Les parents de Sophie Toscan du Plantier reçus à la chancellerie
Les parents de Sophie Toscan du Plantier, retrouvée morte dans sa propriété irlandaise dans la nuit du 22 au 23 décembre 1996 ont été reçus le 02 avril 2008 à 17 heures, au ministère de la Justice. Accompagnès de leur nouvel avocat Maître Eric Dupont-Moretti, ils entendent réclamer des informations sur l'enquête dont "ils sont tenus totalement à l'écart ", selon leur conseil . La justice irlandaise ne les a jamais entendus. Les juges d'instruction qui en France, se sont succédé sur ce dossier n'ont pas davantage eu accès à la procédure irlandaise. A l'initiative des proches de la défunte une Association pour la vérité sur la mort de Sophie Toscan du Plantier a vu le jour en Janvier.
RAPPEL DE CETTE AFFAIRE TOUJOURS PAS ELUCIDEE AU BOUT DE 12 ANS
Séjour en Irlande
En ce 20 décembre 1996, Sophie Toscan du Plantier, 38 ans, épouse du producteur de cinéma Daniel Toscan du Plantier, arrive seule à l’aéroport de Cork en Irlande. Elle a décidé de passer quelques jours dans sa résidence secondaire située à Toormore, un hameau perdu à 12 kilomètres de Crookhaven.
Elle prépare deux projets de soirée thématique pour la chaîne de télévision Arte. C’est pour cette raison qu’elle vient s’isoler dans cette vieille ferme qu’elle considère comme son havre de paix, bien que son mari n’aime pas beaucoup cet endroit.
Au même moment Daniel Toscan du Plantier se trouve dans sa résidence du Gers. Les époux ont prévu de passer le réveillon de noël ensemble dans le sud-ouest.
Le jour suivant son arrivée en Irlande, Sophie effectue des achats dans le village de Schull situé à cinq kilomètres de son domicile et réserve un exemplaire du Monde chez le marchand de journaux. Le dimanche 22 décembre après-midi, elle se promène du côté de Three Castle Head, aux abords d'un château en ruine. Elle est vue pour la dernière fois à 17 heures. Le soir vers 23 heures, elle a une conversation téléphonique avec son mari. Ce sera son dernier signe de vie.
Macabre découverte
Le lendemain, le lundi 23 décembre 1996 à dix heures, Shirley Foster et Alfie Lyons, les voisins anglais de Sophie Toscan du Plantier découvrent son cadavre 50 mètres en contrebas de sa maison près de la barrière métallique de la propriété. Ils alertent la police qui procède aux premières constatations.
Début de l’enquête
La victime est vêtue d'une sorte de pyjama et chaussée de souliers de marche. Son crâne maculé de sang présente de nombreuses blessures dues à un objet contondant. La jeune femme n’a pas subi de sévices sexuels mais elle est défigurée par le nombre et la violence des coups reçus.
Des cheveux et des fragments de peau sont prélevés sous ses ongles. Ils appartiennent sans doute à son agresseur. Les policiers constatent que toutes les lumières de l'ancienne ferme sont éteintes et les deux portes closes, les clefs à l'intérieur. Dans la maison, il n'y a pas la moindre trace de vol, ni de lutte.
Les policiers notent la présence de deux fauteuils, installés face à face, près d'un radiateur, comme si la jeune femme avait reçu quelqu'un. En outre deux verres lavés se trouvent sur l'égouttoir de l'évier. Il est cependant impossible de conclure à la présence d’un visiteur le soir du crime.
Policiers inexpérimentés
Dans cette région paisible de l’Irlande, les crimes sont extrêmement rares. A tel point qu’aucun membre de la police locale n’a jamais été amené à enquêter sur un homicide. Ce manque d’expérience va avoir de fâcheuses conséquences sur l’enquête.
En effet, le médecin légiste arrive trop tard le mardi matin pour pouvoir évaluer l’heure du décès et surtout ce retard rend les prélèvements effectués sous les ongles de la victime inexploitables.
Déferlement médiatique
Lorsque la population locale apprend que celle qui jusque là était connue dans la région sous son nom de jeune fille Sophie Bouniol, est elle-même productrice d’émissions de télévision et que son époux est le célèbre président d’Unifrance, les médias irlandais vont s’intéresser de très près à l’affaire.
Les journaux tabloïds échafaudent des hypothèses fantaisistes dans le seul but est de vendre du sensationnel. Selon eux le couple Toscan du Plantier battait de l’aile et la victime aurait reçu la visite d’un amant, un « French Lover ».
Bien entendu toutes ces révélations sont fausses mais afin de stopper la surenchère calomnieuse, la police organise le 7 janvier 1997 une conférence de presse au cours de laquelle elle clarifie la situation : « la victime n'avait pas des tas de relations masculines » ; « personne n'a été placé en garde à vue ».
Un journaliste soupçonné
Parmi les journalistes suivants l’affaire, l’attention des policiers se porte sur un correspondant local de deux journaux irlandais : Ian Bailey, 40 ans.
L’homme, dont le domicile se trouve à seulement deux kilomètres de la maison des Toscan du Plantier, est à l’origine d’articles ayant contribué à la dérive graveleuse de la presse au sujet de cette affaire.
De plus, il est l’une des premières personnes à s'être trouvées sur le lieu du crime. Bien avant le médecin légiste.
