Les mémoires de Valéry Giscard-d'Estaing sont intéressantes puisqu'un chapître entier est consacré au droit de grâce.
Et l'on s'aperçoit, que, bien mieux que le chomage qui s'étend, les bouleversements de la société, le droit de grâce prend du temps, et semble accaparer M. Giscard un long moment.
Comment se justifie-t-il ?
Il commence par dire en gros que nous sommes inégaux devant la mort et que cela est une bien grande injustice.
Qu'il se sent responsable mystérieusement de 55 millions de français et plus particulièrement les victimes d'accidents divers, et autres calamités.
Ben oui, mais celles là elles ne sont pas mortes de sa décision. Elles sont mortes malgré lui on veut le croire...
Je lui laisse la parole : "L'opinion publique était persuadée que le président de la République "décidait" d'appliquer la peine de mort, et que, finalement, il décidait seul. Elle souhaitait qu'il le fasse en son âme et conscience, mais elle était impressionnée et craintive devant cette survivance d'un pouvoir absolu, du pouvoir le plus absolu, celui qui consiste à retirer la vie.
En réalité le président de la République ne se prononce pas sur la condamnation à mort, mais sur un recours en grâce. Le dire n'est pas essayer de jouer sur les mots, ce qui serait horrible en la circonstance, ni une manière d'esquiver les responsabilités, mais c'est évoquer une situation précise, celle à laquelle j'ai dû faire face."
Que le président décide seul, c'est une réalité attestée par sa seule signature au bas des rejets de grâce.
Il ne veut pas jouer sur les mots, car c'est horrible, mais c'est cela à quoi l'on aboutit finalement. Le président, ainsi qu'il le reconnaît, exerce un droit de vie ou de mort, alors essayer de jouer comme un pauvre jongleur entre les locutions "recours en grâce" et "condamnation à mort" semble horrible et malvenu effectivement.
C'est sans doute ce qui méritait une place à l'académie française...
En réalité le président n'entérine pas une catastrophe, une épidémie, il ne veille pas sur 55 millions de sujets, ce que personne ne lui demande car nous ne sommes plus sous l'Empire, mais il décide qu'un homme sera ou ne sera pas décapité, égorgé, tranché, martyrisé, sa tête aggrippée par les cheveux et jetée entre les jambes de son corps coupé en deux.
Voilà ce que M. Giscard devait décider. Il pouvait aussi décider de se défaire de cette survivance médiocre du pouvoir royal... Mais il est vrai qu'il descend de Louis XV...
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