Citation :
Tu as raison aussi Thomas je trouve suspect ce Ranucci qui préfère être décapité plutôt que soit-disant avouer sa visite à son père : c'est plus grave que 15 coups de couteaux et de pierres sur une fillette... faut vraiment être crispé pour imaginer une chose pareille.
À mon avis vous ne raisonnez pas jusqu'au bout et donc effectivement par ce raccourci brutal, on a l'impression que cette chose incroyable est impossible.
C'est méconnaître plusieurs éléments de ce dossier. C'est méconnaître aussi que Ranucci était emprisonné à l'isolement.
La prison, il ne faut pas l'oublier est un poison d'une rare toxicité et une drogue. À côté, l'héroîne c'est du petit lait. Quant vous êtes à l'isolement, vous n'avez plus aucun repère, sauf lorsqu'on vous apporte à manger et qu'on ouvre les porte à sept heures du matin. Lorsque vous n'avez plus de repères, il se passe que vos pensées se mettent à ressembler aux murs qui vous entourent, elles tournent en rond.
Les évidences, vous cessez de les voir, c'est l'équivalent des flashes provoqués par l'héroïne, et en revanche vous vous laisser emporter par des obsessions qui reviennent indéfiniment.
Il faut comprendre qu'au moment où Mme Mathon apprend à son fils l'existence du témoignage Mattéi sur le pull-over rouge, puis celui de Martel, eh bien cet homme mystérieux pour Ranucci devient une obsession. Il faut lire son courrier, il imagine un certain nombre de choses et il fait tourner dans sa tête ce témoignage, indéfiniment. Du coup le reste passe à la trappe.
Donc, il ne va pas dire à sa mère qu'il a été voir son père, elle le fuit depuis 17 ans, et c'en est devenu là aussi une obsession. Il ne voit pas qu'il a besoin de tous les moyens pour obtenir la reconnaissance de son innocence, il croit qu'un seul suffit : on va bien finir par voir qu'il y a un autre homme.
Et il s'aperçoit bien sûr qu'en face, ben on verrouille tout, on cache des choses, on en maquille d'autres, et qu'en face les policiers truquent, maquillent, escamotent. Et tout tourne autour de cette obsession.
Alex Panzani dit une chose qui me semble très très importante, qui est fine et juste à mon avis : Ranucci lors du procès ne voit que sa mère, quand il s'exprime, c'est pour sa mère etc... Il ne voit plus le reste. Ceci explique très bien pourquoi il ne dit pas qu'il a été voir son père. Personne ne le lui demande. Alessandra a verrouillé cette piste.
Et puis chaque fois, on lui donne de faux espoirs : ne t'en fait pas, c'est la cassation assurée. Ne t'en fait pas, il va te gracier. Pourquoi dirait-il quelque chose dont il pense que sa mère sera blessée à jamais ?
C'est facile de raisonner comme vous le faites, chez vous. En prison à l'isolement cela donne ceci :
"Cet appauvrissement des cinq sens déshumanise... Cette vie sans but a pour conséquence la perte de la mémoire (celle des visages, des noms, des sentiments), elle plonge le corps et l’esprit dans l’hébétude la plus totale.
« Pour me concentrer il me faut faire de gros efforts. Réfléchir et penser fatiguent terriblement ."
Or donc cet homme emprisonné, dés lors qu'il est innocent ne peut pas mettre en relation un problème personnel : gérer son père par rapport à sa mère et la mort d'une gamine tuée par acharnement. Et donc certes, d'une certaine façon l'exécution de Ranucci est aussi un suicide.
C'est d'abord un assassinat commis par Mme Donadini et consorts, par M. Giscard d'Estaing. Ils ont du sang sur les mains, c'est la différence avec nous.
Citation :
Pourtant je pense vers l'innocence de Ranucci, mais là.. il est quand même louche ce Ranucci. C'est comme pour le couteau, et sa déclaration en décembre.. Il confond avec l'opinel, il est troublé ?
Ben cet interrogatoire se déroule sans avocat après 30 heures sans sommeil, Ranucci a dû bégayer trois conneries tandis que le juge dictait au greffier une paraphrase stupide des aveux.
Ranucci ne confond pas, pour lui, il n'a qu'un couteau, l'opinel. Et donc il dit l'opinel, et le juge dicte au greffier l'opinel. Il est notable qu'un policier a du intervenir durant l'interrogatoire et donc révéler au juge d'instruction qui n'avait rien compris, que ledit opinel est en fait un couteau automatique. Et donc le juge corrige. Et comme Ranucci a trente heures de veille et un sérieux tabassage, il signe sans comprendre.
C'est donc la juge qui confond, pas Ranucci.
Citation :
Vous croyez que 6 mois après, quand il nie ,farouchement, il puisse être bête à ce point là (pour sa défense) ? Aussi peu sûr de lui, peu précis ? Sa déposition il l'a forcément relue, et elle est accablante...
Certes on contorsionne pour la culpabilité, mais qu'est ce qu'on invente pas pour l'innocence.
Par moments, il me paraît autant impossible qu'il soit innocent que coupable... et vice versa!
C'est que vous n'intégrez pas la façon dont le juge fonctionne, Mme Di Marino est un petit Burgaud, elle n'est pas là pour instruire mais pour asseoir une culpabilité.
Donc première chose, elle fait comme la Convention sous la Terreur, elle prive Ranucci de défenseur en refusant de reporter son audience qui pourtant n'est pas du tout urgente.
Ensuite elle pose l'accusation en la développant et en faisant tout écrire par le greffier et elle demande à Ranucci ce qu'il en pense et la maline, quand Ranucci doit dire : ça c'est faux, ça ce n'est pas ce que je dis, elle résume : "je ne suis d'accord sur rien". Vingt lignes d'accusation, six mots de défense. C'est plus simple.
Ah bon ? Mais encore ? On ne peut pas avoir de précision sur quoi il n'est pas d'accord ?
Et puis ensuite, elle recolle les éléments de l'accusation. Et donc elle doit dire ceci à Ranucci : mais le couteau, il est bien à vous. Ben non Madame.
Mais si, il ne peut pas ne pas être à vous puisque c'est vous qui avez indiqué où il était enterré. Eh ben voualah, le serpent se mord la queue et le tour est joué.
Le couteau est à vous puisque c'est vous qui avez indiqué l'endroit, il a indiqué l'endroit donc le couteau est à lui. Ah bon, mais où l'a-t-il acheté ? Et pourquoi il était dans sa poche à ce moment là ? Ben rien.
C'est ty pas formidable la justice française ?
Et voilà comment les Athéniens s'atteignirent. Comment du fond de son isolement Ranucci peut-il comprendre qu'on a saisi le couteau la veille et qu'on a été le replanter le lendemain ? Il ne peut pas.