous avez fait!" Et lui qui continuait à pleurer en secouant la tête ... C'était insoutenable".




Procès-verbal de transport sur les lieux:

Nous nous sommes enfin rendus à la champignonnière. Ranucci a reconnu l'endroit situé à quelques mètres de l'entrée de cette champignonnière où il avait enfoui le couteau, arme du crime, dans un tas de fumier.



Christian Ranucci a montré l'endroit où il avait jeté le couteau mais ne savait plus s'il l'avait pris dans sa voiture ou s'il était dans sa poche.





Procès-verbal de transport sur les lieux:

Nous avons une nouvelle fois constaté que la champignonnière était obscure, sinueuse. Il a fallu que Ranucci pénètre volontairement dans cette champignonnière au moins jusqu'à une certaine distance car, vraissemblablement, dans le cas contraire il se serait heurté aux parois de la galerie. Si Ranucci a glissé involontairement dans la champignonnière c'est sur une assez courte distance.



Pourquoi la juge d'instruction n'a-t-elle pas reconstitué l'ensemble de la scène de la champignonnière?
L'arrivée de Ranucci devant la barrière. La manière dont il avait pu enfoncer le couteau d'un simple coup de pied dans 20 centimètres de tourbe. L'utilisation du contenu de la nourrice pour se laver: l'accusation affirmait qu'elle contenait de l'eau ayant servi à se débarasser du sang imprégnant ses vêtements.

Or nous savons que le jerrican contenait de l'essence. Le changement de pantalon et la remise de celui taché de sang dans le coffre de la voiture. Le changement de roue. Autant d'éléments importants que Ranucci devaient se rappeler. Mais là encore, l'intérêt du magistrat semblait se limiter à des points de détails, comme savoir jusqu'à quelle distance sa voiture était rentrée dans la galerie.




Procès-verbal de transport sur les lieux:

Nous avons fait tirer des photographies des différents stades de la reconstitution. Nous avons fait établir un plan sommaire du lieu de l'enlèvement par les services de la sûreté.

Nous avons quitté les lieux à 15 heures 30.



La reconstitution dura moins de cinq heures. Elle aurait dû permettre de préciser dans le détail le déroulé des évènements de ce 3 juin 1974 et apporter des réponses aux nombreuses questions qui se posaient encore.

Cet acte de l'instruction est nécessaire pour la manifestation de la vérité. Il est une étape obligée pour le magistrat dont la mission est d'instruire un dossier à charge et à décharge. Force est cependant de constater qu'il fut organisé et entrepris de manière étrangement univoque. La juge d'instruction était convaincue de la culpabilité de Christian Ranucci. C'était son droit. Elle avait aussi le devoir de tenter d'expliquer tout ce qui ne collait pas avec la culpabilité de l'inculpé. Les témoins de l'enlèvement, tout d'abord, qui n'avaient reconnu ni Ranucci, ni sa voiture. Celui-ci pouvait-il dès lors en être l'auteur? Les témoins de la fuite d'un homme et d'une enfant ensuite. Leur description ne pouvait-elle être remise en cause par la matérialité de certains éléments comme la portière bloquée? Rien de ceci ne fut précisé ni expliqué parce que cela aurait pu jeter un doute sur les convictions du magistrat instructeur.

Le juge Michel, dans son ordonnance de transmission du dossier au Procureur Général du 12 mars 1975, ne retenait de la reconstitution que l'incapacité de Ranucci à désigner l'endroit où il se serait arrêté pour "bavarder" avec la victime et que la "grande vitesse à laquelle il circulait dans une direction opposée à celle de Marseille". Et concluait son ordonnance comme suit: "Déclarons suffisamment établie contre le susnommé la prévention ci-dessus spécifiée".
Etait-ce vraiment le cas? Tout fut-il vraiment fait pour qu'elle soit suffisamment établie?




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