Mais surtout il révèle au fur et à mesure de ses articles des détails relatifs à l’enquête que seul un membre de la police ou le meurtrier lui-même peut connaître. Par exemple comment est-il au courant que la jeune femme écrivait ses scénarios sur un portable ou que des débris de tissu retrouvés sous ses ongles proviennent d'un manteau ?
Par ailleurs deux témoignages accablent le journaliste. Celui de Malachi Reed, un adolescent de 14 ans, pris en stop par Bailey qui répète ce qu’il lui aurait affirmé alors qu’il était un peu éméché :« Je suis allé la voir, elle s’est énervée et je lui ai fracassé le crâne ».
Et surtout celui de Marie Farrell, une habitante de Toormore, qui raconte avoir vu Bailey, la nuit du drame, vers 3 heures du matin, sur un pont proche du domicile de la victime : Keafalda Bridge.
Enfin, au lendemain du crime, Bailey avait des écorchures sur la figure et les bras. Pour se justifier, il disait s'être blessé en tuant une dinde pour Noël.
Devant ses éléments troublants, la police procède à l’interpellation du reporter le 10 février 1997 et le place en garde à vue pour l’interroger.
Le suspect a un alibi
Sa compagne Catherine Jules Thomas, artiste peintre, raconte aux policiers que la nuit du crime ils sont allés boire un verre au pub The Galley. Ensuite ils se sont arrêtés un moment sur la lande, vers minuit. Puis ils sont rentrés se coucher. Elle déclare ensuite que Ian s'est levé une fois dans la nuit pour écrire un article et une autre fois au matin pour aller le taper dans son bureau, situé dans une maison à une centaine de mètres de là.
Les policiers pensent que Bailey a pu, à ce moment-là, prendre son véhicule et se rendre au domicile de la victime.
Mais en Irlande le respect de la présomption d’innocence n’est pas un vain mot et sans preuves matérielles un suspect ne peut pas être poursuivi.
Jugeant les preuves insuffisantes, le procureur ordonne sa remise en liberté sans contrôle judiciaire au terme de ces 12 heures de garde à vue.
En Janvier 1998, Bailey est une nouvelle fois interrogé mais toujours faute de preuve et grâce à l’alibi que lui fournit sa compagne, il est à nouveau remis en liberté.
Nouvelle arrestation
Ce n’est que le mercredi 22 août 2001, vers 19 heures 15, que l’affaire rebondit. Alors qu’il s’apprête à prendre un avion pour l’Angleterre à l’aéroport de Cork, Ian Bailey est arrêté par la police dans le cadre d'une autre affaire.
Catherine Jules Thomas, sa compagne, le poursuit pour coups et blessures. Dans sa plainte, elle raconte que Bailey l’aurait agressé le samedi précédent dans leur maison de Lissacaha dans le comté de Cork.
Le juge Terence Finn ordonne son maintien en détention sans possibilité de libération sous caution après la mise en garde émanant du commissaire Frank O'Brien qui le soupçonne d’avoir l’intention de fuir le pays au vu des bagages imposants qu’ils portaient au moment de son interpellation à l’aéroport.
Cet évènement redonne espoir à la famille de la victime et notamment à son époux qui espère que Catherine Jules Thomas va enfin cesser de couvrir son compagnon et dire ce qu’elle sait aux enquêteurs.
Mais une fois de plus Bailey bénéficie du système judiciaire irlandais et aucune poursuite n’est engagée contre lui.
Finalement, en Janvier 2002, la police irlandaise repart de zéro et ordonne une nouvelle enquête sur le meurtre de Sophie. Deux nouveaux commissaires sont chargés de reprendre l’ancien dossier et notamment le millier d’auditions déjà réalisées.
Décès de Daniel Toscan du Plantier
Malheureusement, Daniel Toscan du Plantier ne connaîtra jamais le nom de l’assassin de son épouse. Le 11 février 2003, alors qu’il se trouve au festival du film de Berlin, il succombe à une crise cardiaque. Il avait 61 ans et s’était remarié en 1998 avec Melita Nikolic avec qui il a eu deux enfants.
Il est enterré au cimetière du père Lachaise à Paris à côté de la tombe de Marie Trintignant, disparue tragiquement en août 2003.
Ultime rebondissement
Alors qu’aucun élément nouveau n’avait été apporté à l’enquête depuis plusieurs années, le 14 octobre 2005, plusieurs avocats font une déclaration fracassante à la presse.
Marie Farrell est revenue sur sa déclaration aux policiers selon laquelle elle avait vu Bailey la nuit du meurtre sur le Keafalda Bridge situé à proximité du domicile des Toscan du Plantier. Elle affirme avoir été pressée par la police de désigner Ian Bailey à l’époque et qu’elle fait ses rétractations de sa propre initiative.
Marie Farrell avait témoigné en 2003 lors du procès en diffamation intenté par Ian Bailey envers six journaux qui l’avaient accusé d’être le meurtrier de Sophie Toscan du Plantier.
Elle avait notamment déclaré : «Cet homme a fait de ma vie un cauchemar. Depuis mon témoignage, il ne cesse de me harceler. A plusieurs reprises, il a fait en me regardant le geste de se trancher la gorge...Il m'a donné l'adresse de son avocat. Il voulait que j'aille lui dire que j'avais produit un faux témoignage.»
Aujourd’hui les avis sont partagés mais certains, dont la famille de la victime, pensent que ses rétractations, sont la conséquence des pressions exercées par Ian Bailey sur Marie Farrel.
SOURCE : AFFAIRES CRIMINELLES