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Lundi dernier, sur Canal + en deuxième partie de soirée, était diffusé dans l'émission "Lundi Investigation" un reportage intitulé "Marseille 73 : la ratonnade oubliée".
Je ne sais pas si je suis le seul à avoir regardé ce sujet, mais une déclaration de Lucien Aimé Blanc, à l'époque en poste à l'Evêché, m'a stupéfait. En effet, il disait que les actes de "persuasion", voire de tortures, n'étaient pas des faits isolés lors des gardes à vue. Il raconte également que des immigrés maghrébins, appelés dans les années 60 et garnissant la police marseillaise, avaient "importé" une technique de torture typique de l'Afrique du Nord. Il précise également que ces faits n'ont pas été constaté auprès des policiers arabes, mais auprès de tous les policiers.
Un fonctionnaire à l'époque en poste à Marseille (les faits décrits étaient en vigueur en septembre 1973) dénonçant lui-même les techniques d'interrogatoire des policiers, il n'y a donc plus aucun crédit à apporter aux aveux passés par Ranucci en juin 1974. Les déclarations de cet ancien fonctionnaire ne révèlent pas que Ranucci a été torturé, mais que c'était monnaie courante, et donc possible.
Selon toute vraissemblance, cet élément de doute rend les aveux passés par Ranucci tout simplement caduques.
Ces déclarations sont effectivement de la plus haute importance.
Non qu'elles m'apprennent personnellement quelque chose, car j'ai toujours cru la police capable de sévices, qui pouvaient aller du "simple" (!) passage à tabac plus ou moins musclé aux actes de torture purs et simples. Je ne dis pas que ces pratiques soient le fait de tous les commissariats de France, mais je n'ai jamais douté qu'elles puissent être, entre autres, celles de l'Evêché de Marseille, dont la réputation ne permet pas d'écarter ces rumeurs d'un revers de main.
Si ce témoignage est capital, c'est parce qu'il est apporté par un ancien fonctionnaire, qui sait de quoi il parle et qui, même retraité de la police, n'a certainement aucun intérêt - bien au contraire - à inventer ce genre de choses.
Faut-il pour autant en conclure que CR a effectivement été torturé, comme il le prétendra au procès ? Je ne le ferais pas si facilement. Les couloirs de l'Evêché étaient bourrés de journalistes lors de ces aveux et il me semble impossible qu'ils n'aient rien entendu si CR avait été torturé.
Mais le fait qu'il ait ou non subi de véritables tortures ne change pas grand chose pour moi à ma vision de cette affaire, car je suis de toute manière convaincue qu'une simple garde à vue, avec l'épuisement, le harcellement moral, le manque de sommeil, etc., qu'elle implique, peut souvent suffire à faire avouer n'importe quoi. D'autant que les aveux tels qu'on les retrouve retranscrits par le greffier n'ont souvent pas grand chose à voir avec ce que peut avoir réellement dit le suspect, qui se contente souvent d'acquiéser d'un grognement ou d'un mouvement de tête à ce que les policiers lui "suggèrent".
Ce n'est certainement pas le simple fait que CR ait avoué qui m'empêche de croire à son innocence.