Merci à Anne et Yargumo pour votre accueil sur le forum, et mille excuses d'avoir mis les pieds dans le plat aussi abruptement sans me présenter. Mais en bon méridional qui ne se renie pas, certains raisonnements ont le don de me faire bondir. Cette affaire qui me passionne depuis toujours n'a cessé d'attiser les passions et ce n'est pas près d'arrêter... Je vais donc remettre les choses à l'endroit et commencer par me présenter un brin, même dans un topic qui n'est pas à proprement parler un thread dédié à la présentation des membres, cela aura son utilité pour la suite...
Je suis né sur la Côte d'Azur l'année où l'homme a marché sur la lune et je n'ai jamais changé de région depuis : dans la banlieue niçoise d'abord puis à Nice même depuis mes études. L'affaire Ranucci je l'ai donc d'abord vécue dans ma chair, en tant qu'enfant régional de l'étape si j'ose dire...
Par delà les opinions divergentes qui s'expriment ici, je vais m'essayer modestement à faire preuve de pédagogie ici en vous faisant revivre un peu l'atmosphère de l'époque, car j'ai remarqué que de nombreux passionnés par cette affaire étaient nés après, et souvent jeunes, seulement abreuvés et alertés par le "Pull Over rouge" de Gilles Perrault au sujet duquel j'aurai le temps de m'exprimer plus tard... Ce même Gilles Perrault qui, par idéologie ou aveuglement, plus surement les deux a longtemps soutenu mordicus l'innocence d'un autre criminel, le violeur multirécidiviste Luc Tangorre...
A l'hiver 1976, Roger Gicquel n'exagère en rien lorsqu'il ouvre son JT de 20 h sur TF1 (alors chaîne publique comme toutes d'ailleurs) par un retentissant : "Bonsoir, la France a peur..." Formule qui lui a attiré les foudres mais se faisait l'écho réel de l'inquiétude des braves gens à l'époque. Surtout dans le Sud où plusieurs événements impliquant des enfants où adolescents étaient survenus depuis le début des années 70, comme le viol suivit d'un meurtre d'une adolescente fille de maraîchers à Carros dans la banlieue niçoise. Crime qui vaudra à son auteur, Ali Benyanès, d'être guillotiné en 1973 aux Baumettes (il avait violé puis égorgé la gamine).
Mais ça fait deux ans au moins que la France a vraiment la frousse lorsque le journaliste prononce sa phrase après le déclenchement de ce qui deviendra l'affaire Ranucci/Rambla à l'issue d'un week-end de Pentecôte sanglant au seuil de l'été 1974... Tous les enfants en âge scolaire, c'est à dire peu ou prou entre cinq et quatorze ans, étaient briefés matin et soir : "si un inconnu t'aborde ne l'écoute pas et va t'en, si quelqu'un t'offre des bonbons ou te propose de rechercher un animal de compagnie - signale le immédiatement à un adulte, si un adulte prétend venir te chercher à notre place ne lui obéis pas il ment... etc" C'était pareil pour tous les parents, perpétuellement inquiets pour leur progéniture. A titre personnel mes parents nous tenaient à mes soeurs et moi même rigoureusement le même discours, ils n'étaient pourtant pas imbibés d'idéologie sécuritaire puisque militants communistes...
A l'été 1976, fin juillet, il fait une chaleur à crever dans la cuisine où nous déjeunons en famille en écoutant à la radio le jeu phare de Zappy Max "Quitte ou double" qui crachote sur le poste radio Brandt jaune et noir posé sur le buffet. Depuis le matin j'étais intrigué par les chuchotis de mes parents en notre présence et avec les voisins, dans la cour de l'immeuble où sur le palier... Les infos arrivent à l'entracte : "Christian Ranucci a été guillotiné cette nuit à la prison des Baumettes, Valéry Giscard d'Estaing ne lui a finalement pas accordé sa grâce..." Info largement submergée par le triomphe ce même jour de Guy Drut sur 110m haies aux JO de Montréal. C'était le 28 juillet 1976 et je revois encore la moue de mon père lorsque du haut de mes 6 ans je lui demande : "papa, ça veut dire quoi guillotiné ?" Va expliquer à un môme qu'on peu couper quelqu'un en deux à l'aide d'une machine au petit matin...! La guillotine je la découvrirai plus tard dans le film "Deux hommes dans la ville" avec Gabin et Delon : le cortège silencieux, le réveil du condamné, le trajet jusqu'au greffe, le col de chemise, les liens, le verre de rhum, la dernière clope, la porte qui s'ouvre... A cette époque paraît le "Pull Over rouge" ou POV pour les initiés, j'ai 9 ans et tout remonte à la surface : les avertissements des adultes, le procès Ranucci, l'exécution, la guillotine que M° Badinter évitera miraculeusement à Patrick Henry. Je me fais offrir le livre et je le dévore, le dissèque, analyse les faits et les éléments et me forge une intime conviction : Ranucci était innocent ! Cette conviction ne me quittera pas jusqu'en 1992, où d'autres sources infiniment plus crédibles que les péroraisons et autres élucubrations de Gilles Perrault me feront raisonnablement changer d'avis...
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