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Procès-verbal
de transport sur les lieux:
Nous
nous sommes ensuite engagés dans les fourrés
où avait été trouvé le
cadavre de Marie Dolorès. La reconstitution
du crime d'homicide a été impossible,
Ranucci prétendant ne plus se souvenir de
cette partie des faits.
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Selon les témoins, ce moment
fut le plus pénible de la reconstitution.
"Durant les différentes phases de la reconstitution,
pouvait-on lire dans La Marseillaise, Christian Ranucci
conservant son plus grand calme n'aura cessé de
répéter qu'il ne se rappelait de rien.
Quand il fut transporté à l'endroit même
où il s'enfonça dans le talus pour assassiner
la petite Maria-Dolorès, une pâleur un peu
plus accentuée et des difficultés plus
grandes à articuler auront été les
seules manifestations d'émotion réelle
chez le meurtrier.
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"Je ne sais pas", continuait-il
de répondre
aux questions que lui posait le magistrat instructeur
ou le substitut du procureur. Quand enfin il était
confronté à des éléments
irréfutables,
Christian Ranucci murmurait alors "c'est possible".
Hier Christian Ranucci semblait avoir, comme nous l'a
dit un témoin, un voile devant les yeux".
Un gendarme rejoua la scène décrite
par les époux
Aubert en emmenant dans les bois une poupée en chiffon. |
A l'endroit de la découverte
du corps, le juge tendit un couteau en bois à Ranucci
en lui demandant de refaire les gestes. Jean-François
Le Forsonney explique la suite: "Le couteau à la
main, il a secoué la tête st s'est mis à pleurer
comme un enfant en répétant: "je ne
me souviens plus de rien". Mlle Di Marino a sorti
de son dossier les photos prises lors de la découverte
du corps, et qui n'étaient pas belles à voir.
Elles les a brandies sous son nez en hurlant d'une voix
suraïgue: "voilà ce que vous avez fait.
Regardez, Ranucci, regardez ce que vous avez fait!" Et
lui qui continuait à pleurer en secouant la tête
... C'était insoutenable". |
Procès-verbal
de transport sur les lieux:
Nous
nous sommes enfin rendus à la champignonnière.
Ranucci a reconnu l'endroit situé à quelques
mètres de l'entrée de cette champignonnière
où il avait enfoui le couteau, arme du crime,
dans un tas de fumier.
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Christian Ranucci a montré l'endroit où il
avait jeté le couteau mais ne savait plus s'il
l'avait pris dans sa voiture ou s'il était dans
sa poche.
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Procès-verbal
de transport sur les lieux:
Nous
avons une nouvelle fois constaté que la champignonnière était
obscure, sinueuse. Il a fallu que Ranucci pénètre
volontairement dans cette champignonnière
au moins jusqu'à une certaine distance car,
vraissemblablement, dans le cas contraire il se serait
heurté aux parois de la galerie. Si Ranucci
a glissé involontairement dans la champignonnière
c'est sur une assez courte distance.
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Pourquoi la juge d'instruction
n'a-t-elle pas reconstitué l'ensemble
de la scène de la champignonnière?
L'arrivée
de Ranucci devant la barrière. La
manière
dont il avait pu enfoncer le couteau d'un simple coup
de pied dans 20 centimètres de tourbe. L'utilisation
du contenu de la nourrice pour se laver: l'accusation
affirmait qu'elle contenait de l'eau ayant servi à se
débarasser du sang imprégnant ses vêtements.
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Or
nous savons que le jerrican contenait de l'essence.
Le changement de pantalon et la remise de celui taché de
sang dans le coffre de la voiture. Le changement de
roue. Autant d'éléments importants que
Ranucci devaient se rappeler. Mais là encore, l'intérêt
du magistrat semblait se limiter à des points de détails,
comme savoir jusqu'à quelle distance sa voiture était
rentrée dans la galerie. |
Procès-verbal
de transport sur les lieux:
Nous
avons fait tirer des photographies des différents
stades de la reconstitution. Nous avons fait établir
un plan sommaire du lieu de l'enlèvement
par les services de la sûreté.
Nous
avons quitté les lieux à 15 heures
30. |
La reconstitution dura moins
de cinq heures. Elle aurait dû permettre de préciser dans
le détail le déroulé des évènements
de ce 3 juin 1974 et apporter des réponses
aux nombreuses questions qui se posaient encore.
Cet acte de l'instruction
est nécessaire
pour la manifestation de la vérité.
Il est une étape obligée pour le magistrat
dont la mission est d'instruire un dossier à charge
et à décharge. Force est cependant
de constater qu'il fut organisé et entrepris
de manière étrangement univoque. La
juge d'instruction était convaincue de la
culpabilité de Christian Ranucci. C'était
son droit. Elle avait aussi le devoir de tenter d'expliquer
tout ce qui ne collait pas avec la culpabilité de
l'inculpé. Les témoins de l'enlèvement,
tout d'abord, qui n'avaient reconnu ni Ranucci, ni
sa voiture. Celui-ci pouvait-il dès lors en être
l'auteur? Les témoins de la fuite d'un homme
et d'une enfant ensuite. Leur description ne pouvait-elle être
remise en cause par la matérialité de
certains éléments comme la portière
bloquée? Rien de ceci ne fut précisé ni
expliqué parce que cela aurait pu jeter un
doute sur les convictions du magistrat instructeur.
Le juge Michel, dans son ordonnance
de transmission du dossier au Procureur Général du
12 mars 1975, ne retenait de la reconstitution que
l'incapacité de Ranucci à désigner
l'endroit où il se serait arrêté pour "bavarder" avec
la victime et que la "grande vitesse à laquelle
il circulait dans une direction opposée à celle
de Marseille". Et concluait son ordonnance comme
suit: "Déclarons suffisamment établie
contre le susnommé la prévention ci-dessus
spécifiée".
Etait-ce vraiment le cas? Tout fut-il vraiment fait
pour qu'elle soit suffisamment établie?
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