Suite de la saga Fraticelli de la fin des années 80
Citation :
Extraits de ''Qui a tué le juge Michel ?'' d'Eric Pelletier et Jean Marie Pontaut:
Peu après l’admission de ‘’L’Arménien’’ à la prison des Baumettes, ses avocats présentent une demande de mise en liberté de leur client, assortie d’une lettre d’un chirurgien de la place. Celui-ci certifie « avoir opéré Kechichian, Robert en juin et août 1965, d’une lésion de la plus haute gravité et qu’une résidive peut, à tout moment, réapparaître ». Michel qui n’en croit pas un mot, rejette la demande avec un scepticisme méprisant et renvoie le voyou dans sa cellule des Baumettes.
Le premier interrogatoire avec Kechichian, le 02 juillet 1980 se passe particulièrement mal. Le trafficant nie tout, excepté le fait qu’il n’a pas d’activité et qu’il demeure inconnu du fisc.
« … je gagne ma vie en jouant aux cartes ». Il reconnaît s’occuper d’un club de bridge qui le rémunère ‘’officieusement’’, ce qui lui permet de vivre. Comment a t-il rencontré l’un des membres de l’équipe qui tournait dans le laboratoire de Milan ? « Sur une place de San Remo, il vendait des montres et j’ai sympathisé avec lui »… Il n’a pas connaissance des activités de sa femme et de sa société de publicité. En tous cas, Kechichian n’a pas mis un sou dans l’affaire… Quid de la pompe à vide de la marque Sevylor, nécessaire à la transformation de morphine que son épouse a gardée à la maison, avant que les ‘’Italiens’’ viennent la chercher ? Pour kechichian « c’est un truc avec un tuyau que Kathy a pris pour un ‘’appareil à nettoyer les piscines ». Exaspéré par l’arrogance et la mauvaise foi du truand, le juge lui annonce qu’il incarcère sa femme à la prison des Baumettes.
– « Elle est enceinte de huit mois, monsieur le juge ! » –
… la jeune femme accouchera en prison et ne sera libérée que le 02 février 1981…
A partir de ce moment, la guerre est déclarée. Et le vieux cancer de Kechichian va se réveiller et se développer… En décembre 1980, ‘’L’Arménien est réintégré en urgence au PHB… Le docteur Colombani envoie son patient se faire examiner au centre anticancéreux de Marseille. Sentant le coup venir, Pierre Michel se déplace lui-même pour constater l’état du malade. Les avocats en profitent pour réclamer une nouvelle mise en liberté. Le magistrat qui fulmine, examine à la loupe tous les rapports de filature et les écoutes téléphoniques concernant Robert Kechichian. … durant toute la période où le truand était sous surveillance, il n’a jamais appelé ou consulté un médecin. De plus, au moment de son arrestation, sa femme n’a jamais fait état de la moindre rechute de sa maladie… Pierre Michel furieux rejette de nouveau la demande avec mépris.
Mais pour plus de sûreté, il saisit deux médecins experts du tribunal de Marseille… Quelques jours plus tard, les deux spécialistes rendent leurs conclusions. Elles sont formelles : le patient présente une récidive… de ce fait son état n’est pas compatible avec la détention.
Un coup de massue pour le juge.
Après la mort de Pierre Michel, l’un des médecins interrogé dans le cadre d’une instruction judiciaire, reconnaîtra qu’il avait examiné ‘’le malade’’ ‘’sommairement’’. Mais surtout, il n’avait pas signalé, dans son rapport, les quatre biopsies négatives réalisées au centre anticancéreux ! C’est ‘’oubli’’ vaudra à l’expert à ‘’ l’expert’’ d’aller dormir un temps à la prison de Toulon. Son collègue…, lui, avouera qu’il n’a jamais vu le malade, se contentant de cosigner l’expertise et de partager les honoraires.
En attendant, Pierre Michel, qui ignore ces manipulations, se trouve quasi obligé de libérer Kechichian. Certain, pourtant, qu’on essaie de le rouler, il décide d’utiliser les grands moyen. Sa botte secrète. Il va refaire le coup de Giralt et expédier Kechichian loin d’ici, à l’hôpital des prisons de Fresnes. Marie Viangalli, la substitut qui suit les affaires de drogue à Marseille… avise le Ministère de la Justice afin d’organiser le transport. Ils rient tous deux du bon tour qu’ils vont jouer à la ‘’mafia des Baumettes’’.
Leur joie est de courte durée. Le mardi 07 juillet 1981, le juge Michel reçoit deux lettres.
La première est un courrier officiel en-tête du Ministère de la Justice. Celui-ci émane du médecin inpecteur général de l’Administration pénitentiaire, le chef de toute la médecine carcérale en France, responsable de l’hôpital de Fresnes. Le docteur Solange Troisier explique qu’il n’existe pas de structures nécessaires pour soigner monsieur Kechichian Robert… Michel n’en croit pas ses yeux. Solange Troisier représente une sommité du monde médical, mais aussi politique… comment une t-elle professionnelle peut-elle refuser que le trafiquant soit examiné dans ‘’son’’ hôpital ?
En ouvrant son deuxième courrier, le magistrat comprend d’où vient le coup. Il s’agit d’une nouvelle demande de liberté de Maître Fraticelli pour Kechichian. Cette fois le ton est comminatoire. L’avocat parle du ‘’mal irréversible dont est atteint son client. Et pour enfoncer le clou, il ajout : « Je viens d’appendre directement de la Chancellerie que l’hôpital central de Fresnes ne possède pas d’équipement permettant une cobaltothérapie. » L’avocat termine par une phrase énigmatique : « Je vous rappelle le drame d’une famille face à la mort d’un des siens et en l’état du silence ou du refus que vous opposez contre l’unanimité du corps médical ». L’avocat porte un dernier coup bas, car l’allusion est évidente. L’année précédente, le juge avait fait incarcéré un docker de cinquante deux ans, habitant dans les quartiers nord de Marseille et mêlé à un petit trafic de Haschich. Ce père de famille, véritablement malade, avait été hospitalisé dans un établissement civil, puis transféré au PHB. Alors que son avocat, Maître Sixte Ugolini, s’apprêtait à effectuer une demande de remise en liberté auprès du juge, Martinez Idelfonso meurt au cours du week-end d’une crise cardiaque. Pierre Michel ne s’estimait pas responsable de ce drame car personne ne l’avait prévenu de l’état réel du suspect. Mais à cette occasion, des tracts anonymes avaient été déposés sur les voitures en stationnement à proximité du palais : « Monsieur le juge Michel, donnez-nous des explications sur la mort suspecte à l’infirmerie de la prison de monsieur Martinez Idelfonso, grand malade, invalide, ancien combattant, père de famille nombreuse. Assassinat légal. Répondez. »