Bon, je voudrais d'abord signaler la contradiction qui existe entre les articles du "Provençal" et du "Méridional" d'une part et celui de "La Marseillaise" d'autre part. Dans les deux premiers, c'est Jean Rambla qui s'est adressé aux journalistes, semble-t-il ; il est à la maison quand son fils vient le trouver ; il est question d'une Simca. Dans le dernier, ce sont les enquêteurs qui ont reconstitué les faits : Jean Rambla revient de faire une petite course et croise son fils qui cherche Marie ; cette fois, il est question d'une Simca 1100 (recoupement évident avec le témoignage de Spinelli).
Mis à part la Simca 1100 et l'horaire, je crois ce dernier récit plus proche de la vérité, car voici le témoignage des Rambla dans "Le droit de savoir" :
Citation :
Villeneuve : C'est bientôt l'heure du déjeuner. La mère de Marie-Dolorès interpelle du balcon son fils Jean, âgé de six ans.
Madame Rambla : Et je vois mon petit comme ça. Mais Jean, où elle est, Marie ? Et c'est : Marie, je la trouve pas. Et c'est à ce moment-là que mon mari arrive.
Monsieur Rambla : Quand ma fille est disparue, tout de suite, je suis allé... je suis allé à la police. J'ai fait vite, vite, pour signaler la disparition de mon enfant.
Villeneuve : A treize heures, Pierre Rambla se rend à l'Évêché, l'hôtel de police de Marseille, pour signaler la disparition de sa fille Marie-Dolorès...
Il serait très intéressant de savoir à quelle heure exactement monsieur Rambla s'est présenté au poste de police du quartier. C'est essentiel.
Tout d'abord, même si c'est Villeneuve qui l'affirme, cette idée d'heure du déjeuner qui approche me semble assez logique, car à cette époque, à l'âge de cinq ans, j'avais le droit de jouer dans les environs de mon immeuble sous la seule surveillance de mes soeurs âgées de sept et huit ans, à la condition d'être rentré pour midi ; et c'était la même chose pour presque tous les enfants du quartier. Il n'y avait aucune raison pour une mère de s'inquiéter de ce que faisaient ses enfants s'il n'était pas midi moins le quart environ, surtout si les enfants n'étaient sortis qu'en fin de matinée comme les petits Rambla.
Maintenant, Rosano. Voici ce qu'il dit dans la même émission :
Citation :
Villeneuve : Marseille, le 3 juin 76 [sic], quartier des Chartreux. C'est le lundi de Pentecôte, et au pied de la cité Sainte-Agnès, Guy Rosano prépare son camion à pizza.
Rosano : En fin de matinée, j'étais là [en train de ?] préparer mon camion et tout, bon, il y avait les enfants qui s'amusaient, les enfants de Rambla s'amusaient, il y avait ma nièce... Ils s'amusaient, ils couraient, enfin ils étaient par là, quoi... Et c'est là que j'ai aperçu ce gars, là-bas en face. Mais moi, quand je l'ai vu, j'ai pas... j'ai pas porté gare, quoi, disons.
Journaliste : Il était où ?
Rosano : Il était en face, où il y a le poteau. Il était appuyé contre le poteau.
Nous sommes donc en fin de matinée. Rosano voit les enfants Rambla s'amuser près de son camion, et un homme appuyé à un poteau en face, qui est peut-être bien le futur ravisseur surveillant les enfants, sans qu'on puisse en être certain. Or, Jean a toujours dit que le monsieur s'était garé et les avait abordés tout de suite, lui et sa soeur. Si l'homme vu par Rosano était bien le ravisseur, alors il était sûrement garé un peu plus loin dans un premier temps, puis il est venu se garer tout près d'eux et les a abordés.
- Si Rosano était toujours là, logiquement, il a dû se garer là où Spinelli dit l'avoir vu, c'est à dire à l'emplacement de la Peugeot rouge (Gihel pense que ça peut se situer face aux garages, sur l'autre trottoir, mais je ne crois pas que Spinelli ait désigné cet endroit dans les émissions), ou bien juste à côté du camion, même si ce serait tout de même un peu gonflé. Cependant, n'oublions pas que Rosano n'a peut-être pas de visibilité de ce côté, quand il est dans son camion. Il dit avoir nettoyé l'intérieur de son camion avant de partir, je crois. Donc, dans la rue qui monte, au-delà de l'angle de l'immeuble, le ravisseur est à l'abri des regards de Rosano ; par contre, il se trouve repérable de partout dans cette rue qui monte, et il ne peut pas exclure d'être visible depuis le balcon ou une fenêtre de l'appartement des parents des enfants, ou d'autres personnes les connaissant très bien.
- Si Rosano vient juste de partir au moment où le ravisseur passe à l'action, alors il est préférable pour lui de se garer devant les garages ; ça ne fait pas l'ombre d'un doute pour moi. Seulement, Rosano a prétendu à l'époque être resté sur place de 9 heures à midi. Je sais que certains considèrent cette heure-là comme indiscutable, tout en changeant allégrement l'heure de l'accident ou de la sortie de Spinelli de son garage à leur convenance. Quant à moi, je trouve beaucoup plus logique, quelle que soit l'heure de l'enlèvement, d'ailleurs, que Rosano soit parti avant midi afin d'être sur son lieu de vente au moment où les plagistes se disent "Il est midi, on achète une pizza ?"
