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Marc D. a dit : Citation :
Noublions pas que Ranucci aime raconter un peu n'importe quoi. Je ne sais pas s'il est assez pervers vous raconter une vérité tout en y ajoutant un détail impossible (la façon de planter le couteau), mais en tout cas, il raconte pas mal de bobards, et il n'est pas très fort pour ça.
Intéressante votre démarche de reflexion. Elle est identique à celle des enquêteurs qui interrogent Ranucci, et à celle des psys-experts qui l'ont examiné : partant du principe qu'il est coupable, ses propos doivent corroborer les constatations.
Je ne pars pas du principe qu'il est coupable. Je ne pars d'aucun principe, d'ailleurs. Je pars des témoignages et j'essaie de voir en quoi ils sont réalistes ou pas, sans savoir où ça va me mener. Si je dis que Ranucci raconte pas mal de bobards, c'est que ses premières déclarations, ses aveux, ses protestations d'innocence et les hypothèses de son récapitulatif contiennent tous des mensonges manifestes. Ça ne veut pas dire qu'il est coupable.
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Mais il me parait déplacé d'affirmer que ranucci "aime raconter n'importe quoi". Qu'il soit étranger à ce qu'on lui reproche ou coupable, Ranucci n'est pas en position de dire ou de faire ce qu'il aime.
J'admet que "aime raconter n'importe quoi" est exagéré ou faux. C'est plus fort que lui, il raconte n'importe quoi. Il n'aime pas forcément ça.
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La façon dont se passent les aveux :
- l'enquêteur pose une question
- l'inculpé répond verbalement ou d'un signe
- l'enquêteur reformule et tape sur le PV
Ce qui en résulte correspond plus au style de l'enquêteur qu'à celui de Ranucci.
Ayant été interrogé par la police à un âge proche de celui de Ranucci, pour des faits heureusement infiniment moins graves, je sais comment se passe un interrogatoire de police. Ça peut passer aussi par un récit spontanné, reformulé morceau de phrase par morceau de phrase avec le policier qui tape, même si c'est parfois lui qui l'emporte quant aux choix des mots, parce qu'il veut que la phrase ne soit pas trop bancale. Il est cependant possible de faire rayer un mot qu'on veut nous imposer. Là où c'est plus difficile, c'est de faire retaper plusieurs phrases au moment de signer ; même si on voit deux ou trois petites choses pas très exactes, on n'ose pas les faire corriger, surtout si elles n'ont pas d'importance. Pour ce qui est du style, c'est celui de l'enquêteur, ou plutôt le "style policier" ou le "style gendarme", selon le cas de figure, car ils suivent des stéréotypes. C'est probablement une bonne chose : ça permet de ne rien oublier (qui, quand, quoi, où, comment, pourquoi... ce genre de choses). Si on laissait les gens rédiger leurs déclarations, ça fourmillerait de détails inutiles et il manquerait l'essentiel ; sans compter que beaucoup de gens ne savent pas raconter ce qu'ils ont vu ou fait sans être aidés.
Dans le cas d'aveux de meurtre, je devine qu'après avoir fait pression psychologiquement et avoir peut-être un peu secoué la personne, ils lui permettent ensuite de "se soulager" dans le calme, et ils sont peut-être à ce moment-là encore plus à l'écoute et conciliants dans la rédaction de sa déposition qu'avec quelqu'un d'autre, car il ne faudrait pas que celui qui avoue se braque au beau milieu de son récit et ne veuille plus parler.
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On ne sait pas ce qu'il a dit exactement pour le couteau. On lui demande comment il s'est débarrassé du couteau, et il décrit ce qu'on lui demande mais peut-être sans grande conviction, sans vraiment s'en rappeler. L'initiative de dire "comment" ne vient peut-être pas de lui.
Gravissime, vous êtes en train de considérer comme vraisemblable que les aveux non seulement aient pu être extorqués, mais encore qu'ils ne reflètent pas la réalité de ce que Ranucci a pu reconnaitre.
