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Pour moi c'est un mythe, comme il est mythique de croire que parce que Ranucci aurait reconnu une quleconque culpabilité, il aurait sauvé sa tête. On n'était pas dans cette phase. Je voudrais vous rappeler le contexte dans lequel se déroule cette affaire : 1968, les accords de Grenelle, pour la première fois les syndicats rentrent dans l'entreprise, conquêtes sociales.
Puis vient le temps de la revanche sociale, grandes concentrations financières, puis prétendue crise pétrolière qui est une autre façon de parler de crise financière. Pour la première fois le chômage de masse apparaît.
1974 Giscard se fait élire en se montrant en photo avec ses filles et en faisant une campagne décontractée, à la Kennedy. Et première politique du gouvernement Chirac : la relance par la consommation. Les chômeurs licenciés pour raison économique touchent 90 % de leur salaire brut pendant un an (ce qui fait un peu plus que leur salaire net ) : bien sûr vous ne travaillez plus, mais vous consommez.
Juillet 1976, la crise s'est installée, ce qu'on appelle la stagflation, l'inflation sans la croissance. La société se replie sur elle-même et on attise les peurs comme aujourd'hui où, depuis lamise en place de l'euro, notre société n'a jamais été aussi réactionnaire par certains côtés.
Quand Ranucci est jugé, la gauche est majoritaire en voix avec un PC à 20 %, c'est le plus haut du programme commun : nationalisations, relance, propositions de lois sociales : retraite à 60 ans, 5 semaines de congés payés comme chez Renault qui l'a expérimenté.
On vient de découvrir les hypermarchés, la consommation à outrance. Et Ranucci arrive dans cette crise, le chômage ne cesse de monter etc...
Quand il entre dans ce tribunal, il est déjà mort, parce que l'époque le veut. Parce que le climat le veut, bientôt Alain Peyrefitte fera voter les lois "sécurité liberté" (tiens cela ne vous rappelle rien ?), et la peine de mort est devenue une arme de ce régime.
L'inflation à l'époque tourne autour de 12 % par an. Et pour la baisser, Raymond Barre propose de réduire le taux de TVA. Je me rappelle sur un livre qui coûtait 20 francs, vous récupériez 20 centimes. C'était censé contenir la hausse des prix. Et le chômage qui grimpe, et qui grimpe.
Georges Séguy : Chirac voit le bout du tunnel parce qu'il confond l'entrée et la sortie. ce n'était pas faux. Plus tard le capitalisme allait étendre son emprise.
NOn je crois que l'on oublie le contexte de cette affaire et le climat qui a entouré ce procès, qui fait que même en plaidant coupable, les jurés l'auraient condamné à mort.
Pour ce qui est de Lombard, il a très bien plaidé, mais personne ne voulait rien entendre, donc personne n'a rien entendu. Les doutes sur le couteau ont été formulés, sur la saisie du pantalon, sur l'existence de l'homme au pull rouge. Et si Viala montre les PV à la fin, c'est bien parce qu'il y a quand même un doute introduit par les défenseurs.
Vouloir parler des avocats en oubliant le contexte (et volontairement j'ai omis Patrick Henry alors qu'à l'époque c'était du délire l'affaire Patrick Henry), c'est se faire une idée de ce procès qui est distordu.
Essayer de défendre quelqu'un quand la foule entière est venue réclamer la mort, sans rien connaître ni comprendre de ce dossier, simplement par pulsion.
La différence entre Me Lombard et Me Badinter, c'est que ce dernier a sauvé la tête de P. Henry.
Je suis persuadé comme bien d'autres que 2 jours ne suffisaient pas à juger cette affaire, que le dossier était survolé, et l'instruction bâclée. Mais malgré tout, ce sont neuf jurés loin des pressions politiques, qui ont délibérés. Et la défense ne les a pas convaincu.
Le contexte de l'époque, c'est la haine, le dégoût, et peut-être la négation du "jeune" (depuis 1968, c'est le seul point politique du contexte je pense). Le Président est jeune, apporte une politique plus moderne et plus dynamique que le dessin Pompidolien. On retrouve au sommet du gouvernement un 1er ministre qui n'a pas l'admiration de ses pairs, c'est le moins que l'on puisse dire (trop dynamique, trop intelligent, trop gauchiste, trop ambitieux).
Le rappel à l'ordre de J. Chirac suite aux déclarations de M. Poniatowski (alors Ministre de l'Intérieur) creusera un peu plus le fossé entre les anciens et les nouveaux.
Alors qu'au début des années 70, les Français sont plutôt pour l'abolition de la peine de mort, en 1976, la tendance s'est inversée.
Le président Giscard, déjà en train de gérer vaille que vaille la crise pétrolière, n'a peut-être pas comme première obssession de pronocer l'abolition contre l'opinion publique. C'est peut-être aussi pour ça qu'il refusera la grâce.
Je ne fais que supposer biensûr.
Mais je ne vois pas le Président de la République, vu ses convictions, vu ses fonctions, vu sa politique, faire éxécuter un citoyen qu'il sait innocent. C'est une accusation extrêmement grave, qui demande des preuves sérieuses avant d'être portée.
Si on s'attarde un peu plus sur la défense, qu'observe-t-on?
- 1ère étape, Me Leforsonney part en croisade tout seul, du haut de son inexpérience, pour défendre un homme aussi énigmatique. Me Lombard décide de rester en retrait. Les erreurs s'accumulent dès lors, Me Leforsonney étant certainement encore trop "tendre" pour ce type de dossier.
- 2ème étape, Me Lombard et Me Fraticelli se greffent au dispositif défensif. Incapables de se mettre d'accord sur une stratégie, les trois avocats emmeneront leur divergence au palais de justice, Me Fraticelli ne plaidant pas, alors que Me Lombard décide de jouer la carte de l'innocence ET de la defficience mentale (!).
- 3ème étape, Me Lombard décide d'aller seul défendre la cause de son client face au Président de la République. Me Leforsonney n'est pas invité, alors qu'il a une grande maîtrise du dossier et une bonne connaissance de son client.
C'est un résumé un peu sommaire mais bon, à tous de juger...