Je rappelle deux autres témoignages parus dans les journaux, et par conséquent ni plus ni moins fiables que les articles que Joaquin a eu la gentillesse de nous citer.
Madame Rosano, concierge de l'immeuble des Rambla :
Il était 11h25 lorsque j'ai vu les petits Rambla, il y avait Jean et Marie-Dolorès, je revenais de faire quelques commissions. En partant, ils étaient quatre dans le jardin : Isabelle et Frédéric Mudeni, Jean et Marie-Dolorès. Lorsque je suis revenue, il ne restait plus que les deux gosses du boulanger. « Vos camarades sont partis ? » leur ai-je demandé. « Oui », m'a répondu la petite fille, « leur maman les a appelés pour partir en promenade. » La petite et son frère partirent en courant, je rentrai tranquillement chez moi.
On voit qu'il y a une contradiction dans son témoignage, car elle ne les a pas vus en rentrant comme elle le dit au début, mais en partant. Cependant, les premiers mots semblent clairs : l'heure qu'elle donne, c'est celle à laquelle elle a vu les enfants pour la dernière fois, et non l'heure à laquelle elle est rentrée, comme un autre témoignage le confirme.
Pierre Blanc :
Je suis parti de la cité vers 11h15, 11h30. J'ai vu et salué madame Rosano. Les gosses jouaient en bas de l'escalier.
Il parle bien sûr des enfants Rambla, puisque on ne l'interroge pas sur autre chose.
Il reste un mystère : madame Rambla aurait appelé les enfants pour partir en promenade. Or, après avoir joué en bas de chez eux, les enfants Rambla se retrouvent à tourner autour du camion Rosano. En fait, leur mère les a peut-être appelés du balcon, pour leur dire de ne pas trop traîner, car ils allaient manger de bonne heure et partir en promenade juste après. Alors, pourquoi ne pas revenir jouer avec les petits Mudeni ? Probablement parce que Marie-Dolorès s'est dit qu'il ne lui restait plus beaucoup de temps pour aller cueillir des fleurs pour sa mère, et qu'elle a donc entraîné son frère dans la partie où il y avait de hautes herbes, en bas de la rue (c'est un trottoir comme un autre aujourd'hui).
Dans mon hypothèse (qui ne plait à personne, je l'ai bien compris, mais j'espère être en droit de l'exprimer malgré tout sans me faire agresser), Ranucci est déjà là depuis un certain temps à observer des enfants, appuyé sur un poteau, là où Rosano l'a vu. Quand les petits Rambla arrivent, il les trouve intéressants. Quelques minutes plus tard, Rosano quitte les lieux. Ranucci va chercher sa voiture, se gare à peu près là où était Rosano deux minutes plus tôt, puis traverse la route pour aborder les enfants. Il envoie le petit Jean faire le tour de l'immeuble. Il n'est pas impossible que Marie-Dolorès ait déjà cueilli quelques fleurs. Il lui propose alors d'aller chercher son chien noir en voiture, et peut-être lui dit-il qu'elle pourra cueillir de beaucoup plus belles fleurs à un endroit qu'il connait. Il quitte les lieux vers 11h40. Vers midi, il s'arrête pour lui faire cueillir des fleurs et fume une cigarette en attendant. Ensuite, il repart en lui disant qu'il va prendre un autre chemin pour rentrer plus vite, une route avec moins de virages. Je n'ai aucune idée de ses intentions à ce moment-là. Juste avant d'arriver au "stop" de La Pomme, il demande à la petite de se baisser au cas où il y aurait la police. Accident. Il s'enfuit, tout en abreuvant la petite de paroles rassurantes. Mais il ne peut pas continuer, à cause de son pneu qui frotte. Ne se sachant pas poursuivi (difficile de voir les Aubert dans le rétro puisque la route n'est pas droite), il s'arrête et sort constater les dégats (par la portière conducteur, qui s'ouvre pour la dernière fois). Il entend une voiture arriver. Il fait le tour au moment où les Aubert débouchent du virage. Il voit la voiture ralentir, alors il fait sortir la petite, puis l'entraîne dans les bois. Là, ça fait un peu beaucoup pour elle, et il lui sert la main trop fort, alors elle se met à crier. L'accident, la fuite, les Aubert, les cris... C'en est trop pour lui aussi, il panique, la prend par le cou pour l'étrangler, mais elle crie encore plus fort et se débat, alors il sort son couteau et la tue. Arrivent les Aubert, au moment où il traîne peut-être le corps (Aubert entend des bruits). Aubert l'interpelle ; Ranucci lui répond : "Partez devant, j'arrive." Il comprend qu'il lui faut dissimuler le corps au plus vite, car il n'est pas question de le transporter dans sa voiture, à cause du sang (sans compter que ça se passe au bord de la nationale en plein jour), et le laisser comme ça, c'est courir le risque qu'on le retrouve rapidement. Le reste de l'hypothèse, je l'ai déjà raconté.
Je sais bien que c'est impossible, tout ça, tout ça.