Pas du tout. Vous m'avez mal compris. Je dis seulement qu'il n'a peut-être pas fait l'effort de répondre comme il faut à leur question sur la façon dont il a enterré le couteau. C'est l'initiative de décrire "comment" qui ne vient peut-être pas de lui, pour moi ; je ne parlais pas de la description elle-même, qui est de Ranucci, à coup sûr, puisqu'elle ne correspond à rien de réel (si le couteau retrouvé est celui dont il parle, et s'il a été retrouvé comme c'est rapporté - de façon très détaillée, d'ailleurs). S'il décrit mal ce "comment", c'est peut-être parce qu'il ne s'en souvient plus, mais fait l'effort de l'expliquer malgré tout. Je dis cela car je vois d'autres moments dans ses déclarations où il ne dit pas ce dont il se souvient, mais où il cherche à réfléchir à la situation et donne une explication qui lui paraît logique... Par exemple :
"Je suis monté le premier dans la voiture, je lui ai rabattu le siège avant et la petite a pris place à l'arrière. Je précise que la porte côté conducteur de ma voiture est bloquée, ce qui m'a obligé à monter moi-même par le côté passager. Je me trompe, la porte n'était pas bloquée à ce moment-là, je suis monté par le côté gauche. C'est seulement après l'accident que la portière gauche a été bloquée." On voit ici que, dans un premier temps, la logique l'emporte sur le souvenir. Et c'est même la logique qui l'emporte à nouveau, peut-être, quand il se rappelle que la porte n'était pas encore coincée, finalement : "ah, non, je suis monté par la gauche PUISQUE la portière n'était pas encore bloquée", au lieu de "je m'en souviens bien à présent".
Là, d'ailleurs, on devine que le policier qui tape le suit de près, car il a tapé le lapsus et a donc été obligé de taper la correction donnée par Ranucci.
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Et ne croyez pas que ca se passe comme une aimable conversation, qu'il y ait ou non des pressions physiques ou des violences. La pression psychologique est énorme sur quelqu'un qui se trouve en position d'accusé.
Oui, mais comme je l'ai dit, il vaut mieux laisser retomber la pression quand il se lâche.
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D'ailleurs, les enquêteurs ont besoin d'informations précises : où, quand, comment, pourquoi. Ranucci, lui, pinaille sur des détails sans importance (aux yeux des policiers, en tout cas), et reste assez confus sur ce qui les intéresse vraiment.
On peut en tirer le sentiment que Ranucci ne se souvient pas ou qu'il est étranger à cette affaire...
Ou bien, tout simplement, qu'il est le meurtrier, et que comme tout meurtrier de ce type qui passe à l'acte sauvagement dans un moment de folie (je ne parle pas de ceux qui tuent froidement pour de l'argent, mais de ceux qui donnent quinze coups de couteau à une fillette), il n'est pas vraiment calme et réfléchi quand les faits déterminants se produisent, et n'en garde pas un souvenir exact.
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Le fait qu'il l'ait trouvé dans un lieu assez similaire à ce qui est décrit dans les aveux plaide en faveur de la culpabilité, même si on peut aussi en conclure que le couteau n'a pas été retrouvé exactement comme Ranucci l'avait décrit.
Tout au plus y a t il des présomptions, qui se sont transformées en certitudes et qui ont été présentées comme telles. Votre formulation illustre clairement que rien ne peut être affirmé de façon indubitable.
"Plaide en faveur" ne veut pas dire "prouve". Nous sommes donc d'accord, je crois. J'ai ajouté un bémol, car d'autres explications sont peut-être valables. De toute façon, ce point n'est pas du tout déterminant. Il me semble, cependant, que si Gras n'avait aucun détail pour l'aider dans sa recherche, et qu'il a trouvé le couteau dans un endroit qui
semble correspondre à peu près à ce que disait Ranucci dans ses aveux, ça n'est pas bon pour Ranucci. En tout cas, ça n'est pas un élément à utiliser pour le disculper, je crois. Ou alors, il faut contester les conditions de la découverte ; mais ça, c'est trop facile.
En fait, pour tout vous dire, j'avais pensé ajouter après "même si on peut aussi en conclure que le couteau n'a pas été retrouvé
exactement comme Ranucci l'avait décrit", que ça s'appliquait aux personnes qui trouvent que le dessin de Ranucci est totalement imprécis parce qu'il y manque un arbre qui n'a pourtant rien à voir avec le schmilblick.
